En 2024, les transferts de fonds vers les pays à revenu faible et intermédiaire devraient atteindre le montant record de 685 milliards de dollars selon les estimations que vient de publier la Banque mondiale, dépassant pour la première fois les investissements directs étrangers (IDE) et l’aide publique au développement (APD) combinés. Cette tendance met en lumière l’importance capitale des envois d’argent des diasporas pour les économies de leurs pays d’origine.
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Portés par l’exode rural, les dérèglements climatiques, les écarts de niveaux de vie criants avec les pays riches et l’essor des communautés diasporiques, ces flux financiers devraient poursuivre leur progression à moyen terme selon les prévisions. Ils devraient même continuer à prendre le pas sur les investissements directs étrangers et l’aide publique au développement les années à venir, compensant partiellement leur contraction et renforçant leur importance vitale pour les économies émergentes et en développement.
Trois pays africains dans le top 20 mondial
S’agissant des pays africains, l’Égypte, le Nigeria et le Maroc se démarquent nettement comme principales destinations des transferts de fonds de leurs diasporas en 2024, selon les chiffres de la Banque mondiale.
L’Égypte, 7ème en volume parmi les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire, arrive en tête avec 22,7 milliards de dollars reçus, suivie de près par le Nigeria (9ème) avec 19,8 milliards. Le Maroc pointe à la 3ème place en Afrique et 14ème parmi les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire avec 12 milliards de dollars en provenance de sa diaspora établie principalement en Europe.
Cette prédominance de quelques nations reflète le poids démographique et économique de ces pays, mais aussi l’importance historique de leurs flux migratoires vers les pays riches.
Modèles de croissance globale et régionale des flux d'envois de fonds en 2023 et 2024.. DR.
L’Égypte et le Maroc bénéficient de diasporas anciennes et nombreuses en Europe, dont les membres maintiennent des liens étroits avec leur pays d’origine. Pour le Nigeria, la communauté nigériane très présente aux États-Unis, au Royaume-Uni ou encore au Canada explique ces volumes substantiels.
Au total, les nations d’Afrique subsaharienne devraient recevoir quelque 56 milliards de dollars de transferts en 2024, une hausse modeste de 1 milliard par rapport à 2023.
Dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord en revanche, la croissance des transferts serait plus soutenue, passant de 55 milliards en 2023 à 58 milliards prévus pour 2024, tirée par les envois vers l’Égypte. Cette progression au Moyen-Orient traduit le rebond économique dans les pays du Golfe où résident de nombreux travailleurs migrants originaires d’Égypte, du Maroc ou du Liban.
Si l’Afrique dans son ensemble ne représente qu’une fraction des 685 milliards de dollars de transferts estimés vers les pays à faible revenu et revenu intermédiaire en 2024, ces flux financiers n’en demeurent pas moins vitaux pour des millions de foyers.
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Dans les pays les plus pauvres ou en proie aux conflits, comme la Somalie, l’Érythrée ou le Soudan, ces transferts permettent tout simplement d’assurer la survie des populations. Un rôle d’autant plus essentiel que l’aide publique ou les investissements peinent à se concrétiser dans ces zones à hauts risques.
L’Inde, le Mexique et la Chine, géants incontestés des transferts de fonds mondiaux
Si l’Égypte figure parmi les principaux récipiendaires africains des transferts de fonds avec 22,7 milliards de dollars attendus en 2024, elle reste loin derrière les poids lourds mondiaux que sont l’Inde, le Mexique et la Chine.
En effet, avec 129,1 milliards de dollars de transferts prévus cette année, l’Inde devrait conserver sa première place au classement mondial des pays bénéficiaires. Une prééminence qu’elle doit à l’immense diaspora indienne disséminée aux quatre coins du globe, notamment dans les pays du Golfe, mais aussi en Amérique du Nord ou en Europe.
Le Mexique se hisse au deuxième rang avec 68,2 milliards de dollars, alimenté par les quelque 37 millions de migrants mexicains dont une majorité est installée aux États-Unis. Principal pays destinataire des transferts en Amérique latine, le Mexique a vu ces flux financiers tripler en 20 ans.
