Un d’air frais souffle sur l’Afrique de l’Ouest. Le West African Power Pool (WAPP) vient de franchir une étape cruciale dans son ambitieux projet d’interconnexion des réseaux électriques de 14 pays de la région. Son Centre d’Information et de Coordination (CIC) d’Abomey-Calavi, au Bénin, vient d’être renforcé avec l’ajout de la solution de prévision GridOS de GE Vernova, multinationale spécialisée dans le secteur de l’énergie, créée en 2024 à la suite de la scission des activités énergétiques de l’Américain General Electric (GE). Objectif: augmenter la valeur de l’énergie renouvelable variable sur le marché de l’électricité grâce à des outils avancés de prévision et d’amélioration de la réactivité des capacités.
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Créé en 1999, le WAPP est le Système d’échange d’énergie électrique ouest africain, une institution spécialisée de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest. Les pays dont les réseaux seront interconnectés et orchestrés par ce pool énergétique régional sont: Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Libéria, Mali, Niger, Nigéria, Sénégal, Sierra Leone et Togo.
Selon l’Agence internationale de l’énergie, le PIB de l’Afrique devrait croître en moyenne de 4,6 % par an entre 2022 et 2040, entraînant une augmentation de la demande d’énergie de 2,8 % par an. La consommation d’électricité devrait ainsi doubler d’ici 2040. Face à cette situation, le Système d’Échange d’Énergie Électrique Ouest Africain, appuyé par le CIC, permettra de combler le fossé entre les besoins énergétiques croissants et une offre fiable.
La collaboration entre le Système d'échanges d'énergie électrique de l'Afrique de l'Ouest (WAPP) et l'Agence japonaise de coopération internationale (JICA) a été approfondie lors de la visite de travail de l'ICA au Centre d'information et de coordination (ICC) du WAPP du 23 au 26 janvier 2024.. DR.
La technologie sera au cœur de cette infrastructure énergétique interconnectée. Le logiciel d’orchestration GridOS de GE Vernova jouera un rôle clé en fournissant des capacités avancées de gestion et d’optimisation des réseaux. Parmi ses applications déployées au Centre d’Information et de Coordination (CIC) d’Abomey-Calavi figurent le Système de Gestion de l’Énergie (EMS) pour le dispatching, le Wide Area Monitoring System (WAMS), un système de surveillance de la stabilité du réseau, et le Système Avancé de Gestion du Marché pour soutenir le commerce de l’énergie entre les pays de la CEDEAO.
Le CIC, véritable tour de contrôle régionale, permettra une supervision centralisée des flux d’énergie à travers le réseau WAPP. Ses ingénieurs auront accès en temps réel aux données des différents pays, leur permettant de surveiller, analyser et optimiser la distribution de l’électricité de manière transparente et coordonnée.
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Bien que prometteuse, cette initiative ne sera pas sans défis techniques et opérationnels. L’harmonisation des normes et réglementations, la synchronisation des systèmes hétérogènes et la gestion des écarts de fréquence figureront parmi les principales difficultés à surmonter. Ce qui signifie concrètement qu’une coopération étroite entre les gestionnaires de réseau et les autorités réglementaires sera essentielle. «Grâce à cette intégration, les ingénieurs disposeront d’un accès en temps quasi réel aux données sur le flux d’énergie à travers le réseau interconnecté WAPP, ce qui leur permettra de surveiller, d’analyser et d’optimiser la distribution de l’énergie», explique Mahesh Sudhakaran, Directeur Général de l’activité Grid Software de GE Vernova.
Promouvoir les échanges d’électricité entre pays
«L’inauguration du Centre d’Information et de Coordination marque l’aboutissement de l’engagement des pays de la CEDEAO à rendre l’énergie électrique facilement disponible et à un coût abordable pour la population ouest-africaine», souligne le communiqué d’inauguration du CIC d’Abomey-Calavi.
L’objectif principal de cette initiative est de combler le déficit énergétique en Afrique de l’Ouest en promouvant les échanges d’électricité entre ces pays membres. En orchestrant de manière harmonieuse la production et la demande à travers les frontières, ce Système d’Echange d’Energie Electrique Ouest Africain permettra de répondre aux besoins énergétiques croissants de la région de manière fiable et durable.
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Pour les pays membres, les avantages attendus sont multiples. Tout d’abord, l’interconnexion renforcera la résilience des réseaux nationaux en permettant un soutien mutuel en cas de défaillance ou de pic de demande. Elle favorisera également une meilleure intégration des énergies renouvelables variables, comme l’éolien et le solaire, en compensant leurs fluctuations par des échanges entre pays. Plus largement, la création d’un marché régional unifié de l’électricité stimulera la concurrence et devrait se traduire par des coûts d’approvisionnement plus compétitifs pour les consommateurs.
Réduire la dépendance aux combustibles fossiles
Au-delà de l’enjeu de sécurité énergétique, cette interconnexion régionale s’inscrit pleinement dans les efforts de transition énergétique et de décarbonisation en Afrique de l’Ouest. En facilitant l’intégration des énergies renouvelables et en améliorant l’efficacité globale du système, elle contribuera à réduire la dépendance aux combustibles fossiles et les émissions de gaz à effet de serre.
Bien que pilotée par le WAPP et GE Vernova, cette initiative ambitieuse implique de nombreux autres acteurs clés. L’Union Européenne a ainsi apporté un financement crucial de 38 millions d’euros pour la construction du CIC. La Banque Mondiale et l’Agence Japonaise de Coopération Internationale (JICA) sont également des partenaires techniques et financiers importants.
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Les investissements nécessaires pour mettre en place cette infrastructure régionale interconnectée sont considérables, estimés à environ 4,3 milliards de dollars pour la période 2024-2026 selon le WAPP. Cependant, ces coûts élevés devraient être largement compensés par les bénéfices à long terme en termes de fiabilité, de coûts réduits et de durabilité énergétique.
Les prochaines étapes
Si elle n’est pas la première du genre en Afrique, l’ampleur et la portée de cette initiative du WAPP en font un projet phare pour le continent. Les prochains défis consisteront à assurer une mise en œuvre réussie de la phase opérationnelle, à développer les compétences techniques nécessaires et à maintenir un cadre réglementaire harmonisé entre les pays participants.
En somme, cette interconnexion électrique orchestrée par le WAPP représente une avancée majeure vers un avenir énergétique plus sûr, plus abordable et plus durable pour l’Afrique de l’Ouest. Son succès pourrait inspirer d’autres régions du continent.