Mozambique, Sénégal, Mauritanie: ExxonMobil et BP dévoilent les derniers développements de leurs mégaprojets de gaz naturel liquéfié

L'unité flottante de gaz naturel liquéfié de Grand Tortue Ahmeyim.

Le 11/11/2024 à 13h10

Intégration locale, formation de ressources humaines locales, négociations... lors de la récente Semaine africaine de l’énergie, des dirigeants de ExxonMobil et British Petroleum (BP) ont présenté les avancées concrètes de leurs investissements pharaoniques à travers le projet Rovuma LNG au Mozambique pour ExxonMobil et le projet Grande Tortue Ahmeyim (GTA) au large du Sénégal et de la Mauritanie pour BP.

L’avènement de Rovuma LNG et Grande Tortue Ahmeyim redessine-t-il la carte énergétique africaine au profit d’ExxonMobil et BP? Une chose est sure, ces trois pays sont actuellement des terrains de jeu gaziers pour ces deux géants pétroliers. Rovuma LNG au Mozambique pour ExxonMobil et Grande Tortue Ahmeyim au Sénégal et en Mauritanie pour BP.

Lors de la Semaine africaine de l’énergie 2024, qui vient de se dérouler du 4 au 8 novembre 2024 au Cap, en Afrique du Sud, ces deux géants ont réaffirmé leur engagement à investir massivement dans des projets gaziers et pétroliers sur le continent, capitalisant sur la demande énergétique croissante.

Le projet Rovuma au Mozambique

ExxonMobil est actuellement concentré sur un seul mégaprojet en Afrique: le développement du gisement de gaz naturel offshore Rovuma au Mozambique. «Rovuma LNG est un concept exceptionnel d’un point de vue technologique, qui réduira considérablement les émissions de gaz à effet de serre», déclare Frank Kretschmer, directeur général d’ExxonMobil Mozambique. Le projet Rovuma LNG d’ExxonMobil au Mozambique est véritablement pharaonique par son ampleur. Avec une capacité de production prévue de 18 millions de tonnes par an (MTPA) de gaz naturel liquéfié une fois pleinement opérationnel, il représentera l’un des plus importants investissements jamais réalisés par ExxonMobil en Afrique.

Il faut dire que l’envergure colossale de ce projet offshore de gaz naturel liquéfié (GNL) se reflète à plusieurs niveaux: investissement gigantesque, infrastructure titanesque, réserves géantes, production record. On estime que le coût total de développement de Rovuma LNG pourrait avoisiner les 30 milliards de dollars, faisant de ce projet l’un des plus capitalistiques du secteur énergétique mondial. Un investissement d’une telle ampleur témoigne de l’importance stratégique que revêt ce projet pour ExxonMobil.

La phase de construction mobilisera des moyens industriels et logistiques massifs, avec notamment la construction d’une usine de liquéfaction de gaz naturel offshore de grande capacité dans la région d’Afungi. Des infrastructures annexes comme des gazoducs, des terminaux d’exportation et des installations de traitement devront également être érigées. Le projet valorisera les énormes réserves de gaz du bassin de Rovuma au large du Mozambique, estimées à plus de 100 trillions de pieds cubes de gaz naturel. Une ressource énergétique considérable.

Avec 18 millions de tonnes par an (MTPA) de GNL, Rovuma LNG deviendra l’un des tout premiers projets de liquéfaction de gaz naturel d’Afrique par sa capacité de production. À titre de comparaison, le projet géant Coral FLNG au Mozambique n’a qu’une capacité de 3,4 MTPA. Face à l’immensité de ce pari industriel et financier, ExxonMobil vise désormais une décision finale d’investissement d’ici début 2026 pour donner le coup d’envoi à la construction principale de Rovuma LNG. Un jalon crucial qui engagera définitivement ce méga-projet emblématique pour ExxonMobil en Afrique.

Stimuler le développement local

Selon Frank Kretschmer, le directeur général d’ExxonMobil Mozambique, le projet Rovuma LNG revêt une importance capitale bien au-delà de sa capacité de production de GNL. Il s’inscrit dans une vision plus large visant à stimuler le développement socio-économique local tout en relevant les défis énergétiques et environnementaux mondiaux.

Kretschmer souligne que la phase de construction pharaonique de Rovuma LNG générera d’importantes retombées positives pour les populations locales mozambicaines. Des milliers d’emplois seront créés, permettant de développer les compétences techniques locales dans un secteur clé. Les entreprises locales bénéficieront également d’un coup de fouet majeur en se positionnant sur la chaîne d’approvisionnement de ce méga-projet.

Au-delà de cet impact socio-économique direct, ExxonMobil semble porter une vision à long terme sur les enjeux énergétiques. Kretschmer estime qu’un accès de 15 millions de BTU (British Thermal Units) par personne et par an est nécessaire pour garantir un niveau de vie énergétique convenable comprenant la cuisson propre, l’électrification et la sortie de la précarité énergétique. Le GNL produit par Rovuma LNG contribuera à répondre à ces besoins fondamentaux.

Faire face à la demande croissante

Avec la croissance démographique et économique en cours dans les pays émergents, ExxonMobil anticipe une hausse de 20% de la demande mondiale de gaz d’ici 2050. Le projet Rovuma LNG s’inscrit donc dans une stratégie de renforcement du portefeuille amont du groupe pour répondre durablement à cette demande énergétique croissante.

Mais cette vision ne se limite pas à la production de gaz. ExxonMobil entend également jouer un rôle moteur dans la transition vers une industrie gazière et pétrolière à faibles émissions de carbone. Kretschmer met en avant le développement de « nouvelles solutions à faible émission de carbone » qui « ouvrent la voie à une nouvelle industrie de réduction des émissions ».

