Mauritanie: le Oui du référendum, une victoire au goût amer

Le 08/08/2017 à 10h21, mis à jour le 08/08/2017 à 11h35

Le Oui s'est largement imposé au référendum du samedi 5 août 2017 en Mauritanie. Mais il s'agit d'une victoire au goût âcre qui laisse ouverte une profonde crise politique, selon l'analyse de nombreux observateurs.

Le «Oui» s’est largement imposé au référendum constitutionnel du samedi 5 août 2017 en Mauritanie, avec une victoire à la stalinienne de 85,61% des voix, assortie d’un taux de participation de 53,75%, selon les données livrées par la Commission électorale nationale indépendante (CENI), au cours de la nuit de dimanche à lundi.

Ces résultats sont contestés par l’opposition, une bonne frange de l’opinion, mais aussi de nombreux observateurs. En fait, face à l'abstention de l'opposition, l’enjeu n’était pas la victoire du Oui qui apparaissait de prime abord comme une quasi-certitude, mais bien le taux de participation.

De ce point de vue, le chiffre de plus de 53% communiqué par la CENI laisse sceptiques de nombreux analystes, dont le constat basique renvoie à l'absence d’électeurs dans les bureaux de vote des grands centres urbains à l’image de Nouakchott, Nouadhibou, Kaédi, Rosso et Atar.

Cela, même si les thuriféraires du président Mohamed Ould Abdel Aziz ont fait du porte-à-porte dans des localités comme Rosso et Kaédi (vallée du fleuve) vers la fin de l’après-midi du samedi 5 août, pour sauver les meubles et éviter une bérézina sous la forme d’un taux de participation ridiculement bas.

Une autre source ayant requis l’anonymat révèle «des faits troublants au niveau d’un bureau de vote dans l’arrière-pays, entre Kiffa (6000 kilomètres à l’est de Nouakchott) et Boumdei (située au nord de la capitale régionale), avec 500 inscrits, qui ont voté Oui à 100%».

Pour des nomades, non habitués à ce genre d’exercice, on aurait pu attendre quelques bulletins nuls ou même quelques chameliers dont l'une des bêtes se serait perdue dans le désert. Abdallahi Ould Mohamed dit Naha, secrétaire général de la Confédération générale des travailleurs de Mauritanie (CGTM-proche de l’opposition), estime que le scrutin du samedi 5 août «est un nouveau départ vers un inconnu, qui risque d’être pire qu’un passé pourtant trouble au plan politique».

Pour Moussa Ould Hamed, ex-DG de l’agence gouvernementale d’information, les résultats de ce vote peuvent s’apprécier à 2 niveaux «soit Aziz les considère comme un cinglant désaveu malgré la prétendue victoire du Oui. Ce qui lui permettrait de prendre des mesures d’apaisement de la scène politique et de préparer sa succession en 2019. Soit, dans l’hypothèse la plus probable, il analyse ce vote comme un plébiscite. Et là, la Mauritanie va foncer tout droit vers un horizon qui ne peut être qu'un mur».

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 08/08/2017 à 10h21, mis à jour le 08/08/2017 à 11h35