En dépit des potentialités énormes présentées par de grands et puissants fleuves (Nil, Congo, Niger, Sénégal, Zambèze, Orange, Oubangui, Okavango, Kasaï, Limpopo, Jubba-Chébéli, Volta, Lomami, Chari…) dont plus de 25 ont une longueur supérieure ou égale à 1.000 kilomètres, le développement de l’hydroélectricité reste faible en Afrique. Les capacités installées sont globalement négligeables, dans presque tous les pays. En tout, le continent cumule une capacité hydroélectrique installée de 38.000 MW, selon les données de l'Association internationale de l'hydroélectricité (IHA), soit autour de 2,8% de la capacité mondiale installée. Les 10 pays les mieux équipés du continent représentent à eux seuls 74% des capacités installées.
L’Ethiopie est le leader incontesté de l’hydroélectricité en Afrique avec une capacité installée atteignant 4.074 MW à fin 2021, grâce notamment aux nombreux barrages hydroélectriques développés et sur lesquels repose la quasi-totalité de l’électricité produite par le pays.
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Le pays devrait rester encore longtemps leader dans le domaine, grâce au Grand barrage de la renaissance éthiopienne (GERD), en cours de construction sur le Nil bleu, l’affluent qui apporte plus de 80% des eaux au fleuve Nil. Avec une capacité de 5.300 MW une fois toutes les turbines du GERD installées et son réservoir de 74 milliards de mètres cubes rempli, l’Ethiopie disposera, avec les autres barrages en cours de construction, d’une capacité hydroélectrique installée de plus de 10.000 MW. A noter que les deux premières turbines du GERD, d’une capacité de 375 MW chacune, ont été installées et la production d’électricité a déjà démarré.
Loin derrière l’Ethiopie vient l’Angola, qui tire aussi une partie non négligeable de sa production d’électricité de l'eau, avec des capacités hydroélectriques installées de 3.836 MW. Le second producteur de pétrole du continent a inauguré en 2017 le barrage de Laùca, l’un des plus grands barrages hydroélectriques d'Afrique, avec une capacité de 2.070 MW. Celui-ci est construit sur le Zambèze, au même titre que les barrages de Cambambe (960 MW) et de Capanda (520 MW).
Les autres pays du top 10 sont l’Afrique du Sud avec 3.600 MW, l’Egypte avec 2.876 MW, la République démocratique du Congo (RDC) avec 2.760 MW, la Zambie avec 2.703 MW, le Mozambique avec 2.216 MW, le Nigeria avec 2.111 MW, le Soudan avec 1.923 MW et le Maroc avec 1.770 MW.
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Parmi ceux-ci, la RDC est le pays qui a le plus grand potentiel de développement de l’énergie hydroélectrique, grâce au fleuve Congo, deuxième plus grand cours d'eau d’Afrique, et son puissant débit. Malheureusement, ce potentiel est sous-exploité. En effet, l’ambitieux projet du barrage Inga III d'une une capacité potentielle de 42.000 MW que les autorités congolaises souhaitent réaliser sur les chutes d’Inga, dans la province du Bas-Congo, devrait permettre l’électrification de toute la sous-région.
Mais sa réalisation, avec toutes les infrastructures connexes (port, unités de production d’hydrogène et d’ammoniac vert…), bute sur le coût pharamineux atteignant 80 milliards de dollars. Le projet est désormais porté par le magnat australien Andrew Forrest et son groupe, Fortescue Metals, et est soutenu par la Banque africaine de développement (BAD), la Banque mondiale, ou encore la Banque européenne d’investissement (BEI). En attendant, malgré son potentiel, la RDC affiche un taux d’électrification d’un peu plus de 10%.
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Ainsi, en dépit des potentialités énormes, le continent africain reste faiblement pourvu en barrages hydroélectriques, ses 10 premiers pays affichant une capacité hydroélectrique installée cumulée de près de 28.000 MW. A titre de comparaison, les capacités additionnelles en énergie hydroélectrique de la Chine en 2021 s’élèvent à 20.840 MW.
Il faut dire que les pays africains n’ont pas beaucoup investi dans l’hydroélectrique au cours de ces dernières années. Pour preuve, en 2021, sur un total de 26.000 MW de capacités hydroélectriques additionnelles installées dans 38 pays dans le monde, seulement 183 MW ont été installés au niveau du continent par trois pays: la Zambie (150 MW), l’Ouganda (24 MW) et le Burundi (9 MW). La situation est d'autant alarmante que plus de 60% de la capacité hydroélectrique du continent a été installée il y a plus de 20 ans.
Pourtant, les potentialités hydroélectriques du continent sont énormes. A titre d’exemple, le fleuve Congo qui figure parmi les fleuves possédant les débits les plus élevés du monde avec 41.200m3/S, le plaçant au second rang mondial derrière le fleuve Amazone (209.103 m/s), peut accueillir plusieurs barrages hydroélectriques de capacités dépassant les 80.000 MW.
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Néanmoins, du côté des perspectives, de grands projets hydroélectriques sont en cours de réalisation ou projetés. Outre le GERD, d’autres barrages sont en cours de finalisation, comme ceux de Kafu Gorge Lower en Zambie (750 MW) dont la première unité de 150 MW a été mise en service en 2021, de Zungeru au Nigeria (700 MW) dont la première unité de 175 MW a été mise en service au premier trimestre 2022, de Stiegler’s Gorge en Tanzanie (2.115 MW), de Gilgel Gibe IV en Ethiopie (2.160 MW), de Batoka Gorge qui sera réalisé sur le Zambèze entre la Zambie et le Zimbabwe (2.400 MW), de Mambila au Nigeria (3.050 MW)...
Bref, l’Afrique possède des ressources renouvelables (solaire, éolien, géothermique et hydroélectrique) exceptionnelles non exploitées, alors qu’elle n’affiche qu’un taux d’électrification d’à peine 56%, grâce notamment aux taux de 100% des pays d’Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie et Egypte). Et ce déficit en électricité est avant tout un problème de stratégies politiques des dirigeants du continent qui manquent de vision et de priorités stratégiques.
Par ailleurs, notons qu’au niveau mondial, la capacité hydroélectrique totale installée a augmenté de 26.840 MW en 2021 pour atteindre 1.360.000 MW.