Accès des pays du Sahel à l’Atlantique: les enjeux économiques de l’initiative marocaine débattus à Niamey

Photo de famille à l'issue d'une rencontre sur l'accès des pays du Sahel à l'Atlantique.

Le 17/12/2025 à 12h48

VidéoSur les 31 pays en développement sans ports d’accès, 16 sont les pays les plus pauvres de la planète à cause de leur enclavement. Ce constat, à l’origine de l’initiative marocaine d’accès des pays du Sahel à l’Atlantique, a fait l’objet d’une conférence à Niamey durant laquelle l’adhésion à cette feuille de route a fait l’Unanimité. Les pays concernés ont déjà fait part de leur intérêt pour cette stratégie. Rappels.

Le Centre National d’Etudes Stratégiques et de la Sécurité (CNESS) et l’Ambassade du Maroc au Niger ont organisé, en fin de semaine dernière, une conférence sur «Le projet royal visant la facilitation d’accès des pays du Sahel à l’Atlantique: enjeux stratégiques et logistiques pour une Afrique intégrée» à la quelle ont pris part conférenciers et responsables diplomatiques accrédités au Niger.

A l’ordre du jour, le projet du roi Mohammed VI du Maroc visant à faciliter l’accès à l’Atlantique aux pays du Sahel que sont Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad.

Les pays privés par la géographie d’un accès à la mer subissent de lourdes pertes économiques en raison de leur enclavement.

Selon l’ONU, les pays en développement sans littoral paient plus du double de leurs voisins en frais de transport pour envoyer et recevoir des marchandises. «Par conséquent, peu d’échanges commerciaux ont lieu entre les pays en développement sans littoral et leurs voisins», observent les Nations unies.

Sur les 31 pays en développement sans ports d’accès, 16 se retrouvent dans la classe des pays les plus pauvres de la planète à cause de leur enclavement, note la Banque mondiale, ce qui entraîne une croissance économique plus lente et un niveau de développement de 20% inférieur à celui de leurs homologues côtiers.

Afin de surmonter ces contraintes et bien d’autres encore, le monarque marocain, dans son discours du 6 novembre 2023 à l’occasion du 48ème anniversaire de la Marche verte, a tracé une feuille de route stratégique audacieuse pour engager et réussir la structuration de l’espace géopolitique que constitue la façade atlantique africaine.

«Cette orientation royale exprime une conviction profonde selon laquelle l’intégration n’est pas un supplément, c’est une condition. Il ne s’agit ni d’un acte symbolique, ni d’un geste conjoncturel, mais d’une stratégie de fond qui vise à transformer les contraintes géographiques en levier de souveraineté», explique Jaafar Debbarh, chargé d’affaires à l’ambassade du Maroc à Niamey.

Une aubaine pour les économies enclavées

Cette initiative royale de désenclavement des pays sahéliens, constitue une aubaine pour les économies des pays bénéficiaires. «Concrètement, cette initiative permettra à ces pays de s’ouvrir vers des nouveaux marchés, à leurs entreprises d’avoir accès à des nouveaux marchés dans de meilleures conditions», explique Mahammed Amine Balambo, conférencier.

C’est pour tous ces avantages que cette initiative est félicitée par les autorités nigériennes. «Le Niger est un pays n’ayant aucune façade maritime, se félicite de cette initiative à portée régionale et internationale qui constitue une réponse ambitieuse aux défis et enjeux majeurs qui assaillent notre région», explique Djibo Barikoye, directeur général des relations bilatérales au ministère des Affaires étrangères.

Pour donner corps à cette adhésion, le chef de la diplomatie nigérienne, Bakary Yaou Sangaré, a fait savoir que des comités ad hoc ont été constitués dans chaque pays sahélien concerné (Niger, Mali, Tchad, Burkina Faso…), pour accompagner progressivement le projet d’accès direct à l’océan Atlantique porté par le roi Mohammed VI.

«Nous avons mis en place des comités ad hoc au niveau de chaque pays. Il s’agit, dans un premier temps, de mettre à niveau les infrastructures, de remédier à celles qui n’existent pas, de répertorier l’existant et d’étudier les modalités de leur création», a déclaré Bakary Yaou Sangaré, qualifiant l’initiative royale d’«énorme projet structurant en Afrique». Le chef de la diplomatie du Niger avait déclaré, fin 2023, que «la mer va nous ouvrir des marchés internationaux pour vendre nos produits.»

Le Burkina Faso a également fait part de son intérêt pour cette initiative. En juin 2024, le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita et son homologue burkinabè, Karamoko Jean-Marie Traoré, avaient fait savoir qu’une équipe du Burkina Faso a effectué une visite au Maroc pour s’enquérir de la faisabilité du projet royal offrant l’accès aux pays du Sahel de l’Océan Atlantique.

En décembre 3023 à Marrakech, les ministres des Affaires étrangères du Mali, Abdoulaye Diop, du Niger, Bakary Yaou Sangaré, et du Burkina Faso, Karamoko Jean- Marie Traoré avaient qualifié le Royaume de «partenaire fiable pour réussir l’initiative royale» qui vise à désenclaver les pays du Sahel. Abakar Kourma, directeur Afrique et intégration africaine du ministère des Affaires étrangères, des Tchadiens de l’étranger et de la coopération internationale, représentant le Tchad.

Avec 16 pays enclavés, l’Afrique est le continent comptant le plus de pays sans littoral, loin devant l’Asie (10), l’Europe (4) et l’Amérique latine (2). «La géographie impose aux 16 pays africains sans littoral un désavantage systémique où les coûts de transport excèdent de 50% la moyenne mondiale, doublant mécaniquement le prix des échanges. Cette réalité s’accompagne de délais d’importation deux fois plus longs que la norme, avec une distance moyenne de 1.370 km jusqu’au premier port, transformant chaque transaction en parcours du combattant logistique" indique la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement.

Par Aboubacar Sarki (Niamey, correspondance)
Le 17/12/2025 à 12h48