Scission Vivendi-Canal+: et l’Afrique dans tout ça?

Locaux de Canal+

Le 04/11/2024 à 10h21

La prochaine séparation de Vivendi d’avec Canal+ aura d’importantes répercussions sur les activités africaines du fournisseur de contenus, l’un de ses fleurons historiques. Détachée de sa maison-mère Vivendi, Canal+ aura les coudées franches pour se développer en Afrique, un marché prometteur où elle est déjà bien implantée.

Si elle est approuvée dans les semaines qui viennent, la scission de Vivendi d’avec Canal+ marquera une nouvelle ère prometteuse pour le business en Afrique. «Le Conseil de surveillance de Vivendi vient d’arrêter les résolutions qui seront soumises aux actionnaires lors de l’Assemblée générale mixte du 9 décembre 2024 pour approuver la séparation de Canal+, d’Havas et de Louis Hachette Group.» Cet événement marquera une étape charnière pour le développement des activités de ces groupes, notamment en Afrique où Canal+ est un acteur majeur.

Il faut dire que Canal+ connait une forte expansion en Afrique, atteignant 7.587.000 abonnés au premier semestre 2024, en hausse de +507.000 par rapport au premier semestre 2023. Pour les cinq prochaines années, le fournisseur de chaînes câblées table sur 11 millions d’abonnés d’ici 2028. Les pays africains, avec le plus grand nombre d’abonnés à fin 2023, sont principalement situés en Afrique francophone: Côte d’Ivoire, Sénégal, Mali, le Ghana, le Bénin, Burkina Faso, Togo, Cameroun, République Démocratique du Congo (RDC), et Tanzanie. Ces pays représentent les principaux marchés pour Canal+ en Afrique, où elle a su s’imposer grâce à des contenus adaptés et une stratégie de distribution agressive.

Impact de la scission en Afrique

La scission devrait permettre au diffuseur de chaîne cryptée de mieux se concentrer sur ses activités de télévision payante et de production de contenus, en libérant son potentiel de croissance. Comme l’indique le rapport financier et les états financiers du groupe Vivendi au 1er semestre 2024, «Canal+ disposera des moyens humains, de l’agilité et des ressources financières nécessaires à son développement

En Afrique, où le groupe compte déjà 7,6 millions d’abonnés, représentant près de 30% de sa base mondiale, cette indépendance pourrait s’avérer cruciale. «Si le projet de scission est approuvé, Canal+ aura la capacité d’allouer et d’optimiser sa structure de capital de manière indépendante pour répondre à sa dynamique de marché spécifique», souligne le rapport.

Après la scission, Canal+ pourra se concentrer pleinement sur sa stratégie de conquête du marché africain, qui représente un énorme potentiel de croissance. Le groupe pourra allouer davantage de ressources et d’efforts pour étendre sa présence et renforcer ses positions sur le continent.

Soulignons que le diffuseur premium a déjà entamé des investissements stratégiques en Afrique, comme l’entrée au capital de la société sénégalaise Marodi TV. À cela s’ajoutent des participations importantes dans deux acteurs clés du paysage audiovisuel africain: le Sud-africain MultiChoice dont il détient 200 millions d’actions, représentant 45,20% du capital, et Viu (36,8%). Ces participations stratégiques lui permettront de tirer parti des synergies, des réseaux de distribution existants et de l’expertise locale de ces partenaires.

Pour séduire le marché africain, Canal+ devra proposer des contenus adaptés aux préférences et aux cultures locales. Le groupe pourrait investir dans la production de contenus africains, tels que séries, films et programmes de divertissement, en collaboration avec des partenaires locaux.

La filiale du groupe Vivendi pourrait également étendre ses offres de services en Afrique, comme la télévision payante, le streaming vidéo et les services de vidéo à la demande (VOD). Ces services pourraient être adaptés aux contextes locaux et proposés à des prix abordables pour les consommateurs africains. Et pourquoi pas investir dans le renforcement des infrastructures de distribution, comme les réseaux de télécommunications, les plateformes numériques et les systèmes de paiement, en partenariat avec des acteurs locaux.

