Prévisions à la baisse des cours du pétrole: en Afrique, les pays qui en pâtiront et ceux qui s’en réjouiront

Puits de pétrole.

Puits de pétrole. . DR

Le 06/11/2024 à 09h23

La Banque mondiale, Goldman Sachs, Morgan Stanley et plusieurs autres institutions financières disent s’attendre à une baisse des cours du baril de pétrole sur le long terme. Une décrue qui ne manquera pas d’impacter négativement de nombreux pays africains producteurs mais surtout dépendants de l’or noir. À contrario, d’autres pays vont tirer profit de cette nouvelle donne qui favorisera la poursuite de la désinflation déjà observée.

Après la flambée des cours de l’or noir en 2022, dans le sillage du déclenchement de la guerre Russie-Ukraine, la décrue des cours du pétrole devrait se poursuivre durant les mois et les année à venir, selon les projections des institutions comme la Banque mondiale, mais aussi des banques commerciales comme Morgan Stanley, Goldman Sachs, Citigroup…

Ayant atteint 119,47 dollars le 30 mai 2022 en raison de le guerre Russie-Ukraine, le cours du baril du Brent de la Mer du Nord, référence mondiale, est tombé le mercredi 30 octobre 2024 à 69,10 dollars. Cette la baisse devrait se poursuivre selon les projections de nombreuses institutions de développement et financières.

Le 29 octobre dernier, la Banque mondiale publiait son rapport «Commodity Markets Outlook», soulignant que les cours mondiaux des produits de base en 2025 devraient tomber à leur plus bas niveau depuis cinq ans. «Au cours de l’année écoulée, le conflit au Moyen-Orient a entrainé une forte volatilité des cours du pétrole, en raison notamment de la crainte de dommage aux infrastructures pétrolières et gazières des principaux producteurs si le conflit venait à s’intensifier. En supposant que cela ne se produise pas, le prix moyen annuel du Brent devrait tomber à 73 dollars en 2025, son niveau le plus bas depuis quatre ans, contre 80 dollars le baril cette année», souligne la Banque mondiale.

Ainsi, le prix du baril projeté devrait osciller autour de 75 dollars/baril pour le reste de 2024, avec une moyenne de 80 dollars/baril pour l’ensemble de l’année avant de redescendre à 73 dollars/baril en moyenne en 2025 et 72 dollars/baril en 2026. En clair, les prix moyens annuels du baril de pétrole devraient baisser pendant quatre années consécutives jusqu’en 2026.

Allant dans le même sens, la banque américaine Morgan Stanley a publié son scénario selon lequel le prix du Brent n’excédera pas les 80 dollars, tout au long de l’année 2024.

Pour sa part, Goldman Sachs prévoit que le prix du pétrole se situerait en moyenne à 76 dollars en 2025. Pour les analystes de la banque, «les risques pour la fourchette de 70 à 85 dollars le baril à moyen terme sont équilibrés, mais légèrement orientés à la baisse.»

Moins optimiste, Citigroup s’attend à ce que les prix du baril de pétrole continuent de baisser pour atteindre une moyenne de 60 dollars en 2025, si jamais l’OPEP+ ne procède à une réduction plus importante de sa production.

À l’unissons toutes les projections font état de la baisse du cours du baril de pétrole les mois et années à venir. Plusieurs facteurs contribuent à cette baisse. D’abord, il y a l’excédent de l’offre qui entraine un déséquilibre entre l’offre et la demande au niveau du marché. Ainsi, pour la Banque mondiale, «l’an prochain, l’offre mondiale de pétrole devrait surpasser la demande d’environ 1,2 million de barils par jour en moyenne», expliquant qu’un tel surplus n’avait été observé qu’à deux reprise auparavant, en 1998 et en 2020.

Outre l’excédent de la production causée par l’arrivée de nouveaux acteurs et les investissements dans l’industrie pétrolière, ce déséquilibre s’explique aussi par le ralentissement de l’économie mondiale, notamment chinoise. Or, cette dernière est jusqu’à présent l’une des locomotives de la demande de l’or noir dans le monde. Ensuite, ce déséquilibre ira en s’accentuant du fait des politiques de transition énergétiques. Les installations de centrales de production d’énergie propre (solaire, éolien…) et le développement du marché des voitures électriques devraient contribuer à freiner la hausse de la demande de pétrole dans le monde.

De même, de nombreux pays membres de l’OPEP+ ne souhaitent plus être soumis aux quotas. Une situation qui avait poussé le regroupement à envisager une augmentation des quotas. Toutefois, face à la conjoncture actuelle, l’OPEP+ a reporté d’un mois l’augmentation de la production pétrolière prévue en décembre 2024.

