Le président sortant, au pouvoir depuis 1982, a quitté le Cameroun dimanche pour un «voyage privé en Europe», a indiqué la présidence dans un communiqué officiel, sans en préciser le lieu exact, la durée ou le motif.
Le chef de l’État, âgé de 92 ans et aux rares apparitions publiques très scrutées, est selon une source diplomatique arrivé à Genève, sa destination favorite depuis plus de 50 ans pour des séjours privés.
L’un de ses précédents séjours en Suisse, en septembre 2024, avait fait couler beaucoup d’encre: ces semaines d’absence du pays avaient nourri des rumeurs de décès et forcé le gouvernement à publier un communiqué inhabituel pour rassurer la population sur son état de santé.
Cette fois-ci, Paul Biya apparaît visiblement en forme dans la vidéo diffusée par la présidence lors de son départ du Cameroun, où il est accompagné de son épouse Chantal et de trois conseillers.
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Le chef de l’État était attendu jeudi à la 80ème session de l’Assemblée Générale des Nations Unies à New York. Il a finalement été représenté par son ministre des Relations extérieures.
«Ne suivez pas mes conseils»
Outre la proximité de la présidentielle, pour laquelle il part grand favori face à une opposition divisée, son voyage intervient dans un contexte familial tendu.
Dans la nuit du 17 au 18 septembre, quelques jours avant son arrivée en Suisse, sa fille, Brenda Biya, habituée de l’InterContinental, un palace de Genève, a publié une vidéo sur TikTok où, visiblement désabusée, elle appelait les Camerounais à ne pas voter pour son père.
Si la vidéo a rapidement été supprimée de son compte, elle a quand même circulé et déclenché une vague de réactions avant que Brenda Biya ne poste, le 21 septembre, une nouvelle vidéo d’excuses. «La politique je n’y connais rien de rien. Suivez pas mes conseils», y déclare-t-elle.
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La fille du président a également eu des démêlés avec la justice genevoise: le 4 juin dernier, elle a été condamnée pour diffamation à la suite d’une plainte déposée par une artiste camerouno-nigériane qui dénonçait notamment des insultes et mensonges la visant sur les réseaux sociaux.
Le texte du jugement note au passage que «la famille (de Brenda Biya) se rend fréquemment à l’Hôtel InterContinental à Genève où des chambres lui sont louées à l’année».
En 2018 un consortium de journalistes enquêtant sur la criminalité économique (OCCRP) avait estimé que Paul Biya avait passé 4,5 ans de sa présidence à l’étranger, et en grande partie à Genève, pour un coût de 65 millions de dollars.
Campagne à distance
Le 12 octobre, Paul Biya briguera un nouveau septennat présidentiel face à 11 autres candidats.
Des rumeurs non confirmées annoncent un meeting de son parti du RDPC dimanche à Maroua, dans l’extrême nord du pays. On ne sait combien de meetings de campagne tiendra le RDPC, et si M. Biya y participera.
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L’opposition de son côté, multiplie en vain les discussions pour désigner un candidat consensuel. «Beaucoup de Camerounais sont frustrés que l’opposition, qui tente depuis près de 30 ans de remplacer le président Biya, ne soit toujours pas en mesure à ce stade de se mettre d’accord», estime Arrey Elvis Ntui, analyste senior pour International Crisis Group.
Paul Biya, qui avait annoncé sa candidature le 13 juillet sur X, ne s’est depuis pas directement adressé à ses compatriotes. «Au départ il y avait des rumeurs selon lesquelles le président lui même n’était pas très motivé pour se représenter» et que c’est son entourage qui l’y a poussé, rappelle Arrey Elvis Ntui.
Cette absence s’explique aussi par son âge et son état de santé, selon Davis Kiwuwa, responsable de l’École des études internationales à la branche chinoise de l’Université de Nottingham: «Les leçons tirées de la prestation désastreuse de Biden n’ont pas pu lui échapper, ni à ses conseillers. Plus il reste à l’écart, plus il entretient l’illusion qu’il est mentalement et physiquement à la hauteur de la fonction».
«L’argent du peuple camerounais»
Pour contester le nouveau séjour en Suisse de Paul Biya, une association de Camerounais installés en Europe organise une manifestation vendredi devant le siège de l’ONU à Genève.
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Initialement organisée pour dénoncer le rejet de la candidature de Maurice Kamto, principal leader de l’opposition et dauphin de M. Biya à la présidentielle de 2018, ce rassemblement a pris une nouvelle dimension avec le voyage du président camerounais en Europe.
«Nous voulons chasser Paul Biya de l’Europe» et «le renvoyer au Cameroun», déclare à l’AFP Diosky Moresmo, porte parole de l’association, la Brigade anti-sardinards Belgique.
Paul Biya est en mauvaise santé et vient «se refaire une santé physique, morale et psychologique» en Europe «avec l’argent du peuple camerounais» qui n’a «pas d’eau, pas d’électricité, pas d’hôpitaux», dénoncent ces opposants en criant au scandale. Un quart de la population camerounaise vit sous le seuil de pauvreté, selon la Banque mondiale.
«Chaque jour, des Camerounais meurent (...) Comment peut-il se reposer tranquillement à Genève, aux frais du contribuable, pendant que son peuple souffre ?», s’indignent-t-ils.
