La Taxe Kaberuka qui doit contribuer au financement du budget de l’Union africaine sera au cœur du sommet extraordinaire de l’Union africaine de Kigali, qui aura lieu le 21 mars courant. Elle figure parmi les points à l’ordre du jour, selon le Président du Conseil de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, à côté de la Zone de libre-échange continentale (ZLEC). Objectif, dépasser les différends nés de cette taxe entre les pays du continent.
Pour rappel, cette taxe de 0,2% sur les importations de produits non-africains des pays membres vise à contribuer au financement de l’UA pour la rendre moins dépendante des donateurs étrangers qui assurent encore environ 75% de son budget. Cette taxe devrait générer 1,2 milliard de dollars en 2017, selon les estimations.
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Mais cette taxe est loin de faire l’unanimité. En effet, lors du dernier sommet de l’Union africaine de janvier dernier, seulement 20 pays avaient donné leur accord de principe. Certains d’entre eux avaient même commencé à collecter la taxe et la déposer dans un compte au profit de l’Union africaine, alors que d’autres pays, et non des moindres, font encore de la résistance. Parmi ceux-ci figurent trois gros contributeurs au budget de l’Union africaine: Afrique du Sud, Egypte et Angola.
Ces pays ne souhaitent pas contrarier leurs partenaires commerciaux étrangers et expliquent que la mise en place de cette taxe pourrait même entraîner des hausses des prix de certains produits de consommation interne. Ils avancent aussi des problèmes techniques et juridiques qui s’opposent à la mise en place de cette taxe.
Toutefois, ces raisons ne sont pas les seules à expliquer leur réticence. En taxant les importations non africaines, ces pays se retrouvent avec des contributions colossales. Ainsi, l’Afrique du Sud et l’Egypte qui assuraient chacune 20,4 millions de dollars par an au budget de l’Union africaine devront, avec la nouvelle taxe, payer beaucoup plus.
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Pour l’Afrique du Sud, qui a importé 91,58 milliards de dollars en 2016, en tenant compte des importations venant d’autres pays africains et des produits importés hors du continent mais non concernés par cette taxe, et qui peuvent être évaluées à hauteur de 20% au maximum des importations sud-africaines, avec la taxe Kaberuka, le pays devrait s’acquitter d'une contribution de plus de 145 millions de dollars, contre 20,4 millions de dollars actuellement, soit un différentiel d’environ 125 millions de dollars.
De son côté, l’Egypte, en appliquant le même procédé, avec une facture des importations de 56 milliards de dollars (2016), hors importations d’origine d’autres pays africains et produits exclus de cette taxe, verra sa cotisation s’établir à plus de 88 millions de dollars, soit un surplus de plus de 67 millions de dollars.
Il en est de même pour l’Angola, dont la cotisation passera à 30 millions de dollars, contre 13,6 millions de dollars actuellement, soit une augmentation d’environ 17 millions de dollars.
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En clair, cette taxe tend à faire exploser les contributions de certains pays, gros importateurs de biens hors du continent. Du coup, il faut trouver un compromis qui permettrait de plafonner le montant de la contribution de chaque membre de l’UA.
D’autres pays soutiennent mordicus cette solution tout en recourant à des parades. C’est le cas de la Côte d‘Ivoire. Afin que cette nouvelle taxe n’impacte pas les produits de grande consommation et ne diminue ses recettes, elle a décidé de prélever les 0,2% de la Taxe Keberuka sur les produits de la taxe prélevée au profit de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).
En effet, l’UEMOA est financée en partie par une taxe de 1% portant sur les importations de chacun des pays membres. Cette taxe rapporte entre 5 et 9 milliards de francs CFA par an à l’UEMOA. Désormais, le cinquième de cette contribution ivoirienne sera reversé à l’Union africaine. Une brèche qui pourra être suivie par d’autres membres de l’UEMOA et qui ne manquera pas de causer un manque à gagner pour cette institution régionale.