La fonction publique mauritanienne va connaître une véritable saignée à la fin de l’année. En effet, le département de la gestion du secteur public a déposé la semaine dernière, sur la table du Premier ministre, Yahya Ould Hademine, «une liste de 1.668 fonctionnaires admis à faire valoir leurs droits à une pension de retraite à partir de décembre 2017.
Parmi les personnes concernées figurent "des ministres, des secrétaires généraux et une pléthore de directeurs généraux", révèle le quotidien L’Authentique.
A l’annonce de cette nouvelle, de nombreux observateurs, notamment les plus moins âgés ont tendance à se réjouir. «Tant mieux si les dinosaures quittent la place pour la laisser aux jeunes», pensent-ils. Le renouvellement générationnel est d'autant plus souhaité que, selon les indications des organisations internationales, le taux de chômage tournerait autour de 30% et toucherait de nombreux diplômés.
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Toutefois, dans le contexte mauritanien actuel, les observations à ce sujet sont plus nuancées et même fortement contrastées.
Les départs à la retraite de ces fonctionnaires pourraient créer un vide. Dans certaines grandes directions publiques, les recrutements directs avaient été bloqués de 1984 à 1997, soit durant 13 longues années. Ce qui fait qu’au niveau officiel, la perspective de ces départs massifs semble déjà poser un problème.
L’Authentique ajoute «une fois n’est pas coutume, la saisine du Premier ministre se présente sous la forme d’une requête pour avis à prendre, compte tenu de la situation de l’Administration publique qui a perdu nombre de ses cadres au cours des dernières années. Le ministère de la Fonction publique voudrait conserver temporairement ces prétendants à la retraite afin de permettre à l'Administration d’avoir le temps de compenser le vide laissé».
Voudrait-on ainsi simplement maintenir en activité «quelques dinosaures» dans le cadre d’un arrangement pour certains fonctionnaires?
Pour Moussa Ould Hamed, ancien directeur général de l’Agence mauritanienne d'information (AMI), il s’agit plutôt «d’une question sérieuse. Car, pour remplacer les plus anciens, il ne se pose pas un problème de quantité. On est en face d’une véritable équation du point de vue de la qualité. D’ailleurs, une observation attentive de la gestion de l’Administration permet de noter de nombreuses carences, nées de la défaillance dans le montage de plusieurs projets. Le résultat est une faible capacité d’absorption qui ne permet pas un usage optimal des ressources destinées aux programmes de développement économique et social du pays. La perspective de ces départs avec l’arrivée d’une génération issue d’un système éducatif en pleine déconfiture risque d’aggraver le problème», explique-t-il.
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En effet, si le problème de remplacement des vieux cadres se pose avec tant d'acuité, c'est parce que les recrutements des dernières années n'ont pas fait de la compétence un critère essentiel. Ainsi, de nombreux faux diplômés grossissent-ils les rangs des fonctionnaires incompétents.
L'Administration mauritanienne est actuellement truffée de responsables aux CV ronflants, bardés de diplômes, mais incapables de rédiger la moindre correspondance en arabe, langue officielle, ou en français, langue à usage courant. «Un fléau nouveau et totalement inconnu chez les anciens», note un fonctionnaire d’âge mûr.
La situation est si préoccupante qu'au début de l’année 2017, un haut responsable d’un ministère plaidait en faveur «de la création d’une agence nationale chargée de l’authentification des diplômes des fonctionnaires publics», à travers une sortie sur sa page Facebook.