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La Chine devrait occuper la troisième marche du podium mondial avec 48 milliards de dollars, malgré les restrictions migratoires en vigueur. Une grande partie provient de la diaspora chinoise présente en Asie du Sud-Est, aux États-Unis et au Canada.
Viennent ensuite les Philippines (40,2 milliards), le Pakistan (33,2 milliards) et le Bangladesh (26,6 milliards), pays très dépendants des envois de fonds de leurs travailleurs migrants basés principalement dans les pays riches du Golfe arabo-persique.
Pour ces nations très peuplées d’Asie du Sud et d’Asie du Sud-Est, les transferts représentent une véritable bouée de sauvetage économique et sociale, dépassant parfois l’aide publique et les investissements.
Quatre pays africains dans le top 20 des flux financiers en proportion du PIB
Mais au-delà des volumes bruts, c’est l’impact de ces flux financiers en proportion du PIB qui témoigne de leur importance vitale pour certaines économies. Les transferts représenteraient ainsi 45,4% du PIB au Tadjikistan en 2024, le pourcentage le plus important parmi les pays à revenu faible et intermédiaire. Ce pays d’Asie Centrale est suivi de près par Tonga, un royaume polynésien composé de plus de 170 îles du Pacifique Sud (38,2% du PIB), le Nicaragua en Amérique centrale (27,2%), le Liban (26,6%) Les îles Samoa (25,9%), le Népal (25,7%), ou encore le Honduras (25,2%).
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Pour les quatre pays africains du Top 20 mondial pays à revenu faible et intermédiaire, les transferts de fonds représentent une part extrêmement élevée de leur PIB en 2024, témoignant de leur dépendance économique cruciale vis-à-vis de ces flux financiers en provenance de leurs diasporas.
En Gambie, premier pays africain du lot, ces envois d’argent des travailleurs émigrés devraient ainsi atteindre l’équivalent de 21,4% du PIB national selon les estimations. C’est le 10ème bénéficiaire des envois de fonds dans les pays à revenu faible et intermédiaire en pourcentage du PIB en 2024, traduisant le rôle déterminant joué par la diaspora gambienne, nombreuse notamment en Europe de l’Ouest et aux États-Unis, dans le soutien aux familles restées au pays.
La situation est similaire au Lesotho, petit royaume enclavé et deuxième du lot, où les transferts pèseraient 20,6% du PIB en 2024. Une grande partie de la population active de ce pays d’Afrique Australe migre traditionnellement pour travailler dans les mines d’Afrique du Sud voisine. Leurs envois de fonds permettent de compenser le manque d’autres ressources.
Aux Comores également, nation insulaire parmi les plus pauvres du continent, près d’un cinquième de l’économie (19,9% du PIB) reposerait sur les précieuses remises en devises de sa diaspora disséminée, principalement en France métropolitaine.
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Enfin, le Libéria, 4ème pays du lot, figure également parmi les pays les plus dépendants avec 16,8% du PIB généré par les transferts internationaux de sa communauté expatriée, notamment aux États-Unis.
Dans ces pays très vulnérables, que ce soit pour faire face à la pauvreté, aux catastrophes naturelles ou compenser le manque d’investissements productifs, les transferts sont absolument vitaux pour de larges franges de la population.
Cette dépendance prononcée des économies aux transferts n’est cependant pas sans risques, les exposant aux soubresauts conjoncturels dans les pays d’accueil des migrants. Elle souligne surtout l’urgence de créer des opportunités de développement pérennes sur place pour réduire la pression migratoire.
En somme, si les transferts de fonds ne constituent pas une panacée, cette publication de la Banque mondiale rappelle qu’ils représentent une bouée de sauvetage indispensable pour de nombreuses populations africaines ainsi qu’un formidable levier de développement, encore trop souvent mal compris et sous-estimé.
Le Top 3 des destinataires africains des transferts de fonds de la diaspora en 2024
Pays | Montant estimé des transferts (en milliards de dollars) | Rang en Afrique |
---|---|---|
Égypte | 22,7 | 1er |
Nigeria | 19,8 | 2ème |
Maroc | 12 | 3ème |
Source : Banque mondiale.