Shopping de luxe: le pari audacieux de l’aéroport de Milan pour attirer les passagers africains, moyen-orientaux et américains

Enseignes de luxe à l'aéroport de Milan Malpensa (MXP).

Le 18/07/2025 à 10h25

L’aéroport de Milan, également connu sous le nom de Malpensa International Airport, deuxième plus grand aéroport d’Italie, a parfaitement identifié le passager intercontinental, et singulièrement africain, comme le carburant de sa transformation en destination shopping de luxe. Zoom sur son modèle économique.

L’aéroport de Milan Malpensa (MXP) ne se contente pas d’être la porte d’entrée de la capitale italienne de la mode. Il orchestre une transformation stratégique ambitieuse pour s’imposer comme une référence incontournable du shopping de luxe aéroportuaire en Europe.

L’arrivée récente des mastodontes français Dior et Louis Vuitton, avec des boutiques phares de 4,800 et 6,100 pieds carrés respectivement, en est le symbole le plus visible. Mais au-delà de ce renforcement spectaculaire de son offre premium (désormais 22 enseignes de luxe), c’est une cible spécifique qui est au cœur de cette stratégie: le passager intercontinental identifié comme un contributeur majeur à la croissance du secteur.

L’offre luxe: un aimant pour le trafic intercontinental

Luigi Battuello, chief commercial officer de SEA Milan Airports, l’affirme. «Avec l’arrivée de Dior et Louis Vuitton, Malpensa cimente son statut de référence pour le shopping d’aéroport premium. L’investissement de ces marques iconiques reflète notre vision d’une porte d’entrée toujours plus internationale et moderne». Cet investissement massif (boutiques directement opérées par les marques) n’est pas un hasard. Il répond à une dynamique de trafic claire: Malpensa a enregistré près de 30 millions de passagers en 2024 (+11%), avec un Terminal 1 (T1) où 30% des passagers étaient internationaux. Parmi ces voyageurs internationaux, les Européens représentaient 21%, les Nord-Américains 4%, et les passagers d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient 2%.

Une segmentation révélatrice. Si ces derniers affichent un volume encore modeste, leur profil de dépense (combiné à la croissance du trafic intercontinental) en fait une cible stratégique. En effet, la clientèle non-européenne reste le véritable moteur du luxe en zone aéroportuaire, générant plus de 80% des achats premium.

Les chiffres de Global Blue sont éloquents: les achats hors taxes à Milan représentent 9% du total en Europe continentale (décembre 2024-février 2025), avec un panier moyen exceptionnel de 2.240 euros, juste derrière Paris (22%, 2.660 euros). Et SEA souligne que «plus de 80% des achats de luxe» sont le fait de passagers hors Union Européenne, dont T1 est le terminal de prédilection.

La performance commerciale globale du groupe SEA (Malpensa et Linate) en 2024 confirme cette tendance: +15% de ventes, pour un record de 470 millions d’euros, le luxe ayant déjà connu une croissance de 21% cette même année. Sur les cinq premiers mois de 2025, les ventes de luxe bondissent encore de +18%, avec une valeur moyenne des transactions en hausse de +9%.

Le passager africain : une cible stratégique

C’est dans ce contexte de forte dépendance aux clients non-UE que la connectivité africaine de Malpensa prend une dimension stratégique capitale. L’aéroport s’est positionné comme «l’un des principaux hubs italiens pour les liaisons intercontinentales avec l’Afrique», établissant un réseau dense et diversifié desservant le continent.

En Afrique du Nord (pivot majeur), l‘Égypte (Le Caire-CAI, Louxor-LXR, Charm el-Cheikh-SSH, Marsa Alam-RMF, Marsa Matrouh-MUH saisonnier) et le Maroc (Casablanca-CMN, Marrakech-RAK) sont les plaques tournantes les plus significatives, avec des vols quotidiens réguliers depuis Casablanca opérés par Royal Air Maroc et ITA Airways. La Tunisie (Djerba-DJE, Enfida-NBE, Monastir-MIR) complète ce maillage nord-africain essentiel.