En plus de ses participations mentionnées ci-dessus, Canal+ pourrait envisager de nouvelles acquisitions ou des partenariats stratégiques avec d’autres acteurs clés du marché africain, afin de consolider sa présence et son influence sur le continent.

Comme indiqué dans le rapport mentionné plus haut, « Canal+ poursuivra des objectifs stratégiques propres, notamment par le biais d’acquisitions et par d’autres opportunités de croissance. » Cette flexibilité financière et stratégique sera cruciale pour s’adapter aux spécificités des différents marchés africains et renforcer sa présence.

Emploi, équipes locales et gouvernance

La séparation ne devrait pas entraîner de changements majeurs pour les équipes africaines de Canal+. Comme précisé dans l’annonce de l’Assemblée générale mixte du 9 décembre 2024 prochain, « Canal+ restera résidente fiscale française et ses équipes opérationnelles seront maintenues. » Cependant, une gouvernance renouvelée, avec un Conseil de surveillance composé de 12 membres dont 8 indépendants (66,7%), pourrait insuffler une nouvelle dynamique favorable au développement en Afrique.

Après la scission, Yannick Bolloré demeurera président du Conseil de surveillance de Vivendi et Arnaud de Puyfontaine, Président du Directoire. La composition du Conseil de surveillance demeure inchangée jusqu’à l’Assemblée générale statuant sur les comptes 2024, avec 13 membres dont 6 indépendants. Pour Canal+ SA, Yannick Bolloré sera président du Conseil de surveillance et Maxime Saada, président du Directoire. Le Conseil de surveillance sera composé de 12 membres dont 8 indépendants (66,7 %).

En restant résidente fiscale française, Canal+ continuera à bénéficier des avantages et des accords fiscaux liés à sa présence en France. Cela pourrait faciliter ses opérations et ses investissements en Afrique, tout en maintenant une base solide en France.

Le maintien des équipes opérationnelles existantes de Canal+ permettra de préserver l’expertise, les connaissances et les compétences acquises au fil des années. Cette continuité sera précieuse pour mener à bien la stratégie de développement en Afrique, tout en s’appuyant sur l’expérience et les savoir-faire déjà en place.

La mise en place d’un conseil de surveillance indépendant à 66,7% pourrait, ainsi, insuffler une nouvelle dynamique et une nouvelle vision stratégique en son sein. Cette gouvernance renouvelée, avec une majorité de membres indépendants, pourrait apporter un regard neuf et une perspective extérieure précieuse pour le développement des activités en Afrique. De plus, cette indépendance par rapport aux intérêts particuliers pourrait favoriser une prise de décision plus transparente et axée sur les opportunités de croissance sur le continent.

Actionnariat africain et valorisation des activités africaines

D’après le communiqué annonçant l’Assemblée générale mixte de Vivendi pour le 9 décembre 2024 prochain, Vivendi annonce vouloir coter sa future filiale Canal+ séparée en Bourse, ce qui pourrait attirer des investisseurs africains intéressés par cette activité très présente localement.

«Si le projet de séparation est approuvé par l’Assemblée générale, la première cotation des actions des trois sociétés (Canal+, d’Havas et de Louis Hachette Group) aura lieu le 16 décembre, permettant la réalisation de négociations en Bourse dès cette date ». Ainsi, la scission prévue et l’introduction en bourse distincte de ses différentes filiales pourrait représenter une opportunité d’attirer de nouveaux investisseurs africains. Ce qui pourrait avoir un impact positif sur la composition de l’actionnariat africain, renforçant ainsi leur lien avec le groupe et son ancrage local.

Au final, cette scission devrait permettre une meilleure visibilité et valorisation des activités africaines de Canal+. En étant une entité indépendante et cotée, le groupe pourra mieux mettre en avant ses réalisations et sa stratégie spécifique pour le continent, attirant ainsi de nouveaux investisseurs.

Comme le souligne le rapport financier, «le Groupe subit une décote de conglomérat très élevée depuis la distribution-cotation d’Universal Music Group (UMG) en 2021, diminuant significativement sa valorisation.» La séparation devrait corriger cette situation et refléter la juste valeur des différentes activités, dont celles en Afrique.

Par Modeste Kouamé
Le 04/11/2024 à 10h21