Pour le commerce international, le taux de change entre une monnaie et le dollar, principale devise de facturation, est un indicateur clé pour évaluer la performance de la monnaie d’un pays.
Il faut souligner que disposer d’une monnaie forte offre de nombreux avantages. Elle augmente le pouvoir d’achat des citoyens et des entreprise, rend les produits importés moins chers et donc contribue à la stabilité des prix, et inspire confiance aux investisseurs étrangers à la recherche d’opportunités stables et rentables…
Cette monnaie forte peut aussi, dans certains cas, être handicapante en réduisant la compétitivité des secteurs exportateurs d’un pays, comparativement à d’autres ayant de structures économiques semblables et qui adoptent des politiques monétaires visant à rendre leurs économies plus attractives pour les investisseurs et les touristes et pour doper leurs exportations.
Globalement, au cours de ces trois dernières années, les monnaies africaines ont été malmenées par une conjoncture économique internationale complexe. Celle-ci, entamée avec la crise sanitaire du Covid et qui s’est aggravée avec le déclenchement de la guerre Russie-Ukraine, a eu pour corollaire une inflation inquiétante qui a poussé les banques centrales du monde, et à leur tête la Reserve Federale, à agir avec des conséquences sur les monnaies de nombreux pays africains, dont notamment celles des grandes puissances du continent.
Sous l’effet combiné d’une forte inflation et d’un dollar fortement apprécié à cause du relèvement du taux directeur américain, de nombreux pays africains, dont le Nigeria, l’Egypte, le Ghana, se débattent entre dévaluation et restructuration monétaire, avec comme conséquences de fortes dépréciations de leurs monnaies. Ainsi, certaines monnaies africaines ont perdu plus de la moitié de leur valeur vis-à-vis du dollar. C’est le cas notamment du naira nigérian, de la livre égyptienne, du cédi ghanéen…
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En dépit de cette situation, sur le continent africain, certaines monnaies, sous l’effet de plusieurs facteurs dont les politiques de pilotage menées par les banques centrales (fixation des taux d’intérêt, gestion de la masse monétaire, régulation du système financier…), l’ancrage de ces monnaies à des devises fortes (euro, dollar,…) et le dynamisme de ces économies soutenue parfois par le bon comportement de certains de leurs secteurs d’activité ont contribué à assurer un taux de change relativement fort vis-à-vis du dollar.
Les données de Google Finance et Forbes Currency Converter reprises par Business Insider donnent une idée de la variation du taux de change des différentes monnaies africaines vis-à-vis du dollar, principale devise de facturation et première devise de réserves de changes ds banques centrales.
Des billets de dinars tunisiens.. DR
Parmi les monnaies les plus fortes du continent, en tenant compte de l’argument du taux de change vis-à-vis du dollar, figurent le dinar tunisien, le dinar libyen, le dirham marocain, le cedi ghanéen, la roupie seychelloise, le pula botswanais…
Le dinar tunisien
Le dinar tunisien a volé la vedette au dinar libyen en devenant la monnaie la plus forte du continent. En effet, 1 dollar américain s’est échangé contre 3,13 dinars tunisien, le 12 février. La force de la monnaie tunisien, lancée en 1960 pour remplacer le franc, réside plutôt dans l’effet de la politique monétaire mise en place que dans la santé de l’économie tunisienne.
Cette politique fondée sur l’interdiction d’importer ou d’exporter des dinars ou de les convertir en une autre devise, a permis au dinar tunisien d’afficher sa robustesse face au dollar. A cela s’ajoute la politique du pays axée sur les exportations qui représentent une part importante du PIB du pays. En effet, la Tunisie est une petite économie dont les échanges sont tournés essentiellement vers l’Europe avec laquelle elle entretient 80% de ses échanges extérieurs.
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La Tunisie a opté depuis l’an 2000 pour un flottement «encadré», voire même dirigé, en tant qu’étape intermédiaire qui devrait déboucher sur l’objectif de convertibilité total du dinar et une parfaite mobilité du capital.
Le rôle de la Banque centrale de Tunisie (BCT) a été très important dans le maintien de la valeur du dinar. Cette politique monétaire est caractérisée par un régime de change encadré dont l’objectif intermédiaire est un ajustement du taux de change du dinar par rapport à un panier de devises dominé par l’euro. Cette situation fait que le dinar reste robuste vis-à-vis du dollar, en dépit de la situation économique difficile que traverse l’économie tunisienne.
Le dinar libyen
Longtemps, la monnaie la plus forte du continent, le dinar libyen, en vigueur depuis 1971, repose notamment sur les importantes recettes tirées des ressources d’hydrocarbures qui assurent à la Libye de colossales réserves de change et qui constituent le socle de la solidité de sa monnaie. En conséquence de quoi, toute fluctuation du marché pétrolier mondial peut avoir un impact sur la valeur des recettes pétrolières et donc sur la valeur du dinar libyen. A la date du 12 février 2024, 1 dollar américain se négociait contre 4,83 dinars libyens.
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Outre ces réserves, la solidité du dinar libyen tient aussi et surtout de la politique monétaire stricte mise en place par la banque centrale libyenne qui n’autorise qu’une vente très limitée de dollars à ses citoyens. Concernant la politique de taux de change, la Libye dispose d’un système de taux de changé géré, c’est-à-dire que la banque centrale de Libye fixe le taux de change du dinar libyen.