Toutefois, les tensions géopolitiques pourraient influencer sur les fluctuations des prix. Ainsi, l’attaque israélienne contre l’Iran a fait déraper les cours qui sont répartis à la hausse. Le cours du baril qui était légèrement descendu sous la barre des 70 dollars le 11 septembre est remonté à 75,60 dollars actuellement sous l’effet des craintes d’une escalade au Moyen-Orient entre Israël et l’Iran qui serait susceptible d’entrainer une perturbation de l’offre de pétrole dans le monde. Toutefois, selon la banque mondiale, le surplus du pétrole est tel qu’il «devrait limiter les effets sur les prix d’un conflit encore plus étendu au Moyen-Orient».

Dans tous les cas, la tendance baissière des cours du pétrole va impacter sur les économies africaines. D’abord, la tendance baissière, si elle se confirme, aura des impacts négatifs sur les pays producteurs de pétrole africains qui sont presque tous des pays rentiers qui n’ont pas su vraiment diversifier leurs économies. C’est le cas de l’Algérie, du Nigeria, de l’Angola, du Gabon, de la Guinée équatoriale… qui sont encore des Etats qui dépendent énormément des hydrocarbures.

En Algérie, par exemple, les autorités ont bâti la loi de finances 2025 sur la base du prix fiscal du baril de pétrole à 60 dollars et 70 dollars sur le marché sur toute la période 2025-2027. Sur la base de ces hypothèses, le pays devrait engranger 3.454 milliards de dinars algériens, soit environ 26 milliards de dollars, de recettes fiscales, représentant 40,52% du total des recettes du budget (8.523 milliards de dinars). Avec cette hypothèse, le déficit budgétaire devrait s’établir, en 2025, à 8.271,55 milliards de dollars en 2025, soit 21% du PIB.

Sachant que les recettes tirées du pétrole et dérivés représentent plus de 95% des revenus d’exportation du pays, on comprend l’ampleur de l’impact de la décrue du cours du baril sur l’économie algérienne. Cet impact sera d’autant plus significatif que les cours du pétrole sont globalement corrélés à ceux du gaz dont le pays est le premier exportateur africain. Ces baisses des cours des hydrocarbures impacteront ainsi la balance des opérations courantes et les réserves en devises du pays, réduisant la marge de manœuvre du gouvernement.

C’est également le cas du Nigeria, premier producteur de pétrole africain. La baisse des cours du pétrole est synonyme de chute des recettes d’exportation et des recettes budgétaires, le pétrole représentant 90% de revenus tirés des exportations du pays et 40% du budget fédéral. C’est dire que la baisse du cours du pétrole aura des impacts négatifs sur le déficit budgétaire et la balance des opérations courantes. Elle entrainera aussi une baisse des réserves de change avec des conséquences néfastes sur le naira, la monnaie nigériane, qui pourrait se déprécier davantage.

Toutefois, pour le Nigeria, la chute du cours du brut peut pousser les autorités à encourager davantage le raffinage local du brut pour plus de valeur ajoutée, le pays disposant désormais d’une unité en mesure de raffiner 650.000 barils par jours, soit plus de la moitié de la production actuelle du pays. C’est aussi le cas de l’Angola dont 93% des exportations du pays et 58% des recettes fiscales.

Une chose est sure, tous les pays pétroliers africains qui ne sont pas parvenus à diversifier leurs économies seront durement impactés par les baisses annoncées. Une situation qui illustre la nécessité impérieuse pour ces pays de sortir de leur dépendance des hydrocarbures et à s’engager dans des processus de diversification et de s’affranchir de la volatilité des cours des hydrocarbures. En outre, la baisse des prix de l’or noir pourrait à moyen et long terme affecter les budgets et les investissements publics de ces pays et impacter négativement leur croissance future.

Reste que cette baisse des cours du pétrole aura aussi des impacts positifs sur de nombreux pays africains. Il y a en premier lieu, les importateurs d’hydrocarbures qui verront leurs factures énergétique baisser avec des impacts positifs sur leurs balances commerciales, leurs réserves de change et donc sur leurs balances des paiements. Ensuite, la baisse des cours va réduire les factures des subventions aux carburants et soulager les budgets des États.

En outre, les hydrocarbures ayant un impact sur le reste de l’économie, la baisse des cours se traduira par un effet désinflationniste sur les autres produits et sur les transports. Ainsi, la baisse des prix des carburants a été observée dans un certain nombre de pays importateurs de produits pétroliers. Cela devrait ainsi accentuer la décrue de l’inflation constatée depuis quelques mois et impacter positivement le pouvoir d’achat des populations.

Par Moussa Diop
Le 06/11/2024 à 09h23