Mauritanie: que vaut la loi anti-discrimination adoptée jeudi ?

Une manifestation contre le racisme et l'esclavage en Mauritanie.

Une manifestation contre le racisme et l'esclavage en Mauritanie.

Le 20/01/2018 à 15h19, mis à jour le 20/01/2018 à 15h22

L'Assemblée nationale a examiné et adopté un projet de loi réprimant le phénomène de la discrimination au cours d'une séance plénière qui s'est déroulée jeudi. Un texte qui pourrait tendre un peu plus les relations entre les autorités et la mouvance antiesclavagiste.

Dans un contexte tendu entre les autorités, les organisations antiesclavagistes et les ONG de défense des droits humains, la Mauritanie a décidé de légiférer sur la discrimination.

Ainsi, l’Assemblée nationale a examiné et adopté un projet de loi sur la question au cours d’une séance plénière qui s’est déroulée jeudi après-midi.

Dans sa mouture, le nouveau texte comporte 28 articles répartis en quatre chapitres, «dont le premier se rapporte à l’ensemble des dispositions générales consacrées aux définitions permettant de lutter contre la discrimination.

Les deuxième et troisième chapitre prévoient les sanctions pénales applicables aux crimes de racisme et de discrimination, alors que le chapitre 4 aborde les dispositions finales», selon les explications fournies devant les députés par le ministre de la Justice, Dia Moctar Malal.

Ce projet de loi s’inscrit dans le contexte de mise en chantier d'«un plan d’action visant à prévenir et combattre la discrimination. Celui-ci comprend une série de mesures politiques, économiques et sociales». Le texte, adopté jeudi par la représentation nationale, est la dimension judiciaire et juridique de la démarche.

Ainsi, la nouvelle loi «définit les concepts de discrimination, en particulier les discours de haine et les groupuscules identitaires spécifiques. Elle vise également à aggraver les peines applicables en matière de crime, de racisme et de haine en les considérant comme des infractions imprescriptibles et en leur appliquant l’article 36 du Code pénal».

Cette disposition prévoit une condamnation en matière criminelle de 5 ans et plus et comporte des peines complémentaires et de sûreté permettant de priver les individus condamnés de tous, ou partie de leurs droits civiques, politiques et familiaux pour une période de 5 ans.

Toutefois, «le projet de loi tient compte de l’exception prévue par les dispositions légales protégeant certains groupes tels que les journalistes qui ne peuvent être emprisonnés». Pour de nombreux observateurs, l’adoption de ce nouveau texte devrait crisper davantage les relations entre le pouvoir de Nouakchott et les ONG de droits humains et antiesclavagistes, à l’image de l’Initiative de Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA), régulièrement stigmatisé comme «un groupuscule extrémiste et sectaire» et qui ne cesse de dénoncer «l’esclavage, la discrimination et le racisme».

De manière générale, l’histoire de la Mauritanie a été marquée par le phénomène de l’esclavage domestique. Mais cette question reste encore au centre d’un débat polémique. Par ailleurs, le pays a connu des remous identitaires pendant les années 1980/1990, entraînant de graves crimes à caractère ethnique.

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 20/01/2018 à 15h19, mis à jour le 20/01/2018 à 15h22