En Afrique de l’Ouest, Dakar (DSS) au Sénégal est un point d’origine clé, assurant des liaisons régulières. Au Cap-Vert, les îles de Boa Vista (BVC) et Sal (SID) sont desservies de façon saisonnière, ciblant le tourisme balnéaire.

En Afrique de l’Est et Océan Indien, des destinations touristiques et de connectivité comme Zanzibar (ZNZ, Tanzanie), Nosy Be (NOS, Madagascar, saisonnier), Mombasa (MBA, Kenya, saisonnier) et Addis-Abeba (ADD, Éthiopie, toute l’année via Ethiopian Airlines) élargissent la couverture.

Une mosaïque de destinations, opérée par des compagnies comme Neos, Ethiopian Airlines, Royal Air Maroc, ITA Airways et Wizz Air Malta, qui n’est pas anodine. Elle cible délibérément des marchés émetteurs dont les voyageurs affichent une forte propension à consommer du luxe, comme en attestent le panier moyen milanais et la prépondérance des non-UE dans les achats haut de gamme.

Le passager africain, notamment celui en provenance d’Afrique du Nord et des capitales ou hubs d’Afrique de l’Ouest et de l’Est, représente un flux qualifié, recherchant les marques prestigieuses et disposant d’un pouvoir d’achat non négligeable.

Une stratégie gagnante

La stratégie tripartite de Malpensa pour séduire la clientèle haut de gamme– notamment africaine– repose sur une synergie calculée entre connectivité, expérience luxe et fiscalité attractive. Le renforcement agressif de l’offre retail constitue le premier pilier. L’implantation monumentale de Dior (4,800 pieds²) et Louis Vuitton (6,100 pieds²) en boutiques directes, positionnées en vitrine du Terminal 1, matérialise une volonté d’aligner l’expérience aéroportuaire sur les standards du Quadrilatero della Moda milanais. Cet écosystème premium, intégrant 22 enseignes (Hermès, Bulgari, Moncler, etc.), vise à transformer la zone de transit en destination shopping autonome.

Le second levier réside dans le maillage aérien ciblé : les liaisons directes avec des hubs africains stratégiques (Casablanca, Le Caire, Addis-Abeba) et des destinations touristiques (Zanzibar, Marrakech, Mombasa) assurent un flux continu de passagers, dont les flux saisonniers sont calibrés sur les périodes de voyage.

Enfin, l’avantage fiscal opère comme un catalyseur décisif: le positionnement de Milan comme 2e pôle européen du shopping détaxé (panier moyen de 2,24 euros) offre aux voyageurs africains– éligibles aux remboursements Global Blue– une économie tangible comparée aux boutiques urbaines, renforcée par une hausse de 9% de la valeur moyenne des transactions.

Luxe et connectivité : le duo gagnant de Milan Malpensa pour attirer les voyageurs africains et moyen-orientaux

Points clésDétails
Contexte & Stratégie- Objectif : Faire de Malpensa un hub européen du shopping de luxe.
- Cible prioritaire : Passagers intercontinentaux (Afrique, Moyen-Orient, Amérique du Nord).
- Piliers : Connectivité aérienne, retail premium, fiscalité attractive.
Offre Retail de Luxe- Enseignes phares : Dior (4 800 pi²), Louis Vuitton (6 100 pi²), Hermès, Bulgari, etc. (22 boutiques).
- Positionnement : Aligner l’expérience sur le Quadrilatero della Moda milanais.
Ciblage des passagers- Profil clé : Clients non-UE (80% des achats de luxe).
- Afrique stratégique : Vols directs vers hubs (Casablanca, Le Caire, Addis-Abeba) et destinations touristiques (Zanzibar, Marrakech).
- Connectivité : Desservi par Ethiopian Airlines, Royal Air Maroc, ITA Airways, etc.
Performance & Données- Trafic 2024 : 30M de passagers (+11%), dont 30% internationaux (Afrique/Moyen-Orient : 2%).
- Ventes SEA 2024 : 470M€ (+15%), luxe +21%.
- Panier moyen luxe : 2 240€ (Milan), +9% en 2025.
- Tax Free : Milan = 2ᵉ pôle européen (9% du marché).
Par Modeste Kouamé
Le 18/07/2025 à 10h25