Avec ses larges avenues, ses grands espaces boisés, son architecture des années 70 et son trafic routier fluide, Yamoussoukro, dans le paisible centre de la Côte d’Ivoire, ne ressemble à aucune autre ville du pays.
Elle est le fruit d’un rêve, celui du premier président de la Côte d’Ivoire indépendante, Félix Houphouët-Boigny, de faire de son village natal de N’Gokro la capitale de son pays. Ce qui fut chose faite le 21 mars 1983.
Au fil du XXe siècle, le village est devenu une véritable ville et a hérité d’un nom en hommage à Yamousso, reine baoulé et grande-tante de «FHB».
«Félix Houphouët-Boigny a d’abord voulu corriger le legs colonial que nous avions reçu pour cesser que tout soit concentré dans une seule ville (Abidjan)», explique à l’AFP Jean-Noël Loucou, secrétaire général de la Fondation Félix Houphouët Boigny, un institut de recherche sur les questions de paix.
«En créant cette capitale, l’idée était de montrer le génie africain avec une architecture particulière, sans grands buildings avec beaucoup d’espaces verts», ajoute t-il.
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Quarante ans plus tard, la ville est très étendue et compte quelque 300.000 habitants. Mais encore bien peu d’institutions.
Le coeur de la politique ivoirienne bat toujours dans le sud côtier, à Abidjan, seuls le Sénat et la Chambre nationale des rois et chefs Traditionnels ayant déménagé.
Incantations politiques
Les incantations politiques n’ont pourtant pas manqué depuis la mort du père fondateur en 1993.
Laurent Gbagbo, président de 2000 à 2011, avait même lancé de grands chantiers pour y construire une Assemblée nationale et un palais présidentiel. Mais les deux sites sont aujourd’hui à l’abandon, envahis par la végétation.
«La volonté du transfert de la capitale à Yamoussoukro existe. Ce sont les moyens qui font défaut. En tant que collectivité territoriale, nous n’avons pas les moyens d’aller nous endetter sur le plan international, donc nous sommes obligés de choisir des financements rentables qui génèrent eux-mêmes de l’argent. Mais j’ai bon espoir que ça se réalise un jour», explique à l’AFP le gouverneur de la région, Augustin Thiam.
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«Yamoussoukro n’est pas encore dans les faits la capitale de la Côte d’Ivoire. Mais il est hors de question de créer une capitale de toutes pièces. Il y a beaucoup de choses à évaluer, quantifier, avant de passer à la réalisation», ajoute-t-il depuis les jardins de la résidence du président Houphouët, son grand-oncle.
Pour l’heure, Yamoussoukro reste toutefois l’une des principales attractions touristiques du pays, notamment grâce à sa basilique, inspirée de celle de Saint-Pierre de Rome et qui est le plus haut édifice religieux catholique au monde avec ses 158 mètres de hauteur.
Le lac aux Caïmans qui borde l’imposante résidence d’Houphouët attire aussi les curieux qui observent les dizaines de sauriens qui se prélassent sur les berges, en plein centre-ville.
«Carrefour» du pays
«Houphouët a essayé de construire Yamoussoukro petit à petit autour de trois piliers, l’éducation avec de grandes écoles, la religion avec la basilique, et le tourisme. La position de la ville est stratégique, c’est un grand carrefour au centre du pays. Tout le monde passe par là», résume Nanan Kouassi Konan, chef du village voisin de Kami, l’un des «berceaux» de l’ex-président.
La saturation et le tumulte d’Abidjan avec ses 6 millions d’habitants pourrait également pousser de plus en plus d’Ivoiriens à remonter vers Yamoussoukro.
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Serge Pokou, hôtelier et fermier, a franchi le pas il y a quelques années avec sa famille.
«J’ai naturellement opté pour le calme de Yamoussoukro qui est un mix de ville moderne et de campagne, imprégnée d’une culture africaine préservée. La géométrie des grandes artères, les espaces verts luxuriants, les surprenants édifices entretiennent le calme, le charme et la splendeur de la cité», apprécie-t-il.
Reste également à construire un vrai tissu économique autour de la capitale au-delà du tourisme. La création future d’une zone industrielle est à ce titre porteuse d’espoirs.
«On en attend des retombées économiques parce qu’il faut bien que la capitale vive, donc il faut des activités. Les grandes écoles de Yamoussoukro ont du mal à retenir leurs ingénieurs, leurs techniciens faute d’industrie ici», pointe Jean-Noël Loucou.
«Mais il faudra veiller à sauvegarder l’identité de la ville et sa quiétude qui restent, avant tout, le critère de choix de ceux qui y résident ou qui cherchent à s’y installer», prévient Serge Pokou.