Entre Nouakchott et Dakar, c'est souvent une relation du type "je t'aime, moi non plus". Les deux partenaires que tout lie sont encore sur le point d'être à couteaux tirés pour une histoire de conférence sur les droits de l'homme en Mauritanie qui non seulement n'a pas été interdite par les autorités sénégalaises, mais qui a été annoncée par l'Agence sénégalaise de Presse. Cela a suscité "un commentaire" de la part de l'Agence mauritanienne de presse. Sachant que les deux organes sont contrôlés par les deux gouvernements respectifs, on peut douter que la réaction de l'AMI ne soit pas le fruit du hasard.
L'Agence mauritanienne d'information a pris le soin de reproduire intégralement sur son site l'objet de "son commentaire", comme elle l'appelle, c'est-à-dire la dépêche de son homologue sénégalaise. Il s'agit de l'annonce de la conférence sur "la démocratie et les droits de l'homme en Mauritanie" qu'organisaient ce jeudi matin trois organisations de défense des droits de l'homme à 10h30. Une rencontre qui a finalement été annulée à la demande de Biram Dah ould Abeid, président de l'Initiatuve pour la résurgence du mouvement abolutionniste (IRA) Mauritanie, qui ne souhaite pas troubler les relations fraternelles entre les deux pays. Le elader de l'IRA ayant accusé le régime de Nouakchott de jouer sur les fibres des relations mauritano-sénégalaises et d'insrumentaliser sa présence en personne, à cette rencontre.
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N'empêche, l'AMI a repris intégralement les commentaires des organisations de défense des droits de l'homme, en l'occurrence, Amnesty International, la Raddho et la Ligue sénégalaise des droits de l’Homme. Lesquels commentaires sont assez durs vis-à-vis des autorités mauritaniennes, en particulier.
La raison de l'ire mauritanienne vient de la dernière phrase de la dépêche. "Traversée depuis plusieurs années par une crise politique et sociale grave, la Mauritanie, en proie à des maux tels qu’esclavage, racisme, pauvreté ou illettrisme, est gangrénée par une corruption systématique empêchant tout développement social", a conclu l'article l'APS.
L'AMI n'a pas trouvé de mots assez durs envers l'APS et se demande, d'emblée, s'il sagit "d'erreur ou de dérive délibérée". Après une diatribe trois fois plus longue que la dépêche sénégalaise, elle conclut ironiquement: "Nous osons espérer que l’Agence de presse sénégalaise ne s’est départie des règles professionnelles, déontologiques et de bienséance que par erreur et qu’il ne s’agit pas d’une dérive délibérée".
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Evidemment avant d'en arriver à cette péroraison, elle ne s'est pas gardée de commentaires vitriolés envers l'APS. "Il est étonnant qu’une institution officielle telle que l’Agence de presse sénégalaise (APS) ait publié une dépêche à propos d’un communiqué de certaines ONGs ; communiqué haineux, mensonger, diffamatoire et hostile à la Mauritanie", commence-t-elle par regretter. Avant d'ajouter: "Ces ONGs qui indexent, à tort, la Mauritanie feraient mieux de focaliser leur regard ailleurs, là où les libertés de presse sont bafouées, là où les manifestations de l’opposition sont réprimées".
Pour l'AMI ceux qui faisaient de l'esclavage en Mauritanie leur fonds de commerce n'ont plus rien à se mettre sous la dent, puisque les avancées dans ce domaine sont saluées partout dans le monde. L'agence mauritanienne nie également le racisme, tout en louant la diversité culturelle. Elle arrive à la conclusion que si ces ONGs se lèvent aujourd'hui c'est qu'elles veulent être les porte-voix des "milieux lésés par la lutte contre la corruption et la gabegie".
Il faut rappeler que la semaine dernière, les autorités sénégalaises avaient interdit une conférence que voulait organiser l'activiste mauritanien Biram Ould Obeid au nom de l'Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA). Cette conférence des droit-de-l'hommistes sénégalais est donc une sorte de soutien à l'IRA mauritanienne et une manière de défier le gouvernement de leur pays.