Ce chantier gigantesque doit mettre en adéquation les faits avec l’article premier de la constitution, dispose que «la République assure à tous les citoyens sans distinction d’origine, de race, de sexe ou de condition sociale, l’égalité devant la loi».
Ce principe constitutionnel, dont la traduction dans la réalité de la distribution au quotidien d’un service public de la justice «de qualité pour tous, indépendante, performante et protectrice des humains», exige de nombreuses réformes dans un contexte tant national que continental, caractérisé par un déficit en ressources financières et humaines, le manque d’infrastructures, mais aussi par des accusations récurrentes d’instrumentalisation du pouvoir judiciaire par l’appareil exécutif, à travers des règlements de comptes à caractère politique.
La vision des nouvelles autorités de Nouakchott est consignée dans une note de politique sectorielle que le gouvernement entend mettre en chantier pendant la période 2019/2029.
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Ce document a fait l’objet d’une communication en conseil des ministres, il y a quelques jours.
Une justice mal perçue
Deux enquêtes de perception menées à quelques années d’intervalle en 2012 et 2018, en est clairement ressorti une absence de confiance des Mauritaniens vis-à-vis de la justice.
Ainsi «61,7% des usagers étaient insatisfaits de la justice en 2012. Plus de 70% des individus interrogés à travers la même enquête se déclaraient mécontents des services de police et de la prestation des avocats.
Par ailleurs, 59 à 61% des citoyens interrogés n’ont pas une idée positive du personnel judiciaire pris dans sa globalité.
Quelques années auparavant, il faut rappeler que le premier diagnostic sur ce secteur, vital pour l’équilibre de la société et le fonctionnement régulier des institutions, un comité interministériel avait planché sur ce sujet, avant la réalisation de ces deux enquêtes de terrain.
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En effet, après le coup d’Etat du 3 août 2005, qui a renversé le régime du président Maaouya ould S’Ahmed Taya, ce comité interministériel avait été chargé de procéder à un état des lieux du secteur de la justice.
Après quelques semaines de travail, celui-ci avait alors identifié «les axes à travers lesquels une intervention rapide était nécessaire: l’affirmation de l’indépendance de la justice et la réforme du droit, le renforcement des capacités des ressources humaines et la formation, le développement des infrastructures et la modernisation de l’appareil judiciaire».
Le document du comité interministériel de 2005 insistait tout particulièrement sur une indépendance renforcée du juge, grâce aux principes de «l’inamovibilité du magistrat, de son immunité et de sa neutralité».
Le chantier à l’horizon des 10 prochaines années
Pour sa part, la politique sectorielle 2019/2029 vise avant tout «à promouvoir une approche cohérente du renforcement de la justice. Une orientation à travers laquelle il faudrait revoir, compléter et actualiser toutes les normes en vigueur pour les mettre en conformité avec les standards internationaux».
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Suivant la même dynamique de changement, il s’agit également «d’adapter et [de] consolider la législation civile, pénale, correctionnelle, administrative, sociale et des droits de l’homme, grâce à une modernisation du cadre législatif. [Mais aussi] de former les ressources humaines appelées à donner vie et réalité au fonctionnement du service, renforcer la protection judiciaire des groupes vulnérables (femmes, mineurs, handicapés et victimes de diverses formes d’incapacités)».
Parmi les textes devant l’objet d’une modernisation pour adaptation aux standards internationaux, ce document de politique sectorielle cite le Code de Procédure Civile, Commercial et Administrative (CPCCA), le Code de Procédure Pénal (CPP), le Code d’Arbitrage (CA), l’Organisation Judiciaire (OJ), le Statut des Magistrats, des huissiers, des greffiers, le Code la Profession d’Avocat... Plus que du pain sur la planche, donc.