Rwanda: depuis 15 ans, des flots d’investissements pour l’irrigation au goutte-à-goutte transforment l’agriculture

Un paysan arrosant son champ au Rwanda.

Le 11/05/2025 à 12h34

VidéoL‘agriculture est un secteur économique majeur, employant deux Rwandais sur trois et représentant 30% du PIB. Depuis quelques années, le Rwanda a fait de l’irrigation un axe stratégique pour moderniser son secteur agricole, renforcer la résilience climatique et améliorer les conditions de vie des agriculteurs.

Le pays des milles collines a adopté un Plan Directeur National d’Irrigation en 2010. Depuis, le Rwanda a considérablement investi dans diverses techniques d’irrigation, aussi bien à petite qu’à grande échelle.

Selon le Rwanda Agriculture and Animal Resources Development Board (RAB), ces efforts ont permis de tripler la production agricole sur les zones aménagées, malgré une pluviométrie de plus en plus irrégulière.

«Le programme d’irrigation comporte trois volets. Il y a le volet aménagement des marais, aménagement des collines et des petits terrains, connu sous le nom de small scale irrigation», explique Émile Ruzibiza, ancien chef du département d’irrigation au RAB.

À la fin de l’année 2022, le Rwanda comptait déjà plus de 70.000 hectares aménagés pour l’irrigation, dont environ 45.000 de marais, 15.000 sur collines et plus de 10.000 irrigués à petite échelle. L’objectif est d’atteindre 220.000 hectares d’ici 2050, selon les données officielles.

Dans l’Est du Rwanda, une région connue pour sa sécheresse chronique, ces aménagements ont changé la donne pour de nombreux agriculteurs. C’est le cas des membres de la coopérative des agriculteurs des légumineuses de Nasho, située dans le district de Kirehe à l’est du Rwanda.

Emmanuel Sibomana, membre de la coopérative, confie: «Dans cette région, tu ne peux pas pratiquer une agriculture moderne sans irrigation. C’est une région très ensoleillée. L’irrigation nous permet de cultiver à tout moment de l’année.»

Cette adaptabilité est cruciale dans un contexte climatique incertain. «La pluviométrie dans la région de l’est du Rwanda est irrégulière et très faible durant toute l’année, mais c’est une région qui a une bonne quantité d’eau dans les rivières. Le gouvernement profite de cette eau qui ruisselle pour pallier ces aléas climatiques», poursuit Émile Ruzibiza.

Le soutien de l’État rwandais est salué par les agriculteurs, qui bénéficient non seulement de formations mais aussi d’un appui matériel. Pour l’irrigation à petite échelle, le gouvernement prend en charge 50% des frais et l’agriculteur se charge de l’autre moitié.

«Chaque membre de notre coopérative a reçu du gouvernement neuf tuyaux pour l’irrigation. Pour le reste, on s’arrange entre nous», explique Alphonse Habumugisha, un autre membre de CALENA. Cette solidarité locale, combinée aux investissements publics, a permis à la coopérative de viser encore plus haut.

«Avant la pandémie de Covid-19, nous avions un grand projet d’irrigation à grande échelle à l’aide des pompes solaires. Nos activités fleurissaient tellement que nous avions dépassé le stade d’irrigation à petite échelle», raconte Fortuné Twagirayezu, président de CALENA. Aujourd’hui, la coopérative compte 117 membres dont 27 femmes et espère relancer son projet avec l’appui de ses partenaires et du gouvernement.

A quelques kilomètres de là opère la coopérative CALENA dans l’un des projets phares du pays: le projet d’irrigation de Nasho.

Lancé en 2016 et cofinancé par le gouvernement rwandais et la Banque Israélienne pour le Développement (Israeli Development Cooperation), ce projet a coûté plus de 23 millions de dollars. Il couvre environ 1.173 hectares de terres agricoles irriguées grâce à une technologie de pointe, notamment l’irrigation goutte-à-goutte alimentée par l’énergie solaire, et une gestion collective à travers des coopératives.

Le projet a permis de transformer la vie de plus de 500 petits exploitants agricoles, qui bénéficient désormais d’un accès fiable à l’eau et peuvent produire tout au long de l’année, indépendamment des saisons.

Nasho est aussi un modèle de gestion durable de l’eau et de partenariat public-privé, intégrant la formation technique des agriculteurs, la maintenance locale des systèmes, et une gouvernance basée sur les besoins réels des producteurs. Pour beaucoup, Nasho incarne l’ambition du Rwanda de combiner innovation technologique et inclusion rurale dans sa politique agricole.

Depuis 2010, le Rwanda a investi plus de 300 millions de dollars dans des projets liés à l’irrigation, selon des estimations croisées du ministère de l’Agriculture et de la Banque Mondiale. À terme, le pays espère faire de l’irrigation un outil clé pour atteindre la sécurité alimentaire, améliorer les revenus des ménages agricoles et bâtir une agriculture plus résiliente au climat.

Par Fraterne Ndacyayisenga
Le 11/05/2025 à 12h34