Le naira, la monnaie de la première économie africaine, poursuit sa dégringolade face au billet vert. Une situation aggravée le 29 janvier dernier par la décision des autorités du pays de laisser le naira chuter de 33% dans le but de résorber un arriéré de devises handicapant. Une décision qui ressemble à une «dévaluation» qui ne dit pas son nom et qui a fait chuté lourdement la monnaie nigériane. Suite à quoi, le naira dégringole face à la monnaie américaine. Sur le marché parallèle, vendredi 16 février, il fallait 1.645 nairas pour 1 dollar américain.
Cette baisse du naira inquiète par son ampleur et ses conséquences. Alors qu’il fallait 465,497 nairas pour 1 dollar à la fin du mois de juin 2023, sous l’effet des «dévaluations», 896,519 nairas étaient nécessaires pour le même dollar et 1.518,91 au 17 février 2024. C’est dire qu’entre fin juin 2023 et ce 17 février 2024, la monnaie nigériane a perdu 22,30% de sa valeur vis-à-vis du billet vert américain.
La situation s’explique par la rareté du dollar au niveau du marché officiel. Face à des réserves en devises qui baissent, les autorités ont décidé de limiter le rapatriement des devises, notamment du dollar, par les compagnies pétrolières implantées au Nigeria dans le but de soutenir la monnaie locale. Ainsi, les autorités ont décidé que les entreprises ne peuvent plus reverser à leurs maisons mères que 50% de leurs recettes d’exportations. Le reste devant être rapatrié 90 jours à compter de la date d’entrée des recettes d’exportation, selon la Banque centrale du Nigeria.
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En conservant les dollars sur le marché local, les autorités visent à accroître la liquidité dans cette monnaie sur le marché intérieur où la devise américaine est rare et contribuer à stabiliser un naira en chute libre depuis quelques semaines.
Reste à savoir si cette mesure, prise le 14 février, sera suffisante pour freiner la chute du naira. Ce n’est pas sûr. En tout cas, le naira a continué à chuter après l’annonce de cette mesure. L’écart des taux entre le marché officiel et le marché parallèle, qui était de 2%, a atteint 10% en fin de semaine. C’est dire que la mesure n’a pas eu un effet immédiat.
D’ailleurs, le vendredi, le naira a continué sa chute en perdant 1,8% de sa valeur pour s’échanger à 1645 nairas pour 1 dollar américain, un niveau record jamais atteint auparavant au niveau du marché parallèle devenu le véritable baromètre de la santé de la monnaie nigériane. La rareté du dollar pousse même les opérateurs économiques à chercher des devises au niveau du marché parallèle, accentuant le gap de change entre celui-ci et le marché officiel.
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Par conséquent, il faudra d’autres mesures pour freiner la chute de la monnaie nigériane. En attendant, cette chute impacte négativement les prix. L’inflation a atteint 29,9% en janvier dernier, en glissement annuel, selon le Bureau national des statistiques, dépassant largement les prévisions atteignant par la même occasion son plus haut niveau depuis 1996, soit 28 ans.
Pour faire face au mécontentement populaire, le gouvernement a déclaré qu’il prévoyait la mise en place d’un conseil des produits de base pour aider à réguler la flambée des prix des biens et services. De même, les autorités ont ordonné la libération de produits alimentaires, comme les céréales, des réserves gouvernementales pour aider à prévenir les tensions sociales.
Le pays le plus peuplé d’Afrique importe beaucoup pour satisfaire plus de 220 millions de consommateurs. Jusqu’à très récemment, le pays importait même les carburants alors qu’il est le premier producteur de pétrole du continent. Une aberration en passe d’être résolue suite à l’entrée en fonction de la grande raffinerie du milliardaire Aliko Dangote et de quelques raffineries de l’Etat qui étaient à l’arrêt depuis de nombreuses années.
Partant, la pression monte sur le Comité de politique monétaire de la Banque centrale nigériane qui doit essayer, autant que possible, de freiner la chute du naira et par la même occasion ralentir la hausse des prix. Sa première réunion depuis 7 mois est prévue les 26 et 27 février et devrait, selon les observateurs, se traduire par une forte hausse des taux directeurs.