Intensifier les échanges commerciaux avec le continent africain et surtout sécuriser davantage ses sources d’approvisionnement en matières premières et agricoles, tel est le leitmotiv derrière la décision de la Chine de supprimer les droits de douane sur les produits importés auprès de nombreux pays africains.
La Chine vient d’ajouter à cette liste 6 autres pays aux Etats bénéficiaires de ce traitement de faveur. «La Chine accordera un traitement tarifaire zéro à six pays africains les moins développés», a déclaré le mercredi 6 décembre la Commission du tarif douanier du Conseil des Affaires d’Etat, selon le site d’information officiel Xinhua.
Ces nouveaux pays -Angola, Gambie, RDC, Madagascar, Mali et Mauritanie- sont globalement des pays très riches en matières premières, certaines stratégiques, dont la Chine est grande consommatrice: le pétrole et les minerais.
Ainsi, à partir du 25 décembre courant, 98% des produits taxables en provenance de ces pays seront exonérés de droits de douane. Ce sont ainsi plus de 8.800 lignes tarifaires (produits) différents en provenance de ces pays qui pourront entrer en Chine sans droits de douane.
Cette mesure devrait rendre ces produits plus compétitifs comparés à ceux importés d’autres pays du continent ou d’ailleurs par la Chine. C’est le cas du pétrole angolais dont la Chine est importatrice mais aussi du fer mauritanien dont le géant asiatique est le principal destinataire. C’est le cas aussi des nombreux produits miniers dont la République démocratique du Congo (RDC) est le principal fournisseur de la Chine dont le cobalt, le lithium,…
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En clair, cette nouvelle catégorie de pays bénéficiaires des exonérations de droits de douane sont globalement bien pourvus en ressources naturelles.
En tout cas, ce sont au total 24 pays africains qui bénéficient désormais des exonérations de droits de douane pour leurs exportations à destination de la Chine, après les premières vagues d’exonérations annoncées en 2022.
Selon le Commission du tarif douanier du Conseil des Affaires d’Etat, «la Chine étendra son traitement tarifaire zéro à tous les pays les moins développés avec lesquels elle a établi des relations diplomatiques».
A travers ces exonérations, la Chine souhaite intensifier davantage ses échanges commerciaux avec l’Afrique et atteindre l’objectif qu’elle s’est fixée de 300 milliards de dollars d’importations annuelles en provenance de l’Afrique à l’horizon 2035, et ainsi mieux réduire le déséquilibre de la balance commerciale avec le continent.
Une balance largement favorable à la Chine. A titre d’illustration, sur la période janvier-juillet 2023, les échanges commerciaux entre la Chine et l’Afrique se sont établis à 158,35 milliards de dollars, en hausse de 7,4% par rapport à la même période de l’année dernière. Sur ce montant, les exportations chinoises à destination de l’Afrique ont progressé de 20% à 98,55 milliards de dollars, alors que ces importations de toute l’Afrique se sont établies à 59,25 milliards de dollars. Ainsi, la Chine a dégagé, au terme des 7 premiers mois de l’année, un excédent commercial de 39,5 milliards de dollars.
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Un déséquilibre qui s’explique essentiellement par les termes d’échange entre les deux parties. En effet, la Chine exporte surtout des produits à valeur ajoutée (textile, automobile, engins mécaniques, électronique,…). Par contre, elle importe de l’Afrique du pétrole, des minerais (cobalt, cuivre, fer…), du sable minéralisé, des produits agricoles… des matières premières et des produits agricoles et animaliers sans valeur ajoutées et qui sont importés en quantités pour alimenter son industrie gourmande en matière première et nourrir sa population.
Souvent ces produits exonérés sont l’œuvre d’entreprises chinoises opérant sur le continent. C’est le cas notamment des minerais importés de certains pays comme la RDC où les entreprises chinoises contrôlent certains minerais dits stratégiques comme le cobalt. La RDC assure plus de 75% de la production de cobalt.
Il est loisible de relever que la nature des produits échangés, navires, automobile et produits mécaniques et électriques..., ont représenté 50,10% du volume du commerce entre les deux partenaires.
En conséquence, les exonérations de droit de douane ne suffiront pas à changer réellement la donne: l’excédent commercial demeurera en faveur de la Chine. Ces exonérations permettront d’accroitre légèrement le volume des exportations africaines vers l’Empire du milieu, au grand bonheur de ses entreprises.
Mais, en valeur, tout dépendra des cours des matières premières fixés par les bourses internationales. Ainsi, l’objectif de 100 milliards de dollars d’importations chinoises en provenance de l’Afrique, fixé à partir de 2022 et qui devrait atteindre les 300 milliards de dollars en 2035, est jugé très ambitieux surtout si les termes d’échange continuent d’évoluer de manière défavorable pour l’Afrique.
Le seul facteur à même de mieux équilibrer la balance commerciale entre les deux parties reste l’industrialisation de l’Afrique et donc la transformation des minerais et produits agricoles au niveau du continent avant l’exportation pour plus de valeur ajoutée et de création d’emplois. C’est à cette seule condition que l’Afrique pourra peser sur le commerce mondial. Pour l’heure, l’Afrique ne représente qu’environ 5% des échanges commerciaux à l’international.