Le département des affaires économiques et sociales du secrétariat des Nations unies alerte sur les conséquences sociales majeures des chocs récents, et leurs effets sur le chômage, la pauvreté et l’exacerbation des inégalités. Selon le rapport «World Social Report 2024» des Nations unies, 22 pays à travers le monde ont connu une hausse d’au moins un point de pourcentage de taux de chômage total entre 2018 et 2023. Parmi eux, 8 pays africains sont particulièrement touchés par cette dégradation de la situation de l’emploi.
Le Rwanda et l’Afrique du Sud affichent la plus forte dégradation de leur marché de l’emploi, avec une progression fulgurante de 4,2 points entre 2018 et 2023. Une telle flambée en si peu de temps souligne la vulnérabilité de ces économies face aux chocs successifs survenus sur cette période.
Au deuxième trimestre de 2024, le taux de chômage au Rwanda a atteint 16,8 %. Ce chiffre est particulièrement préoccupant car il affecte de manière disproportionnée les femmes et les jeunes, avec des taux de chômage atteignant respectivement 20,1 % et 20,3 % pour ces groupes.. DR
Le Botswana suit de près avec une envolée de 4 points, portant un coup rude à ce pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure. Le Soudan (+3,5 points) et le Zimbabwe (+2,3 points), deux nations à faible revenu, ont également vu des pans entiers de leur population rejoindre les rangs des sans-emploi.
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La Tunisie, pays de la rive sud de la Méditerranée, n’est pas en reste avec une hausse de 2,3 points de son taux de chômage. Au cœur de l’Afrique subsaharienne, le Mali (+1,6 point) et le Kenya (+1,3 point) sont également impactés par cette dégradation généralisée des marchés du travail.
Cette concentration de pays africains parmi ceux affichant les plus fortes progressions du chômage mondial témoigne des défis particuliers auxquels le continent fait face pour préserver ses acquis sociaux et économiques dans un environnement internationalement perturbé.
Les fragilités structurelles de nombre d’économies africaines, la dépendance aux exportations de matières premières, l’exposition aux aléas climatiques ainsi que les conflits dans certaines régions ont vraisemblablement accentué la vulnérabilité de l’emploi lors des crises récentes.
Cette hausse du chômage illustre les conséquences socio-économiques dévastatrices des crises récentes pour le continent africain. «Les reprises divergentes de l’emploi ont été une caractéristique notable de la récente série de crises: les marchés du travail se sont redressés plus rapidement que prévu dans les pays développés, mais les déficits ont persisté dans les pays en développement», explique le rapport.
Au-delà de l’Afrique, d’autres régions sont également impactées comme l’Asie (Afghanistan +4.2; Sri Lanka +2,3 ; Bhoutan +2,7 ; Myanmar +2,2), le Moyen-Orient (Iraq +2,1 ; Liban +1,0), l’Amérique latine (Panama +2,4 ; Honduras +1,2) et l’Europe (Roumanie +1,4 ; Suède +1,4 ; Estonie +1,3). Cette dégradation généralisée reflète l’interconnexion des crises mondiales récentes.
Principales causes de cette situation
Le rapport souligne également les effets dévastateurs de la pandémie de Covid-19, des conflits comme la guerre en Ukraine, ainsi que des catastrophes liées au changement climatique. Ces chocs ont entraîné des ralentissements économiques majeurs, perturbant les chaînes d’approvisionnement et l’activité productive.
L’augmentation de l’inflation mondiale et la hausse des taux d’intérêt ont également plombé la reprise. «Des facteurs de risque imprévus, tels que l’inflation et les taux d’intérêt «plus élevés pour longtemps» dans les économies développées, ont détérioré les perspectives dans le monde entier, en particulier pour les pauvres et les personnes vulnérables», souligne Li Junhua, sous-secrétaire général aux affaires économiques et sociales des Nations unies.
De plus, la contraction des espaces budgétaires et la crise de la dette ont entravé les investissements publics et les mesures de relance dans de nombreux pays en développement.
Impacts socio-économiques inquiétants
Au-delà des statistiques, cette situation menace les progrès en matière de développement social et de réduction de la pauvreté. La perte de revenus et l’insécurité alimentaire accrue font peser de lourdes menaces, en particulier sur les populations les plus vulnérables.
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Le manque d’opportunités d’emploi, notamment pour les jeunes, peut alimenter les tensions sociales et favoriser l’instabilité politique. Les déficits de financement mettent aussi à mal les systèmes de protection sociale et les services essentiels comme l’éducation et la santé.
Réponses politiques insuffisantes
Si certains pays ont tenté de déployer des filets de protection sociale d’urgence, ces initiatives restent largement insuffisantes selon le rapport, qui estime que «seulement 47% de la population mondiale a accès à au moins une prestation de protection sociale». Ce qui signifie que plus de 4 milliards de personnes sont toujours dépourvues de toute protection sociale.
De plus, les contraintes budgétaires freinent les efforts de relance de l’emploi dans de nombreux pays africains.
Augmentation en points de pourcentage du taux de chômage total entre 2018 et 2023 :
Pays | Augmentation (en %) | Groupe de revenus |
---|---|---|
Rwanda | 4,2 | Pays à revenu faible |
Afrique du Sud | 4,2 | Pays à revenu moyen supérieur |
Botswana | 4 | Pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure |
Soudan | 3,5 | Pays à revenu faible |
Zimbabwe | 2,3 | Pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure |
Tunisie | 2,3 | Pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure |
Mali | 1,6 | Pays à revenu faible |
Kenya | 1,3 | Pays à revenu moyen inférieur |
Source : Département des affaires économiques et sociales du secrétariat des Nations unies.