D’après le communiqué du Conseil des ministres, la taxe forfaitaire d’habitation (TFH), applicable à partir de l’année prochaine, s’appliquera à l’ensemble des logements, résidentiels et professionnels, selon un barème progressif fondé sur une classification géographique des zones. Elle sera prélevée mensuellement, adossée à la facture d’électricité, et collectée par la Société d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG).
Les zones rurales seront exemptées lors de la première phase. Le gouvernement justifie cette mesure par le «pacte fiscal républicain», visant à renforcer «l’équité contributive» et à garantir les moyens de la politique nationale de relance, pour un rendement attendu d’environ 2,8 milliards de FCFA.
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L’ONG Sos Consommateur émet des réserves quant à l’utilisation future des fonds collectés. Son président, Christian Richard Abiaghe Ngomo, questionne: «Peut-on me dire que la contribution spéciale électricité, que la TVA et les autres taxes sont régulièrement affectées ? Je ne pense pas. Nous participons à un certain nombre de réflexions qui nous font croire que les taxes collectées ne sont pas reversées et donc il n’est pas possible qu’on me fasse rêver à des réalisations résultant de ces taxes.»
Officiellement, la TFH se veut socialement graduelle. Les habitants des quartiers populaires classés en zone 4 (comme Nzeng-Ayong, PK 5-12, Akébé) ne paieront ainsi qu’un montant symbolique de 1.000 FCFA par mois.
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Cependant, la progressivité est vivement critiquée. En zone 3 (Charbonnages, Louis, Okala), la facture mensuelle passera à 10.000 FCFA, un effort jugé lourd pour une classe moyenne fragile. Les zones 1 et 2 (Sablière, Batterie IV), considérées comme les plus aisées, supporteront l’essentiel de l’effort avec 20.000 à 30.000 FCFA par mois.
Cette logique de zonage est perçue comme injuste par des contribuables comme Frédéric Mavioga, propriétaire immobilier à Akanda. «Comment un habitant de Kinguélé va-t-il payer 10.000 francs CFA, simplement parce qu’il habite Kinguélé? Alors que ma femme de ménage qui habite les bas-fonds d’Akanda paie 30.000.» Il interroge aussi son applicabilité pour certains privilégiés. «Comment fera-t-on payer cette taxe à un fonctionnaire logé, ayant l’eau et l’électricité gratuitement?»
Cette réforme fiscale s’inscrit dans un contexte de finances publiques dégradées. Le nouveau pouvoir a hérité d’une dette publique représentant plus de 75% du PIB, soit plus de 7.000 milliards de FCFA. Face à cette contrainte, le gouvernement du Président Brice Clotaire Oligui Nguema et son ministre de l’Économie, Henri Claude Oyima, ont conçu un plan de développement ambitieux (un budget de près de 6.000 milliards) qui refuse l’austérité, lui préférant une relance par l’investissement.
Pour les experts soutenant cette approche, comme le financier et expert-comptable Willy Ontsia, cette taxe fait partie des dispositifs indispensables pour financer le plan de relance. «Pour financer ce budget, le gouvernement a besoin de ressources importantes en fonds propres et en dette. C’est dans ce contexte qu’un dispositif fiscal a été mis en place dont la taxe forfaitaire d’habitation... Cette taxe est décriée par certains parce qu’elle touche tout le monde, nanti ou pas. Mais en réalité, toute mesure a un caractère sacrificiel.»
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La taxe forfaitaire d’habitation cristallise les tensions entre la nécessité, pour l’État de se procurer de nouvelles ressources pour relancer l’économie, et les préoccupations légitimes des citoyens sur l’équité, l’efficacité de la dépense publique et leur propre pouvoir d’achat. Son entrée en vigueur en 2026 s’annonce comme un test majeur pour le gouvernement, tant sur le plan de l’acceptabilité sociale que de sa capacité à démontrer la transparence et l’efficacité dans l’utilisation des fonds collectés.




