Ce dimanche 10 octobre, au moins une dizaine de sculpteurs sont présents. Ils viennent de réceptionner de la pierre venue tout droit du village de Mbigou, situé à 800 km de Libreville. Les mains expertes s'activent et, aussitôt, les blocs de stéatite, avec leur gris et vert caractéristiques, sont débités en morceaux plus petits pour devenir ensuite des statuettes ou des bustes ou des têtes stylisées. On est à la coopérative "Pierre de Mbigou" qui regroupe, dans la capitale gabonaise, plusieurs artisans qui exploitent avec finesse ce matériau.
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Pour ses qualités exceptionnelles, notamment son caractère tendre et modelable, la pierre de Mbigou sert de matière première, depuis plusieurs générations, à de nombreux artistes sculpteurs.
Franck Benang, qui s'active depuis longtemps dans ce secteur, est le guide du jour pour faire découvrir la galerie de la coopérative "Pierre de Mbigou" qui regroupe plusieurs sculpteurs. "C'est ici que nous exposons nos produits après les avoir travaillés. Comme vous pouvez le voir, tout part de la carte du Gabon pour situer le visiteur, en passant par des sculptures qui représentent la femme africaine et de tout le continent", affirme-t-il
Selon les artisans de cette coopérative, il est difficile de dire avec exactitude l’année de la découverte de ce matériau qui est désormais labélisé sous le nom de «Pierre de Mbigou». Cependant, ils sont presqu'unanimes qu’elle fut mise en valeur par Moulaloukou, un chasseur-artisan de cette lointaine localité éponyme, une commune rurale de la province de la Ngounié (Sud du Gabon). Il aurait fait sa découverte lors d’une partie de chasse.
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Les oeuvres exceptionnelles seules ne suffisent pas pour raconter l'origine de la pierre de Mbigou.
Il y a aussi la belle histoire que racontent ces professionnels de la taille. C’est en essayant de donner une forme à la pierre qu’il venait de ramasser que le sieur Malaloukou, un artisan et chasseur à ses heures perdues, va réaliser qu’elle parvient à épouser les traits qu’il lui donnait. Il va ainsi décider d’en prendre plus. De retour au village, il va remplacer la sculpture sur bois, sa spécialité, par celle de la pierre. Une histoire que les témoins de l'époque situent autour des années 1950. Le génie de la sculpture s'est donc transmis de génération en génération.
Les thèmes qui inspirent ces artisans sont aussi nombreux que variés. Les objets sculptés représentent tantôt les humains tantôt les animaux et quelquefois des objets inanimés. "La représentation de la pièce que je taille en ce moment caractérise l'union qui est une vertu de nos sociétés. Je ne saurai vous dire d'où me vient l'inspiration; elle vient seule", explique Franck l'un des sculpteurs sur pierre.
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A Libreville, il est possible d'acheter des statuettes en pierre de Mbigou au village d'Alibandeng au nord de la capitale.
Mais, avec la crise sanitaire qui secoue le pays depuis près de deux ans, le marché de l'artisanat local se porte mal. "Ces derniers temps c'est plus compliqué pour nous de vivre de notre art à cause de la pandémie. Nous fonctionnons à l'aide des clients expatriés. Surtout les vacanciers et les touristes, ils nous permettent de mieux écouler nos oeuvres". Mais, Evariste Lomba, membre de la coopérative des sculpteurs de la pierre de Mbigou, explique que cette clientèle devient de plus en plus rare.
A cette difficulté, il faut ajouter la concurrence déloyale à laquelle font face les sculpteurs du village d'Alibadeng. Car les revendeurs d'oeuvres d'art ayant des magasins au centre-ville de la capitale gabonaise, sont plus accessibles.