D’abord, il est nécessaire de relativiser la létalité potentielle du coronavirus SARS-CoV-2 s’il se transmet à l’homme. En effet, si on se base sur les estimations statistiques, comparativement à d’autres d’épidémies, à titre indicatif, le taux de létalité moyen du coronavirus se situe autour de 5,74% dans le monde. On est loin de l’épidémie d’Ebola qui avait fait de très nombreuses victimes dans trois pays de l’Afrique de l’ouest –Guinée, Liberia et Sierra Leone- en 2014-2016, et comparativement, le Covid-19 est loin d’être mortel.
Le taux de létalité moyen d’Ebola est de l’ordre de 50%. Au cours des flambées épidémiologiques précédentes de cette maladie, ces taux ont respectivement atteint des moyennes de l’ordre de 25% à 90%, selon l’OMS. De plus, en Afrique, d’autres maladies comme le paludisme tuent quotidiennement bien plus que le coronavirus. En 2018, le paludisme a fait plus de 405.000 morts en Afrique, dont 5% en Afrique du Nord.
En ce qui concerne l’épidémie du Covid-19, qui entraîne les craintes d’experts et de spécialistes de plusieurs domaines de compétences, un constat est tout de même établi: plus d’un mois après l’enregistrement du premier cas en Afrique, la situation reste globalement maîtrisée.
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Le continent, pris dans sa globalité, compte environ 10.574 cas, à la date d’hier, mardi 7 avril, soit 0,75% des personnes touchées par la pandémie du coronavirus dans le monde. Il faut dire aussi que l’Afrique a été l’un des derniers continents du monde à avoir été touché par la pandémie. Dans beaucoup de pays, les autorités craignent des pics de contagion dans les semaines à venir, en effectuant des comparaisons avec les courbes d’évolution de la pandémie constatées dans d’autres pays déjà très affectés.
Toutefois, même avec ces cas confirmes, et contrairement aux hypothèses et craintes avancées, jusqu’à présent, les pertes en vies humaines liées au coronavirus en Afrique demeurent encore relativement faibles.
Pour 10.574 confirmés sur l’ensemble du continent, l’Afrique compte 526 décès, selon les données des autorités et des institutions spécialisées, soit un taux de létalité de l’ordre de 5%. Un niveau plus bas que la moyenne mondiale, de l’ordre de 5,74%.
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Toutefois, de grandes disparités sont constatées entre le taux de létalité du Covid-19 des différents pays d’Afrique du Nord, y compris en Egypte, et l’ensemble du continent. En effet, avec 399 décès pour 4.717 cas confirmés, l’Afrique du Nord –Maroc, Algérie Tunisie, Libye et Egypte- affiche un taux de létalité moyen de l’ordre de 8,46%, largement supérieur à la moyenne africaine (de l’ordre de 5%) et mondiale (de l’ordre de 5,74%). L'Algéri affiche un taux de létalité de 13,15%, l'un des plus élevés au monde, devant l'Italie (12,63%) et l'Espagne (9,92%). Le Maroc et l'Egypte affichent des taux de mortalité liés au Covid-19 respectifs de 7,60% et 6,48%.
Ces cinq pays représentent à eux seuls plus de 75% des décès liés au coronavirus en Afrique. En Afrique du Nord, le pays qui affiche le plus de décès est l’Algérie avec 193 décès liés au coronavirus, suivi de l’Egypte (94 décès), le Maroc (90 décès) et la Tunisie (22 décès).
En revanche, dans d’autres pays du continent, le Covid-19 tue beaucoup moins. En effet, un bilan y fait état de 131 décès liés au coronavirus. Le taux de létalité s’y situe à 2,24%, et, de ce fait, de moins de la moitié de la moyenne mondiale. De plus, de nombreux pays où des cas de Covid-19 ont été annoncés, ont un taux de létalité très bas. C’est ainsi le cas, par exemple, de l’Afrique du Sud (un taux de létalité de 0,74%, avec 13 décès pour 1.749 cas), du Sénégal (un taux de 0,84% avec 2 décès pour 237 cas), du Cameroun (un taux de 1,37% pour 658 cas et 9 décès), du Ghana, dont le taux de létalité est de 1,74% avec 5 décès liés au Covid-19 pour 287 cas.
