Le capitaine Camara, éphémère et extravagant président autoproclamé, et une dizaine d'autres anciens officiels militaires et gouvernementaux répondront d'une litanie d'assassinats, violences sexuelles, enlèvements, incendies, pillages, des qualifications ne rendant pas compte des abominations commises il y a 13 ans.
Ce jour-là, les Bérets rouges de la garde présidentielle, des policiers, gendarmes et miliciens ont fait couler un bain de sang avec une cruauté effrénée et une froideur inhumaine lors du rassemblement de dizaines de milliers de sympathisants de l'opposition, réunis dans un stade de la banlieue de Conakry pour démontrer pacifiquement leur force et dissuader Camara de se présenter à la présidentielle de janvier 2010.
Une multitude de témoignages rapportent comment les Bérets rouges sont entrés dans l'enceinte, en ont bouclé les accès et ont ouvert le feu sans discrimination sur une foule festive et désarmée.
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Les hommes ont poursuivi leur besogne au couteau, à la machette et à la baïonnette, jonchant de cadavres la pelouse, les travées et les couloirs à l'intérieur du stade et à l'extérieur. Ils ont abusé de dizaines de femmes et achevé nombre d'entre elles.
Les exactions ont continué les jours d'après, contre des femmes séquestrées et des détenus torturés.
Ces jours-là, au moins 156 personnes ont été tuées et des centaines blessées, au moins 109 femmes ont été violées, selon le rapport d'une commission d'enquête internationale mandatée par l'ONU.
"Honneur"
Les chiffres réels sont probablement plus élevés. Les actes commis sont constitutifs de crimes contre l'humanité, a conclu la commission trois mois après les faits.
La commission impute au capitaine Camara une "responsabilité criminelle personnelle et une responsabilité de commandement". Les officiers et les unités impliqués répondaient à son commandement. Qu'il ait ou non donné l'ordre de perpétrer les crimes, il n'a rien fait pour les empêcher.
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Porté au pouvoir par un coup d'Etat neuf mois auparavant, écarté quelques mois après le massacre, exilé depuis au Burkina Faso, il a pour la première fois dormi en prison.
La justice a ordonné mardi son placement en détention ainsi que celui de ses co-accusés encore libres. Ils pourraient y rester jusqu'à la fin du procès, d'une durée indéterminée, a dit un de leurs avocats.
Le capitaine Camara, 58 ans aujourd'hui, est rentré dans la nuit de samedi à dimanche à Conakry pour participer à son procès et, selon ses proches, "laver son honneur".
Dans le box doivent aussi prendre place, parmi les principaux accusés, le lieutenant Aboubacar Sidiki Diakité, alias Toumba, aide de camp de Dadis Camara; le commandant Moussa Thiéboro Camara, une des figures de la junte, tous deux présents au stade selon les témoins; l'officier Claude Pivi, un proche de Dadis Camara et un des commandants de la garde présidentielle; et le colonel Abdoulaye Chérif Diaby, ancien ministre de la Santé.
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Ce dernier est soupçonné d'avoir fait en sorte que les blessés soient privés de soins et d'avoir participé à l'entreprise à grande échelle consistant à escamoter les corps et dissimuler les preuves.
Pour voir leurs visages, les victimes devraient se presser devant le nouveau tribunal construit exprès dans le centre de Conakry et à peine achevé.
"Boussole"
Les atermoiements du pouvoir et l'impunité érigée en "institution", selon la commission internationale, de forces de sécurité quasiment intouchables dans un pays dirigé pendant des décennies par des régimes autoritaires ont longtemps fait douter de la tenue du procès.
Les organisations de victimes, les défenseurs des droits humains et la Cour pénale internationale ont maintenu la pression sur les autorités pour que ce jour arrive. Karim Khan, procureur de la CPI, institution susceptible de se substituer à l'Etat guinéen si celui-ci manquait à rendre justice, est attendu à l'ouverture.
Le manque de volonté politique et l'apparente crainte de ranimer de vieux démons dans un pays à l'histoire politique troublée ont été mis en cause. Des accusés ont occupé des postes élevés sous la présidence Condé (2010-2021).
C'est finalement sous un nouveau chef de junte que doit se tenir le procès, érigé en marqueur de la lutte contre l'impunité.
Le colonel Mamady Doumbouya a demandé que le procès ait lieu cette année avant la date anniversaire. Arrivé au pouvoir par un putsch en 2021, il a proclamé faire de la justice sa "boussole".
Les défenseurs des droits font cependant observer que les derniers mois ont vu les nouvelles autorités donner un sévère tour de vis aux libertés. Et ils réclament que le procès ne soit pas un faux-semblant.