«Indice de performance des ports à conteneurs 2020-2024: Tendance et enseignements tirés», tel est le titre de la cinquième édition de l’Indice de performance des ports à conteneurs (IPPC) 2025, publié par la Banque mondiale et S&P Global Market Intelligence.
Outre les données de 2024, le rapport analyse aussi les tendances des cinq dernières années 2020-2024.
Ce rapport est publié au moment où l’importance de la performance portuaire pour les chaînes d’approvisionnement mondiales est de plus en plus reconnue, le transport maritime assurant plus de 80% du commerce mondial dont les ports à conteneurs constituent l’épine dorsale. En conséquence, les performances des ports peuvent influencer les coûts des échanges, leur fiabilité et leur résilience.
Les performances des ports sont l’un des indicateurs d’attractivité pour les compagnies maritimes et les négociants. Elles influent sur la connectivité du transport maritime des pays, les coûts de transport et, en conséquence, impactent la compétitivité commerciale et le développement d’un pays.
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Pour cette édition 2025, les données de l’IPPC s’appuient sur une analyse comparative de 403 ports à conteneurs dans le monde, plus 175.000 escales de navires et 247 millions de mouvements de conteneurs.
L’indice repose sur le temps total passé par les navires porte-conteneurs au port, depuis leur arrivée au mouillage jusqu’à leur départ du quai, mettant l’accent sur l’efficacité des opérations. Pour cela, l’indice s’appuie sur des données détaillées par escale pour les porte-conteneurs, issues des signaux AIS, couplées à des informations structurées sur les navires et les escales.
Chaque escale inclut l’horodatage de six évènements clés: arrivée au mouillage ou à la station de pilotage, déplacement du navire vers le lieu d’accostage, début des opérations de chargement, fin des opérations de chargement, départ du poste à quai et sortie des limites du port. Chaque escale inclut également les caractéristiques du navire (capacité en EVP) et les données sur la taille de l’escale, le nombre de grues déployées…
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L’indice combine les données sur le temps d’escale d’un navire avec celles relatives au nombre de conteneurs chargés et déchargés. Pour que les comparaisons entre les ports de différentes tailles soient soutenables, «l’indice regroupe les escales de navires en tailles de navire et en taille d’escale (nombre de conteneurs chargés et déchargés par escale). Chaque escale est uniquement comparable à celles dont la taille du navire et le nombre de conteneurs chargés et déchargés sont comparables», selon le rapport.
L’indice ne prend en compte que les ports à conteneurs, excluant les terminaux spécialisés dans le vrac, les hydrocarbures et le trafic passagers qui ont des logiques d’exploitation et des indicateurs de performances différents.
Si plusieurs facteurs peuvent influer sur l’indice, en 2023 et 2024, la crise de la mer Rouge qui a entrainé une réorientation généralisée des échanges commerciaux entre l’Asie et l’Europe via le Cap de Bonne-Espérance, a allongé les durées de transit et perturbé les rotations portuaires. En réduisant le trafic dans certains ports, elle a contribué à améliorer leurs performances. C’est le cas des ports égyptiens qui ont enregistré moins d’escales et donc de trafics de conteneurs.
A l’opposé, ceux qui ont vu le nombre de navires en escale augmenter fortement alors qu’ils n’étaient pas performants, comme les ports sud-africains, ont vu leurs indicateurs de performances baisser.
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Globalement, le rapport illustre les performances contrastées des ports du monde. Toutefois, on note une domination des ports chinois. Ainsi, sept ports chinois figurent dans le Top 10 mondial.
L’Afrique compte deux ports dans le Top 5 mondial: Port-Saïd (3e) et Tanger Med (5e). Les deux premiers et le quatrième étant chinois. Des performances exceptionnelles qui confirment le statut de ces deux ports, les seuls au monde à concurrencer les ports chinois. Ces deux ports africains sont actuellement des hubs incontournables sur les routes maritimes reliant l’Asie à l’Europe.