Avec Rovuma LNG, ExxonMobil semble donc poursuivre des objectifs multidimensionnels : catalyser le développement local, assurer l’accès à l’énergie, répondre à la demande mondiale tout en amorçant une transformation verte de son industrie. Un pari ambitieux à la hauteur de l’immensité du projet.

Le projet Grande Tortue Ahmeyim au large du Sénégal et de la Mauritanie

De son côté, BP se concentre sur le projet révolutionnaire de GNL offshore Grande Tortue Ahmeyim (GTA), situé au large du Sénégal et de la Mauritanie. Ce projet de 2,3 millions de tonnes par an (MTPA) sur 20 ans intègre des innovations techniques majeures selon Dave Campbell, vice-président senior de BP pour ces deux pays : « Le projet GTA est complexe, mais innovant (...) avec un Floating Production Storage and Offloading (FPSO) de la taille de deux terrains de football et l’un des systèmes sous-marins les plus profonds de l’industrie et du continent. ». Entendez par FPSO, l’unité flottante de production, de stockage et de déchargement. Il s’agit d’une infrastructure qui joue un rôle crucial dans l’exploitation des ressources gazières et pétrolières en mer. Dans le cadre du projet Grand Tortue Ahmeyim (GTA), le FPSO est une infrastructure clé qui permet de traiter et de gérer le gaz naturel extrait des réservoirs sous-marins.

Campbell souligne les défis réglementaires et opérationnels du projet transfrontalier : « Nous avions deux ensembles de réglementations à harmoniser, mais avec le soutien de nos partenaires, des gouvernements et des régulateurs, nous travaillons pour trouver des solutions pratiques. »

Des négociations complexes

Comme souligné par Dave Campbell, le projet GTA représente un défi réglementaire et opérationnel de taille pour BP, du fait de son caractère transfrontalier impliquant le Sénégal et la Mauritanie. Les réglementations régissant les activités pétrolières et gazières diffèrent entre ces deux pays voisins. BP a dû travailler en étroite collaboration avec les gouvernements et les autorités réglementaires sénégalaises et mauritaniennes afin d’harmoniser et de réconcilier ces cadres juridiques distincts.

La mise en place d’un environnement réglementaire cohérent et stable aux frontières maritimes du projet GTA a nécessité des négociations complexes. Il a fallu définir des règles communes concernant les aspects techniques, environnementaux, fiscaux, douaniers et autres aspects cruciaux. Un accord intergouvernemental spécifique a dû être conclu pour encadrer le développement de ce champ gazier transfrontalier.

Au-delà des défis réglementaires, BP a également dû relever des défis opérationnels majeurs liés au partage du gisement entre les deux pays. La répartition équitable des ressources gazières, la délimitation précise des zones d’exploitation et la coordination des activités d’exploration et de production des deux côtés de la frontière maritime ont représenté des enjeux techniques et logistiques complexes à résoudre.

Grâce à l’engagement de toutes les parties prenantes, BP a pu mettre en place un cadre commun permettant de mener à bien ce projet pionnier de GNL offshore partagé entre deux États. Cette coopération exemplaire démontre la capacité de l’industrie à surmonter les obstacles réglementaires et opérationnels transfrontaliers lorsque les intérêts économiques et énergétiques sont alignés.

Intégration locale

Le développement de l’intégration locale est une priorité majeure pour BP dans le cadre du projet gazier Greater Tortue Ahmeyim (GTA) au Sénégal et en Mauritanie. Comme le souligne Dave Campbell, la major pétrolière accorde une importance cruciale au renforcement des capacités locales et à l’implication des communautés et entreprises locales.

En premier lieu, BP a mis en place un ambitieux programme de formation sur mesure de quatre ans destiné spécifiquement aux ressources humaines locales. Ainsi, 47 techniciens mauritaniens et sénégalais suivent actuellement cette formation au sein même de BP. L’objectif est de former la prochaine génération d’ingénieurs et de techniciens qualifiés issus des régions d’accueil du projet GTA. Cela permettra de développer un bassin de compétences locales pérennes dans le secteur pétrolier et gazier.

Parallèlement, BP se concentre activement sur l’identification et le soutien d’entrepreneurs et de fournisseurs locaux pouvant participer à la chaîne d’approvisionnement du projet GTA. Que ce soit pour les services, les équipements ou les fournitures, la compagnie cherche à maximiser les retombées économiques locales en faisant appel autant que possible aux entreprises mauritaniennes et sénégalaises.

Cette stratégie d’intégration local vise à créer des opportunités durables d’emplois et de revenus pour les populations locales. Elle favorise également un transfert de compétences et de technologies du secteur énergétique vers l’économie locale.

Au-delà des aspects purement économiques, l’implication des communautés locales est cruciale pour assurer l’acceptabilité sociale et environnementale du projet sur le long terme. En développant l’intégration local, BP cherche à instaurer un climat de confiance et de bénéfices mutuels avec les populations concernées.

Cet engagement en faveur du contenu local s’inscrit dans la stratégie de responsabilité sociétale de BP, visant à faire de GTA un projet énergétique catalyseur de développement économique pérenne au Sénégal et en Mauritanie.

Avec ces deux mégaprojets emblématiques, ExxonMobil et BP ambitionnent de capter une partie substantielle de la croissance de la demande énergétique en Afrique, tout en relevant des défis techniques, environnementaux et sociaux. Leur réussite pourrait ouvrir la voie à de nouveaux investissements majeurs dans le GNL africain.

Par Modeste Kouamé
Le 11/11/2024 à 13h10