Procédures lancées par la Commission de l’UE: le régime d’Alger baisse le froc

Le ministre algérien des Affaires étrangères Ahmed Attaf s'adresse aux médias avant de rencontrer le secrétaire d'État américain Antony Blinken au département d'État à Washington, DC, le 9 août 2023.

Le 18/07/2025 à 08h45

La notification aux autorités algériennes de la décision de la Commission de l’Union européenne d’ouvrir une procédure arbitrale pour statuer sur les restrictions aux importations et investissements a été prise très au sérieux par Alger. Tout en faisant semblant d’être «surpris» par cette décision qualifiée de «hâtive» et d’«unilatérale», le ministre des Affaires étrangères algérien a demandé la convocation, dans les délais les plus rapprochés, d’une session du Conseil d’association afin de permettre un examen global et équilibré de l’ensemble des préoccupations des deux parties. L’accord d’association a été signé en 2002 et entré en vigueur en 2005.

Après le communiqué de la Commission de l’Union européenne annonçant la création d’un groupe d’arbitrage «dans le différend concernant les restrictions commerciales et d’investissements de l’Algérie« , qui selon l’UE «violent l’accord d’association UE-Algérie», suivi le lendemain par l’annonce de la création d’un groupe spécial d’arbitrage, Alger a compris que cette fois-ci son partenaire européen est bien décidé à en finir avec ce différend.

C’est le ministère des Affaires étrangères, de la Communauté nationale à l’étranger et des Affaires africaines, Ahmed Attaf, qui a réagi en adressant, le 17 juillet, une lettre officielle à Kaja Kallas, haute représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité et Vice-président de la Commission européenne.

Dans cette missive, le ministre algérien a exprimé «la surprise de la partie algérienne face à la décision européenne hâtive et unilatérale de clore la phase des consultations et de déclencher une procédure arbitrale, alors même que seules deux réunions de consultations ont été tenues sur une courte période de deux mois, et que six des huit contentieux soulevés par la partie européenne étaient en voie de règlement».

Pour le chef de la diplomatie algérienne, «rien dans l’évolution des consultations constructives et sereines ne justifiait une interruption aussi abrupte du dialogue, d’autant que la partie algérienne avait présenté des propositions concrètes sur les deux autres points de divergence, sans que celle-ci n’ait reçu une réponse formelle de la part de son homologue européenne».

En clair, pour Alger, le différend entre les deux parties serait minime. Pourtant, c’est tout le contraire que pointent du doigt les communiqués de la Commission de l’Union européenne qui avance, entre autres points de discorde, le système de licences d’importation, l’interdiction totale d’importation de produits de marbre et de céramique, le plafonnage de la propriété étrangère rendu possible par la fameuse loi 51/49% toujours en vigueur pour les secteur dits ”stratégiques”. À ces éléments s’ajoutent, selon le communiqué de l’UE «les obstacles supplémentaires que l’Algérie a mis en place pour cibler spécifiquement les exportateurs et les entreprises français».

Pour le reste, Alger conscient de l’urgence de trouver une solution rapide au conflit, a remis le Conseil d’association au goût du jour en avançant que c’est à ce cadre institutionnel d’apprécier les résultats des consultations et d’en tirer les conséquences.

Partant, «en sa qualité de président du Conseil d’association pour l’année en cours, le ministre d’État a demandé la convocation, dans les délais les plus rapprochés possibles, d’une session du Conseil d’association afin de permettre un examen global et équilibré de l’ensemble des préoccupations des deux parties, dans le respect du cadre juridique établi par l’Accord d’association», souligne Alger dans sa réponse à l’UE.

Le ton apaisé adopté par le ministre des Affaires étrangères algérien qui n’a même pas fait allusion aux revendications de révision de l’accord d’association par Alger, comme le martèle souvent le président algérien Abdelmadjid Tebboune, illustre la volonté d’Alger d’aller vers une résolution du différend avec l’UE, surtout que le contexte actuel est loin de lui être favorable.

Outre les relations pour le moins tendues avec deux de ses principaux partenaires commerciaux de l’UE, la France et l’Espagne, Alger doit aussi faire face, à partir du 1er août, aux surtaxes douanières de 30% imposées par les États-Unis sur les produits algériens.

Seulement, ce volet semble être dépassé par l’UE qui avait demandé des consultations dès juin 2024 et qui n’attend désormais d’Alger que la désignation des arbitres pour statuer sur les violations de l’accord d’association.

Alger craint certainement de perdre les avantages douaniers liés à l’accord d’association avec l’Union européenne, son principal partenaire commercial. En effet, l’Algérie réalise plus de 50% de ses échanges extérieurs avec les pays de l’Union Européenne avec lesquels elle réalise un important excédent commercial.

En 2023, l’Algérie a exporté l’équivalent de 35,37 milliards d’euros vers l’UE et d’où elle a importé pour seulement 14,9 milliards d’euros, dégageant un excédent commercial de 20,509 milliards d’euros. Une balance commerciale très favorable qui s’explique par les restrictions commerciales mises en place par Alger depuis quelques années et qui sont à l’origine des différends entre les deux partenaires.

Par Karim Zeidane
Le 18/07/2025 à 08h45