Désormais, c’est Port-Said d’Egypte qui est le port à conteneurs le plus performant d’Afrique. Avec un score de 137,4, en hausse de 19 points par rapport à 2023, il se classe au 3e rang mondial, juste derrière deux ports chinois: Yangshan et Fuzhou qui affichent respectivement 146,3 et 139,2, doublant au passage le port marocain de Tanger Med (5e mondial et 2e en Afrique).
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Port-Said est l’un des ports à conteneurs ayant connu la plus forte amélioration en 2000-2024. Il doit sa performance à plusieurs facteurs. D’abord, il y a l’impact de l’amélioration de la logistique commerciale globale de l’Egypte. Le pays est classé au 57e rang mondial sur 139, selon l’indice de performance logistique 2023 de la Banque mondiale. Ensuite, il y a l’impact des investissements dans les systèmes numériques de gestion portuaire qui ont contribué à optimiser la planification des navires, réduisant les temps d’escale. Enfin, la forte diminution des escales en 2023 et 2024 à cause de la crise au Moyen-Orient a allégé la pression sur le port de Port-Saïd, qui a enregistré moins de trafics et donc a pu mieux améliorer ses performances en gérant moins de navires. Selon les données de Lloyd’s List, le port a enregistré un léger recul du trafic conteneurisé avec 3,941 millions de conteneurs EVP, contre 4,038 millions en 2023.
Port Said (Egypte): le second port à conteneurs d'Afrique avec 3,941 millions de conteneurs EVP traités en 2024, est le port le plus performant d'Afrique (3e mondial) avec un score de 137,4 dans l'IPPC.. DR
Port-Saïd est engagé dans une opération d’extension de ses capacités de 2,1 millions d’EVP supplémentaires, portant sa capacité installée totale à 6,6 millions d’EVP. Cette extension vise à faire bénéficier le port de l’atout considérable que lui confère le canal de Suez, axe principal de la navigation maritime.
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Derrière Port-Saïd, suit Tanger Med avec un score de 136, en repli de trois points par rapport à 2023, ce qui le classe au 5e rang mondial et 2e au niveau africain. Le port marocain doit son rang à la montée de la productivité de ses terminaux à conteneurs, le traitement des navires mégaships et des équipements très performants dont les plus gros portiques semi-automatiques au monde. Le port marocain se positionne loin devant les grands ports du bassin méditerranéen dont Pirée en Grèce, Valence et Algésiras en Espagne.
Concernant son recul, il y a aussi l’impact de la forte augmentation du trafic et du traitement de conteneurs au niveau de la plateforme portuaire Tanger Med en 2024. Pour la première fois, Tanger Med a franchi la barre des 10 millions de conteneurs traités avec 10,241 millions de conteurs traités, se classant au 17e rang mondial. Cette forte augmentation du trafic a des impacts sur la fluidité du traitement des navires.
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En dehors de ces deux ports nord-africains, aucun autre port du continent ne figure dans le Top 100 mondial.
En Afrique subsaharienne, les ports continuent à faire face à des défis structurels persistants, notamment une automatisation limitée et une connectivité plus faible avec l’arrière-pays. Toutefois, de nombreux ports africains ont amélioré leurs performances dans l’IPPC. Certains ports ont enregistré des améliorations notables.
Selon le rapport, ces améliorations sont les fruits de plusieurs facteurs: engagement politique, effets des partenariats noués avec des opérateurs de terminaux mondiaux, simplification des procédures commerciales, investissements dans les infrastructures…
C’est le cas du port de Dakar classé au premier rang des ports les plus performants d’Afrique subsaharienne. Son indice de performance est passé de -82 en 2023 à 22,8 en 2024, soit un gain de 104,8, occupant désormais le 3e rang des ports les plus performants du continent.
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L’infrastructure exploitée par DP World depuis 2008, a bénéficié d’importants investissements de son partenaire dont l’installation de nouvelles grues, l’extension de ses capacités, le développement d’un système de réseau portuaire, l’amélioration de la connectivité avec l’arrière-pays, le guichet unique qui réduit le temps d’attente… Autant de facteurs qui ont contribué à l’amélioration de la connectivité des lignes maritimes en provenance d’Asie.
