La goutte d’eau qui a fait déborder le vase est tombée le 28 mai, lorsqu’au cours d’un meeting, le président Condé s’insurge contre certains cadres malinkés -groupe ethnique de la Haute-Guinée, qui constitue la majorité des militants de son parti le Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG Arc-en-ciel)-.Il reproche vertement à ces cadres de réclamer beaucoup au nom de leur communauté, alors qu’ils l’ont combattu sous le régime de Lansana Conté, l’empêchant ainsi à arriver au pouvoir.Dans les jours qui suivent, le discours provoque une onde de choc au sein de la communauté Malinké. Se sentant touchés dans leur honneur et leur dignité, les députés Ousmane Kaba (président de la commission des finances à l’Assemblée nationale), Mamady Diawara et Sékou Savané, tous des élus de la majorité présidentielle et appartenant à cette communauté, décident de recadrer le débat.Ainsi, dans une lettre ouverte datée du 1er juin, ils rappellent au Président Alpha Condé, que durant sa longue lutte pour l'instauration de la démocratie plurielle en Guinée, beaucoup de guinéens, mais surtout de sa base politique en Haute-Guinée ont enduré la prison, les brutalités, la perte de leurs biens et des vies humaines. «Nous pensons que les discours de haine et de division ne doivent pas être tenus par les hommes politiques. Ce discours est d'autant plus inapproprié qu'il s'adresse à une communauté dont les valeurs cardinales sont le courage, l’honnêteté et la fidélité à la parole donnée», signifient-ils au Chef de l’Etat.Ils indiquent dans leur courrier qu'aucune communauté guinéenne ne doit être victime de stigmatisation. Chose qui pourrait, préviennent-t-ils, être source de discrimination et de conflits. «Les intellectuels guinéens se doivent de cimenter cette unité et non de mettre les différentes communautés dos à dos», enseignent-ils.Le RPG Arc-en-ciel ne tardera pas à réagir à la suite de cette réaction. Le samedi 11 juin, le parti décide de l’exclusion des initiateurs de cette missive jugée «audacieuse» et «déplacée» vis-à-vis de la personne du Président de la République.
Les députés Ousmane Kaba et Mamady Diawara, tous signataires de la lettre, sont ainsi exclus.Par ailleurs, Alhousseiny Makanéra Kaké, ancien ministre de la communication qui a regagné les rangs de l’opposition depuis son limogeage du gouvernement en janvier, est aussi purement et simplement extirpé de la formation pour ses critiques acerbes à l’encontre du président.Enfin, un troisième député de la mouvance présidentielle, Sékou Savané, est quant à lui sommé de fournir des explications sur ses motivations et son implication dans la rédaction de la lettre ouverte.Le moins que l’on puisse dire est que le divorce semble consommé. Car les intéressés disent avoir pris acte de la décision. Certains l’ont même salué à l’image de l’ancien ministre de la communication qui estime que l’idéal qui prévalait avant la création du RPG Arc-en-ciel n’a pas été atteint. «On a voulu un parti à l’image de l’ANC de l’Afrique du Sud, mais nous avons échoué», déplore-t-il.L’autre député Mamady Diawara juge son exclusion de «non-événement». «Le RPG-Arc-en-ciel n’existe que de nom. Il se résume à une seule personne : le président de la République. Je l’assume avec plaisir et avec responsabilité», dit-il.De l’avis de certains observateurs, ces successions de propos discourtois et ces exclusions en cascades ne sont pas fortuits. Elles dénotent du climat de tension qui règne au sein du parti dans la perspective de 2020, marquant la fin du second et dernier mandat de Condé.