Toutefois, l’instabilité politique, l’inflation, la politique du taux de change, les fluctuations du cours du pétrole et ses effets sur les réserves de change impactent le cours de change de la monnaie libyenne.
A noter que le dinar libyen a perdu un peu de sa superbe à cause de la crise que traverse le pays depuis 2011 qui a eu des impacts négatifs sur les exportations de pétrole et donc sur les réserves de change.
A noter qu’avant la dévaluation du 8 janvier 2021, la parité entre le dinar libyen et le dollar américain était de 1,32 dinar pour 1 dollar. Après la dévaluation, on est passé à 4,42 dinars pour le même dollar.
Le dirham marocain
Le dirham marocain est l’une des monnaies africaines qui affiche la plus forte résilience vis-à-vis du billet vert. Au-delà de la solidité et de la stabilité des grandeurs macroéconomiques et du secteur exportateur de plus en plus diversifié (automobile, phosphates, agroalimentaire, aéronautique, offshoring…), la solidité du dirham tient de la politique monétaire édictée par Bank Al-Maghrib.
Ayant pour mission fondamentale la stabilité des prix intérieurs, le pilotage de la politique monétaire a permis au dirham d’atténuer les fluctuations vis-à-vis du dollars. Cela s’explique avant tout par l’ancrage de la monnaie marocaine à un panier de monnaies comprenant les deux importantes devises mondiales: le dollar et l’euro.
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Le dirham marocain est ancré à un panier comprenant l’euro, monnaie du principal partenaire économique du royaume à hauteur de 60%, et le dollar, principale monnaie de facturation des échanges du royaume, à hauteur de 40%. Ainsi, la valeur du dirham est calculée tous les jours en se basant sur la valeur de l’euro et celle du dollar.
Avec ce panier, c’est Bank Al-Maghrib qui fixe en réalité la valeur du dirham, avec la possibilité de limiter les variations dans une fourchette de 5% à la hausse comme à la baisse. Le choix des deux grandes devises du monde joue un rôle de vases communicants: l’appréciation de l’une compense, en quelque sorte, la dépréciation de l’autre.
Les fondamentaux de l’économie marocaine, le niveau des réserves de change, l’ancrage du dirham et le pilotage de la politique monétaire expliquent la stabilité du dirham vis-à-vis du dollar. Au 12 février 2024, 1 dollar se négociait contre 10 dirhams.
Le cédi du Ghana
Le cedi ghanéen tient sa force des fondamentaux économiques du pays. Le programme de dépenses du gouvernement, la politique budgétaire et surtout la croissance du PIB au cours des années précédant la crise du Covid-19 ont impacté positivement la valeur de la monnaie ghanéenne.
Cependant, le cédi a perdu fortement de sa valeur en raison du Covid et surtout de la guerre de Russie. Le Ghana ayant une économie fortement dépendante des importations, le cedi a été malmené par la flambée des prix à l’international et son impact sur la balance commerciale et l’inflation locale, la chute des réserves de change du pays… Pour faire face à cette situation, les autorités monétaires de la Banque centrale du Ghana ont été obligées de revoir leur politique monétaire en rehaussant à plusieurs reprises le taux directeur.
La forte poussée inflationniste (un taux d’inflation de 23,50% en janvier en glissement annuel) dans un contexte de forte baisse des réserves de change a contribué à déprécier le cédi. Une situation accélérée par la fuite des investissements de portefeuille et la perte de confiance des investisseurs pour une économie jusqu’alors considérée comme l’une des plus solides du continent. Ainsi, alors qu’il fallait seulement 6 cédi pour 1 dollar le 1er janvier 2022, il en fallait 12,39 pour le même dollar le 12 février courant, soit une chute de 106,5%.
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Nonobstant, le cédi ghanéen demeure l’une des monnaies les plus fortes du continent, tenant compte du critère du taux de change vis-à-vis du dollar. Toutefois, l’économie est fortement ébranlée et cela a impacté et continuera d’impacter négativement le cedi. Au rythme de la dépréciation de la monnaie ghanéenne, celle-ci risque de perdre rapidement sa place au profit d’autres monnaies.
La roupie seychelloise
La roupie seychelloise est la monnaie officielle des Seychelles depuis 1914, en remplaçant la roupie mauricienne, en circulation depuis 1877. La monnaie tire sa solidité de la politique monétaire stricte, de l’économie du marché, de la diversification de l’économie (tourisme, agriculture, pêche…), avec la prédominance du tourisme. Ce secteur représente 30% du PIB et est à la base de la création de nombreux emplois.
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Le pays affiche le PIB par habitant le plus élevé du continent africain. Les arrivées de touristes dépassent largement la population du pays estimée à un peu plus de 100.000 âmes. En 2023, un total de 350.879 touristes ont visité l’archipel, soit plus de 3,5 fois la population du pays, générant d’importantes recettes avec un impact positif sur les réserves de change du pays.
Cela contribue à faire de la roupie seychelloise l’une des monnaies les plus fortes du continent en partant de son taux de change vis-à-vis du dollar. A la date du 12 février 2024, le taux de change était de 1 dollar pour 13,48 roupies.
Enfin, il faut souligner que la livre égyptienne et le naira nigérian, qui figuraient parmi les monnaies les plus fortes d’Afrique, ne font plus partie de cette catégorie à cause de leurs nombreuses dévaluations au cours de ces deux dernières années.