Derrière ce trio suivent les ports de Mogadiscio (Somalie), Toamasina (Madagascar), El Dekheila (Egypte), Sokhna (Egypte), Freetown (Sierra Leone), Conakry (Guinée) et Berbera (Somalie).
Top 10 des ports africains les plus performants en 2024
Rang Afrique | Ports | Pays | CPPI 2024 | Rang Mondial |
---|---|---|---|---|
1er | Port-Saïd | Egypte | 137 | 3e |
2e | Tanger Med | Maroc | 136 | 5e |
3e | Port de Dakar | Sénégal | 23 | 108e |
4e | Port de Mogadiscio | Somalie | 8 | 163e |
5e | Port de Toamasina | Madagascar | 6 | 177e |
6e | El Dekheila Port | Egypte | 5 | 190e |
7e | Port de Freetown | Sierra Leone | 2 | 216e |
8e | Sohkna Port | Egypte | 2 | 217e |
9e | Port de Conakry | Guinée | -2 | 235e |
10e | Port de Berbera | Somalie | -3 | 243e |
Source: Banque mondiale.
La surprise vient au fait qu’on trouve deux ports somaliens dans le Top 10 des ports à conteneurs les plus performants d’Afrique. Le port de Mogadiscio, géré par le conglomérat turc Albayrak Group, est d’ailleurs classé 4e du continent et 163e mondial, celui de Berbera, dans le Somaliland, géré par l’émirati DP World se positionne au 243e rang mondial.
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Le classement des ports somaliens s’explique surtout par la faiblesse du trafic et des navires en escale. Une situation qui se traduit par une plus grande fluidité dans les opérations de traitement des navires en escale. Ainsi, le port de Berbera, avec un score de -3, inférieur à la moyenne mondiale, se classant au 243e rang mondial et 10e en Afrique, enregistre environ une escale par semaine. Les navires sont donc traités rapidement.
Il faut aussi noter que le port de Berbera en Somaliland est géré par le géant émirati DP World et bénéficie d’importants investissements de la part des Emiratis qui veulent en faire un véritable hub régional après avoir perdu la gestion du port de Djibouti.
Enfin, il faut souligner que les ports sud-africains sont mal positionnés en termes de performances. Déjà très affectés par les problèmes structurels du pays, les performances de certains ports ont diminué en 2023 et 2024 à cause notamment de la crise en mer Rouge qui a poussé de nombreux navires à délaisser le Canal de Suez. Une situation qui a augmenté les escales des navires dans les ports sud-africains, réduisant davantage leurs performances des ports de Durban, d’Elizabeth… qui connaissaient déjà des difficultés, allongeant les temps d’attente au mouillage des navires. Le port de Durban, avec un indice de -721 se situe au 403e et dernier rang mondial des ports les plus performants du monde. Idem pour le port d’Elizabeth a vu son score se détériorer passant de -128 à -169, soit une perte de 41 points, qui le classe désormais au 395e rang mondial.
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Malgré ces problèmes, certains ports du pays ont enregistré des améliorations notables comme la mise en place de mesures innovantes telles que des unités hydrauliques de tension à quai et un modèle prédictif du vent, développé avec le Conseil pour la recherche scientifique et industrielle, afin d’atténuer les perturbations liées aux conditions météorologiques. Un service de pilotage par hélicoptère a également été lancé pour améliorer l’accès des navires en période de forte houle. Malgré cela, le port de Cape Town affiche un indice de -281 qui le positionne au 400e rang mondial.
«Les premières données disponibles pour 2025 confirment que les investissements et les améliorations ont déjà eu des effets positifs mesurables sur la performance. D’après les dernières données fournies par Transnet, entre mi-2024 et août 2025, le mouillage des navires dans les ports sud-africains a diminué d’environ 75%, le nombre brut de mouvements de grues par heure a augmenté de 13% et le nombre de mouvements de navires en service a augmenté de 25%», révèle le rapport. Ainsi, le port du Cap a amélioré son score IPPC de près de 240 points entre 2023 et 2024, l’une des plus fortes progressions au monde.