Surendettement: voici les 21 pays le plus menacés en Afrique, selon la CNUCED

Des billets de dollars américains.

Des billets de dollars américains.

Le 24/04/2023 à 13h21

D’après le dernier rapport de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement, huit pays africains sont «en situation de surendettement» et treize présentent un «risque élevé». Un niveau d’insolvabilité qui, combiné à la hausse de l’inflation, risque d’affecter bon nombre de ces économies.

C’est une véritable alerte sur l’insolvabilité des pays africains que la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED) vient d’émettre dans son dernier rapport intitulé «Trade and Development Report Update». Ce rapport de 42 pages révèle que huit pays africains, sur les 38 couverts par le cadre conjoint de viabilité de la dette des pays à faible revenu du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, sont «en situation de surendettement». Il s’agit de la RDC, du Malawi, du Mozambique, de Sao Tomé-et-Principe, de la Somalie, du Soudan, de la Zambie et du Zimbabwe.

Pis, treize autres présentent un «risque élevé» de surendettement. En l’occurrence, le Burundi, le Cameroun, la Centrafrique, le Tchad, les Comores, Djibouti, l’Ethiopie, la Gambie, le Ghana, la Guinée-Bissau, le Kenya, la Sierra Leone, et le Soudan du Sud. Et ce n’est probablement pas fini, puisque, toujours selon le rapport, de nombreux pays africains s’approchent du «mur d’échéances».

Autrement dit, la plupart des euro-obligations qu’ils ont émises au cours de la dernière décennie arriveront à échéance les prochaines années. Qui plus est, «la plupart des gouvernements africains ne sont pas en mesure de faire appel aux marchés internationaux pour refinancer leurs dettes», précise l’institution onusienne.

Les 21 pays menacés par le surendettement en Afrique

Pays en situation de surendettementPays avec un risque élevé de surendettement
RDCBurundi
MalawiCameroun
MozambiqueCentrafrique
Sao-Tomé-et-PrincipeTchad
SomalieComores
SoudanDjibouti
ZambieEthiopie
ZimbabweGambie
Ghana
Guinée-Bissau
Kenya
Sierra-Leone
Soudan du Sud

Source : CNUCED.

Leurs remboursement devront même atteindre leur plus haut niveau en 2024 et rester élevés d’ici 2034, selon elle. Déjà, en février 2023, l’agence de notation Fitch avait indiqué les pays africains, exceptés la Zambie et le Ghana, paieront près de 23 milliards de dollars pour la dette extérieure en 2023. Un chiffre qui augmentera de 12% pour atteindre 25 milliards de dollars en 2024.

D’après la CNUCED, la conjoncture actuelle ne devrait pas entrainer un fléchissement de cette dette extérieure. Selon l’organisme international, l’Afrique devrait enregistrer une croissance moyenne de 2,5% en 2023, soit une baisse par rapport au taux de 3,6% de l’année dernière. Un rythme insuffisant pour réduire la pauvreté dans les pays africains. «Comme dans d’autres régions en développement, l’affaiblissement de la demande extérieure et le resserrement des conditions financières ont assombri les perspectives de croissance dans la région», explique-t-il.

L’inflation, autre facteur aggravant

Autre facteur qui risque d’aggraver cette dépendance aux fonds extérieurs, l’inflation notoire dans plusieurs pays du continent. «Dans environ la moitié des pays, l’inflation est restée à deux chiffres au début de 2023. Dans de nombreux cas, ces récents pics d’inflation sont liés à la dépréciation continue de plusieurs monnaies africaines qui ont enregistré une perte de 10 à 30% de leur valeur par rapport au dollar en 2022», souligne le rapport.

Seul point positif de ce rapport, la reprise du tourisme dans les pays africains où ce secteur constitue l’un des poumons économiques. D’après la CNUCED, ces derniers ont récupéré deux tiers de leurs niveaux de fréquentation en 2022, comparés aux données de 2019, avant le Covid-19. Une tendance qui devrait d’ailleurs se poursuivre en 2023, selon l’Organisation mondiale du Tourisme (OMT). Une prédiction corroborée par les récents chiffres communiqués par le Maroc, l’Egypte voire le Kenya, qui tablent sur une importante hausse de leurs nombre de touristes cette année.

En outre, la levée des restrictions sanitaires en Chine devrait entraîner une hausse probable de la demande de certaines matières premières essentielles telles que le minerai de fer, le platine, le cuivre et l’acier. Toutefois, «le secteur chinois de la construction, à forte intensité de matières premières, ne devrait pas croître à un rythme rapide en 2023», précise la CNUCED.

Ce rapport dresse aussi un diagnostic de cette dépendance à la dette extérieure pour les grandes puissances du continent comme l’Afrique du Sud, le Nigéria et l’Egypte. Une situation qui risque de s’intensifier en raison de leurs difficultés internes. A Johannesburg, «les perturbations persistantes de l’approvisionnement en électricité, y compris les délestages plus intensifs, continueront d’augmenter les coûts des intrants pour les producteurs à la recherche d’alternatives énergétiques plus coûteuses et, dans l’ensemble, affecteront considérablement l’activité économique».

A Lagos, la pénurie d’argent liquide, provoquée par le remplacement des plus grosses coupures de la monnaie nationale, a négativement impacté son économie, particulièrement le secteur informel. «Dans le même temps, la baisse continue de la production pétrolière, accompagnée de vols de pétrolé à grande échelle, constitue une menace majeure pour les finances tendues de la nation la plus peuplée d’Afrique», renchérit la CNUCED.

Quant au Caire, son économie, dépendante des importations, a été fortement affectée par une pénurie de devises étrangères, «obligeant le gouvernement à accepter un accord avec le FMI pour un montant de 1,5 milliard d’euros, pour la quatrième fois en six ans, et à planifier un vaste programme de privatisations».

Ce tableau sombre dressé par l’organisme onusien intervient à un moment où la restructuration de la dette des pays en développement, principalement africains, est évoquée avec insistance au sein du G20, notamment par la Chine. Pékin qui a d’ailleurs annulé la dette de plusieurs pays du continent.

Il faut dire que les premiers signaux de cette situation alarmante étaient déjà perceptibles durant le Covid-19, lorsque la Zambie avait annoncé un défaut de paiement de sa dette extérieure qui s’élevait à 17 milliards de dollars en 2020. Deux ans plus tard, en décembre 2022, le Ghana est devenu le deuxième pays africain à faire défaut, alors que son président Nana Akufo-Addo, promettait de ne plus dépendre l’aide internationale après son accession au pouvoir.

Rappelons également que dans son rapport sur la dette extérieure en 2022, la Banque mondiale avait révélé que la dette extérieure totale des pays africains avait atteint 1.074 milliards de dollars à fin 2021, dont 790 milliards contractés par les pays d’Afrique subsaharienne et 284 milliards par les pays africains de la région Moyen-Orient Afrique du Nord (MENA). L’Afrique du Sud (170 milliards de dollars), l’Egypte (143,25 milliards), le Nigéria (76,21 milliards), l’Angola (67,28 milliards), et le Maroc (65,41 milliards) étaient les pays les plus endettés.

Par Elimane Sembène
Le 24/04/2023 à 13h21