L’Europe, constituée de grands pays ayant un passé colonial en Afrique, continue de perdre du terrain sur le continent au profit de la Chine, de la Russie et de la Turquie. Trois grands pays qui ont réalisé de grandes percées en Afrique au cours de ces dernières années et qui affichent leurs ambitions au moment où les relations Europe-Afrique semblent souffrir de plus en plus du poids de l’histoire, mais aussi des relations politiques et économiques de plus en plus décriées.
C’est dans ce contexte qu’après les sommets Russie-Afrique en 2019, Chine-Afrique à Dakar, en novembre dernier, et plus récemment Turquie-Afrique, les 17 et 18 décembre courant, l’Union européenne se prépare, elle aussi, à recevoir les 54 pays de l’Union africaine lors d’un sommet prévu les 17 et 18 février 2022, à Bruxelles, dans le but de donner un nouvel élan aux relations Union européenne-Afrique. «la relation Union européenne-Afrique est une priorité clé. La Belgique et l’UE sont déterminées à porter notre partenariat au niveau supérieur», a ainsi souligné, dans un tweet, Sophie Wilmes, cheffe de la diplomatie belge, après s’être entretenue avec Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’Union africaine.
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Ce sommet, qui était prévu en 2020, avant d’être repoussé en 2022 en raison de la pandémie du Covid-19, devrait marquer l’adoption d’une nouvelle stratégie entre l’Afrique et d’Europe en s’affranchissant notamment de la relation donateur-bénéficiaire.
Pour l’Europe, cette rencontre cruciale devrait permettre à «définir les priorités clés pour les années à venir et pourrait fournir les orientations stratégiques et politiques pour les relations entre les deux continents». Ainsi, au même titre que la Chine, les pays européens comptent annoncer des projets d’investissements au niveau du continent.
Et pour bien préparer ce sommet, les dirigeants européens ont multiplié les rencontres avec trois chefs d’Etat africains: le Congolais Felix Tshisekedi, président en exercice de l’Union africaine, le président sénégalais Macky Sall, qui assurera la présidence tournante de l’Union africaine pour 2022-2023 et le Rwandais Paul Kagamé, président du Rwanda, en charge des réformes de l’Union africaine et l’un des dirigeants les plus écoutés du continent et qui a longtemps présidé l’agence du NEPAD (Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique). Et pour la partie européenne, ce sommet vise à «renouveler en profondeur le partenariat entre les deux continents en faveur de la stabilité et de la prospérité».
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Ces trois chefs d’Etat ont été reçus le 19 décembre par Charles Michel, président du Conseil européen. Ensuite, Paul Kagame a été reçu par le président français Emmanuel Macron qui s’est aussi entretenu au téléphone avec le président sénégalais Macky Sall.
Avec ces entretiens, les dirigeants européens auront une idée claire des attentes des dirigeants africains de ce sommet crucial pour ouvrir de nouvelles relations entre les deux continents.
L’objectif de ce sommet est d’aider à «définir les priorités clés pour les années à venir et pourrait fournir les orientations stratégiques et politiques pour les relations entre les deux continents», a tenu à souligner Charles Michel, ajoutant que «l’Union européenne est désireuse d’apporter son soutien aux solutions africaines aux défis africains. Cela inclut le développement social et humain, la santé, l’éducation, la transition verte et l’accès à l’énergie durable, la transformation numérique et la création d’emplois».
Il a aussi expliqué que l’aide au développement de l’Union européenne sera utilisée comme levier pour attirer les investissements du secteur privé dans le but «de générer le fonds nécessaires pour soutenir des initiatives dans les infrastructures et les technologies vertes, essentielles à la transition écologique et à la transformation des économies africaines».
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A ce titre, en début du mois, le président français avait appelé à «refonder un New deal, économique et financier avec l’Afrique», en rappelant «qu’entre 2020 et 2025, il y a 300 milliards d’euros de besoins de financement pour les économies africaines, car elles ont des conséquences économiques et financières du Covid-19 à gérer».
Déjà, en 2017, Antonio Tajani, l'ex-président du Parlement européen, avait appelé, à Tunis, à un «Plan Marshall» de 40 milliards d’euros pour l’Afrique en soulignant qu’«avec 40 milliards d’euros et une action encore plus forte de la Banque européenne d’investissement (BEI), il est tout à fait possible de changer le destin de l’Afrique», en évoquant un «effet levier de 400 milliards d’euros pour le développement» du continent.
Seulement, si les Européens restent sur des généralités et des annonces sans lendemains à l'égard de l'Afrique, les autres partenaires, notamment chinois et turcs, sont plus pragmatiques et vont à l’essentiel, tout en n'ayant pas le fardeau de l’histoire de leurs relations avec le continent.
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En clair, les deux parties essayent de tracer les lignes directrices de leurs coopérations futures dans un contexte marqué par la concurrence accrue des trois aux grands pays qui réalisent des percées indéniables en Afrique au détriment des pays et entreprises européens qui continuent de perdre du terrain au niveau du continent.
Reste à savoir si cette rencontre sera à même de redonner de la vigueur aux relations Union européenne-Afrique, notamment au niveau du volet économique. En effet, les pays africains sont aujourd’hui engagés dans des politiques de diversification de leurs partenaires économiques. Et, à ce titre, la Chine, qui a acquis le statut de seconde puissance économique mondiale, est devenue incontournable.
Elle est devenue le premier partenaire économique du continent. Rien que durant les neuf premiers mois de l’année, ces échanges commerciaux avec le continent se sont établis à 185,2 milliards de dollars, ce qui fait d’elle, pour la 12e année consécutive, le premier partenaire commercial de l’Afrique. Et les entreprises chinoises y gagnent aussi de plus en plus de marchés, notamment dans les infrastructures, au détriment des entreprises européennes. Durant les neuf premiers mois de l’année en cours, les entreprises chinoises ont enregistré 53,5 milliards de dollars de nouveaux contrats. Le fait que la Chine soit devenue le principal financier et créancier du continent y est pour quelque chose.
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Quant à la Turquie, au niveau des infrastructures, après les entreprises chinoises du BTP, ce sont les entreprises turques qui prennent position un peu partout en Afrique. Rönesans Holding, Groupe Limak, Tekfen Holding, TAV Construction, Yapi Merkezi, Ant Yapi et Enka sont très présents sur le continent et y gagnant de plus en plus de marchés et de visibilité, au détriment des entreprises françaises. Et ce, même dans les pays jusqu’à présent qualifiés de figurer dans le pré-carré français sont le Sénégal, le Maroc,… Au niveau des échanges commerciaux aussi, les produits turcs alliant un bon rapport qualité prix font une percée indéniable au détriment là aussi des produits européens qui sont globalement chers pour les africains.
Enfin, au niveau politique, si la Chine, la Turquie et la Russie sont peu regardantes sur les volets démocratie et droits de l’homme, les dirigeants africains dénoncent souvent l’ingérence européenne alors que les ONG du continent font état du soutien de certains pays européens à certains dirigeants africains. De plus, durant ces dernières années, les relations entre les deux régions sont empoisonnées aussi par l’épineux problème de la migration.