La transition énergétique, qui implique une demande croissante en minerais stratégiques, pourrait permettre aux pays africains riches en ressources naturelles de mieux tirer profit de ces gisements. C’est en substance le message phare délivré par la Banque mondiale dans son rapport «Africa’s Resource Future» publié le 10 mai 2023. D’après l’institution de Breton Woods, ces pays qui ne captent qu’environ 40% des revenus du marché mondial, peuvent plus que doubler leurs recettes provenant des minerais, grâce à cette tendance mondiale à privilégier les énergies respectueuses de l’environnement.
En effet, ces pays cultivent un véritable paradoxe depuis plusieurs décennies. Malgré les trésors enfouis dans leur sous-sols, leurs populations baignent dans la pauvreté. L’augmentation des recettes de l’Etat n’a pas permis de réduire cette précarité. La croissance annuelle de leur PIB par habitant était en moyenne inférieure de 1,5% aux niveaux moyens enregistrés dans les pays peu dotés en ressources naturelles.
Pis, selon la Banque mondiale, d’ici 2030, plus de 80% des pauvres de la planète résideront en Afrique subsaharienne, et près de 75% de ces personnes seront originaires de pays dont les sous-sols regorgent d’hydrocarbures et de minerais. Des pays tels que la RDC, le Zimbabwe, ou encore le Niger.
Cette malédiction des ressources pourrait être brisée, dans un contexte marqué par l’abandon progressif des combustibles fossiles par de nombreux pays dans le monde. Un virage vers les énergies vertes qui devrait entrainer une hausse de la demande en cobalt, lithium, cuivre et en nickel, des minerais nécessaires pour produire les turbines éoliennes, les panneaux solaires et les piles.
Mais pour bien profiter des retombées de cette transition, ces pays miniers doivent revoir le mode de gestion de ces ressources naturelles. «Les minéraux, le pétrole et le gaz représentent un tiers, ou plus, des exportations de la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, mais les pays ont eu du mal à convertir cette richesse en croissance durable par le passé. La dépendance régionale vis-à-vis des prix mondiaux des produits de base a conduit à une gestion sous-optimale des ressources publiques lorsque les prix sont élevés, et à des crises économiques et budgétaires lorsque les prix s’effondrent», expliquent les auteurs du rapport.
Mettre en place une taxation des ressources naturelles
L’autre grand défi à relever, c’est la bonne gouvernance secteur extractif. «La bonne gouvernance et la bonne gestion macro-fiscale des revenus des ressources, tout en préparant un avenir à faibles émissions de carbone, sont au cœur de la transition énergétique et doivent jouer un rôle central dans la transformation économique de l’Afrique», souligne la Banque mondiale.
Le rapport invite aussi ces Etats à mettre en place une taxation de ces ressources pour facturer le coût total des impacts environnementaux et sociaux qui ne sont pas toujours entièrement couverts par les producteurs, y compris les ressources pétrolières. «Maximiser les recettes publiques sous forme de redevances et d’impôts payés par les industries exploitant les ressources naturelles, tout en attirant de nouveaux investissements, offrirait un double dividende pour les populations et l’environnement augmentera la marge de manœuvre budgétaire, et permettra de supprimer les subventions implicites à la production», suggère James Cust, économiste principal chez la région Afrique de la Banque mondiale et coauteur du rapport.
Lire aussi : Transition énergétique: la demande des minerais stratégiques va exploser, voici les pays africains qui en profiteront
Par ailleurs, la Banque mondiale a mis en exergue les avantages de la future Zone de libre-échange continentale (ZLECAF) qui encouragera la promotion de l’intégration régionale, notamment à travers la suppression progressive de 90% des droits de douane au cours des cinq à dix prochaines années, et l’harmonisation des taxes et redevances minières en Afrique.
D’après Albert Zeufack, directeur pays de la Banque mondiale pour l’Angola, la RDC, et Sao Tomé-et-Principe, et co-auteur du rapport, «une approche régionale du secteur extractif permettrait la création de chaînes de valeur qui ajoutent plus de valeur et créent plus d’emplois pour les personnes vivant dans des pays riches en ressources».
Le secteur des minerais étant caractérisé par son instabilité, les auteurs du rapports invitent les gouvernements africains à préparer la prochaine chute des prix des matières premières, en investissant dans des secteurs productifs comme la santé, l’éducation, les infrastructures, les forêts, l’agriculture, et l’écotourisme.