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Globalement, la létalité du Covid-19 n’est actuellement pas inquiétante, et encore moins alarmante, sur le continent africain pris dans son ensemble. Pourtant, les pires craintes ont été énoncées, dont dans les pays dont le taux de létalité est très bas, à cause d’une conjonction de facteurs. En premier lieu, le déficit en infrastructures sanitaires est généralement patent en Afrique, à l’exception de l’Afrique du Sud.
Ainsi, en ce qui concerne la capacité en lits dans les services de réanimation des établissements hospitaliers, de nombreux pays du continent n’en ont pas plus de 200. Le Burkina Faso, l’un des pays les plus touchés de l’Afrique de l’Ouest, n’en compte qu’une vingtaine, pour 19 millions d’habitants, alors que le Maroc en compte environ 3.000. Ensuite, au tout début du déclenchement de cette pandémie, seuls deux pays du continent –l’Afrique du Sud et le Sénégal- disposaient de kits, et étaient à même d’effectuer des tests du Covid-19.
En plus de cette faiblesse en infrastructures hospitalières, certains spécialistes, inquiets, et n’avaient pas hésité à évoquer la perspectives d’«hécatombes» liées à la propagation du coronavirus en Afrique, à cause du fait que les habitants de certains pays du continent risquaient des complications liées à la maladie, à cause de leur système immunitaire déjà fragilisé à cause d’autres maladies, telles le VIH-Sida, la tuberculose ou encore le paludisme.
L’Afrique du Sud, ou encore le Malawi, figurent parmi ces pays. Les habitants d’autres pays d’Afrique, qui traversent actuellement une période d’instabilités politiques ou sont confrontés au terrorisme, pourraient souffrir de la pandémie.
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S’il est encore tôt pour tirer des conclusions définitives, il est toutefois d’ores et déjà possible d’avancer que la létalité du Covid-19 n’est, pour le moment, pas alarmante en Afrique, particulièrement en Afrique au sud du Sahara, comparativement aux pays d'Afrique du Nord.
Comment expliquer cela? Il faudra encore du temps et prendre du recul pour se faire une idée précise de la létalité réelle de cette pandémie en Afrique, surtout si le nombre de morts augmente sensiblement.
Toutefois, plusieurs hypothèses sont déjà actuellement avancées pour expliquer cette faible mortalité en Afrique au sud du Sahara.
D’abord, celle de l’effet du climat, actuellement globalement chaud dans de nombreux pays du continent, notamment en Afrique subsaharienne, ce qui ne favorise pas la propagation du virus et atténue ses effets.
Autre hypothèse qui prévaut, celle que l’usage répandu de médicaments à base de chloroquine sur le continent, soit l’un des remèdes qui offre actuellement le plus de résultats pour le traitement du Covid-19, a eu pour effet d’immuniser davantage les populations du continent qui en ont le plus fait usage, dans le traitement du paludisme, une maladie très répandue en Afrique.
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Enfin, d’autres avancent l'hypothèse de l’existence de deux souches du virus Sars-cov-2, responsable du Covid-19, dont l’une est plus virulente que l’autre.
Toutefois, en dépit de la faible létalité actuellement constatée, la vigilance doit rester de mise. La propagation du coronavirus pourrait, à tout moment, devenir incontrôlable, particulièrement à cause des insuffisances en infrastructures sanitaires à même d’accueillir les patients, surtout ceux dont les cas se seraient aggravés. Des pays aux économies développées, comme la France, l’Espagne, l’Italie ou même les Etats-Unis sont aujourd’hui dépassés par la pandémie qui a mis à nu certaines des carences dont souffre leur système sanitaire. Qu’en serait-il alors en Afrique?