Nigeria: la facture salée des étudiants poursuivant leurs études à l’étranger

Sur le campus de l'Université Harvard à Cambridge (Massachusetts).

Le 11/05/2023 à 12h22

Les jeunes Nigérians sont de plus en plus nombreux à poursuivre leurs études à l’étranger, notamment dans les pays anglo-saxons dont le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Cette expatriation n’est pas sans conséquence sur les sorties de devises du pays, reconnait le gouverneur de Central Bank of Nigeria himself.

De plus en plus d’étudiants nigérians se rendent à l’étranger pour poursuivre leurs études. Ils ciblent particulièrement les pays anglo-saxons, notamment le Royaume-Uni, pour des raisons historiques (ancienne puissance coloniale) et linguistiques, le Canada et les Etats-Unis.

Selon le gouverneur de la Banque centrale du Nigeria (CBN), Godwin Emefiele, le nombre de visas étudiants accordés aux Nigérians par le Royaume-Uni est passé d’une moyenne annuelle de 8.000 en 2020 à près de 66.000 en 2022. Une forte hausse qui s’explique par le changement de la politique du gouvernement britannique. Ce dernier espère une part du marché mondial lucratif de l’éducation, notamment suite aux restrictions appliquées durant la décennie 2010. Ces mesures dissuasives ont évidement limité l’arrivée d’étrangers au Royaume-Uni.

Et selon l’Association des étudiants nigérians en Europe (ANSE), plus de 300 000 Nigérians poursuivent leurs études supérieures hors du pays.

Ce nombre élevé se traduit par des sorties énormes de devises. Selon le gouverneur de la Banque centrale du Nigeria, ces sorties de devises sont estimées à plus de 4 milliards de dollars par an dont 2,5 milliards, rien que pour le Royaume-Uni, pays qui concentre le plus d’étudiants nigérians dans le monde.

Ces sorties colossales impactent négativement l’économie nigériane. D’abord, elles affectent les réserves en devises du pays alimentées par et les transferts d’argent de la forte diaspora nigériane et surtout les exportations de pétrole et de gaz qui représentent 90% des recettes d’exportations. Ensuite, en réduisant les réserves en devises, ces sorties affectent aussi la valeur du naira, la monnaie locale, en dépréciation continue vis-à-vis du dollar, au cours de ces dernières années.

En conséquence de quoi, le gouverneur de la Banque centrale de la première économie africaine a tiré la sonnette d’alarme lors du 57e diner annuel des banquiers, organisé en 2022 par le Chartered Institute of Bankers Nigeria (CIBN), à Lagos, en soulignant que cette situation avait «exercé une énorme pression sur les réserves de change du Nigeria et sur le naira».

Plusieurs facteurs expliquent ce nombre élevé d’étudiants nigérians établis à l’extérieur. En premier lieu, il y a la forte détérioration du système universitaire et d’enseignement supérieur nigérian. La qualité des infrastructures et de l’enseignement est pointée du doigt. Et les multiples grèves obligeant parfois les écoles à suspendre les programmes plusieurs fois dans l’année découragent les étudiants.

Partant, les familles qui ont les moyens envoient leurs enfants à l’étranger où ils pourront suivre des formations de qualité et obtenir des diplômes reconnus internationalement.

Seconde raison et pas des moindres et c’est un facteur à ne pas négliger, l’inscription dans une université occidentale est aussi et surtout un moyen efficace d’obtenir plus facilement le visa d’un pays occidental.

Le choix de poursuivre ses études à l’étrangers s’explique aussi par les opportunités d’y trouver plus facilement un emploi. A ce titre, il faut souligner que le nombre d’étudiants nigérians diplômés des universités et grandes écoles occidentales et qui y exercent est très élevé. A titre d’exemple, quelques 9.500 médecins nigérians se sont établis après leur formation au Royaume-Uni, alors que le pays accuse un déficit énorme dans le domaine de la santé.

Partant, il urge de trouver des solutions à cette problématique en fixant les étudiants dans le pays. Cela requiert bien évidemment des investissements dans le système de l’enseignement supérieurs aussi bien au niveau des infrastructures que dans la qualité de la formation. Rien qu’au niveau des infrastructures, les acteurs du secteur estiment que l’Etat doit investir plus de 2,2 milliards de dollars pour leur mise à niveau.

Par Kofi Gabriel
Le 11/05/2023 à 12h22