L’Algérie avait beau disposer du second marché de véhicules neufs du continent, derrière l’Afrique du Sud, elle n’est toujours pas arrivée à implanter une véritable industrie automobile. Et malgré les interdictions d’importation de véhicules qui ont privé les Algériens de voitures neuves depuis plusieurs années, les constructeurs automobiles ne se bousculent pas pour ce marché.
L’importance du marché de plus de 300.000 véhicules par an et le changement du code des investissements dans ce secteur avec l’abandon de la règle dite des 51%-49%, octroyant la majorité aux investisseurs algériens, n’y ont rien apporté de nouveau. Il faut dire qu’au-delà de l’environnement des affaires, qui n’est pas des plus favorables, les autorités algériennes avaient corsé leurs exigences en matière d’intégration du contenu local en exigeant des constructeurs qui s’implantent dans le pays des taux d’intégration élevés.
Un taux d’intégration de 30% dès la première année et de 50% à la cinquième, c’est ce que l’ancien cahier des charges datant de 2020 exigeait. Or, un tel contenu local dans un marché dépourvu d’équipementiers automobiles était irréaliste. En 2021, face à l’impossibilité d’atteindre un tel taux, celui-ci a été réduit à 35% au bout de la 3ème année d’implantation. N’empêche, aucun constructeur automobile ne s’est aventuré en Algérie depuis l’annonce de ce cahier des charges.
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Certainement, ceux qui ont édicté cette règle avaient les yeux rivés sur les taux d’intégration atteints par les filiales marocaines de Renault et PSA, lesquels dépassent les 60% actuellement, oubliant qu’ils sont le fruit de décennies de développement du secteur et de la construction d’un écosystème automobile dans un environnement des affaires favorable. Ce qui a permis aujourd’hui l’implantation de plus de 300 équipementiers internationaux et l’éclosion d’entreprises marocaines qui participent à cet environnement.
C’est tout le contraire en Algérie, où le développement du montage automobile au cours des dernières années du régime Bouteflika s’est fait par le canal d’oligarques proches du régime qui ont profité du laxisme des autorités pour mettre en place des unités de montage automobile, lesquels, en réalité, n’importaient que des kits automobiles pour les assembler. Parfois, ils importaient même des voitures complètements montées auxquelles il ne manquait que des roues à placer. En clair, le taux d’intégration automobile était quasi nul.
Seulement, voulant mettre la charrue avant les bœufs, les nouvelles autorités algériennes, en tirant les leçons du fiasco du montage automobile par les oligarques proches du régime précédent, se sont vu trop beaux en exigeant aux constructeurs automobiles qui souhaitent s’implanter en dans le pays des taux d’intégration élevés.
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Conséquence: aucun constructeur automobile mondial ne s’est présenté, et tous ceux qui étaient déjà implantés ont décidé de mettre la clé sous le paillasson en attendant d’avoir un cahier des charges qu’ils seront à même de respecter, notamment en matière de contenu local dans un pays dépourvu d’équipementiers automobiles.
Après avoir tergiversé pendant longtemps, les autorités algériennes sont finalement revenues à la raison. D’abord, selon le nouveau cahier des charges, les constructeurs automobiles peuvent s’implanter en Algérie sans être obligés d’avoir des partenaires locaux. «L’exercice de l’activité de construction de véhicules de tourisme et de véhicules utilitaires légers est ouvert aux constructeurs propriétaires de marques de véhicule, agissant seul ou en partenariat, par la création d’une société de droit algérien», selon le nouveau cahier des charges.
Ensuite, en matière d’intégration, les autorités ont largement revu leurs ambitions à la baisse. Selon l’article 5 du cahier des charges, l’activité de construction de véhicules automobiles «est subordonné à l’obligation d’atteindre, à compter de l’obtention de l’agrément (…), un taux d’intégration, minimum, qui évolue comme suit: au terme de la 2e année: 10%; au terme de la 3e année: 20%; au terme de la 5e année: 30».
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Et les modalités de calcul du taux d’intégration seront arrêtées par un comité interministériel comprenant les départements de l’Industrie, des Finances et du Commerce. Le cahier des charges précise tout de même que le constructeur de véhicules est tenu «d’installer une chaîne d’emboutissage, de soudure et de peinture au terme de la 3e année à compter de la date d’obtention de l’agrément, ou recourir, le cas échéant, à la sous-traitance locale pour effectuer ces opérations».
De même, il est tenu «de construire des véhicules à partir de carrosseries fabriquées localement, à l’issue de la 3e année de la date d’obtention de l’agrément». Tout en interdisant la production de véhicules de tourisme équipés de moteur diesel, le nouveau cahier des charges exige du constructeur «d’inclure dans sa gamme de véhicules produits localement, au moins un modèle de véhicule utilitaire léger».
Seulement, même revus à la baisse, ces taux d’intégration restent élevés du fait de l’absence d’équipementiers, de fournisseurs et de sous-traitants à même d’accompagner les nouveaux constructeurs qui s’implanteront.
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C’est d’ailleurs conscient de la faiblesse de la production locale de pièces détachées et de composants que le nouveau cahier des charges demande à chaque constructeur de «mobiliser ses sous-traitants et ses équipementiers étrangers à s’implanter en Algérie pour la réalisation des investissements de production d’ensembles, sous-ensembles et accessoires de véhicules». Seulement, pour cela, il faut aussi que l’environnement des affaires soit attractif et le marché relativement important pour nécessiter l’implantation de ceux-ci.
Et afin d’inciter les constructeurs automobiles, les autorités algériennes ont annoncé que ceux-ci vont bénéficier «du régime préférentiel applicable aux matières premières, composants, ensembles, sous-ensembles et accessoires, importés ou acquis localement, servant à la construction de véhicules».
Enfin, concernant les exportations de voitures montées localement, le constructeur «doit réaliser des opérations d’exportation de véhicules au terme de la 5e année à partir de l’obtention de l’agrément», stipule-t-on.