Un député de l’opposition guinéenne menacé de perdre son immunité parlementaire

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Le 08/03/2016 à 19h50

Le ministre guinéen de la Justice a sommé lundi un député de l’opposition guinéenne de ne plus critiquer une décision de Justice risque de voir sauter son immunité parlementaire.

Ousmane Gaoual Diallo, député uninominal de la préfecture de Gaoual (nord-ouest) pour l’UFDG, principal parti de l’opposition en Guinée, a été sommé de se taire. Très connu pour ses critiques acerbes vis-à-vis du pouvoir, le jeune député a été rappelé à l’ordre par le Garde des sceaux pour des propos que celui-ci juge contraires à l’esprit de la séparation des pouvoirs entre le législatif et le judiciaire.Tout est parti d’un commentaire de l’élu après la sortie de prison la semaine dernière de six officiers de l’armée incarcérés depuis quatre ans, après l’attaque armée contre une résidence du président de la République.Condamnés par le tribunal militaire de Conakry à quatre ans de prison et au paiement d’un franc symbolique à titre de dommages et intérêts, les accusés ont immédiatement recouvré la liberté dès l’annonce du verdict.Ce qui a provoqué l’ire du parlementaire. Il a estimé que ce verdict faisait «la honte» de la Guinée et que la Justice de son pays a suivi des injonctions politiques.Le député Ousmane Gaoual Diallo a aussi reproché au Garde des sceaux de s’occuper des choses de moindre importance pendant que la réforme du secteur de la Justice se fait attendre. «La justice guinéenne fait honte à tous les Guinéens qui pensent et qui agissent pour relever l’honneur de ce pays», a-t-il affirmé par voie de presse, déplorant «une catastrophe».Pour le ministre de la Justice, le représentant du peuple a poussé le bouchon un peu trop loin. Dans un droit de réponse qui fuse comme une mise en garde, rendu public ce 7 mars, Me Cheick Sacko, rappelle que Diallo peut jeter l’opprobre sur la Justice guinéenne. Mais en s’attaquant publiquement et par voie de presse à une décision de justice, il sort de son rôle d’élu du peuple et enfreint à la séparation des pouvoirs entre le législatif et le judiciaire.Le ministre estime que les militaires condamnés ont le droit de faire appel du jugement devant d’autres instances, y compris la Cour de Justice de la CEDEAO.Enfin, il dit se réserver la possibilité de saisir le bureau de l’Assemblée nationale pour demander la levée de l’immunité parlementaire de l’élu «s’il continue à attaquer publiquement et par voie de presse les décisions de Justice».Ce n’est pas la première fois que le volubile député de Gaoual a des démêlés avec la Justice de son pays. En août 2015 il avait été condamné à 18 mois de prison avec sursis pour coups et blessures sur un homme d’affaires guinéen.Le ministre de la Justice brandit d’ailleurs cette peine avec sursis et rappelle qu’en cas de récidive, il n’échappera pas cette fois à une peine de prison ferme.

Par Ougna Elie Camara (Conakry, correspondance)
Le 08/03/2016 à 19h50