Dans ce conflit qui dure depuis plus de trois ans et s’est accéléré, Kinshasa accuse Kigali de vouloir piller ses ressources naturelles alors que Kigali affirme vouloir éradiquer des groupes armés, notamment créés par d’ex-responsables hutu du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994.
Craignant un embrasement régional, les dirigeants d’Afrique australe et d’Afrique de l’Est ont appelé samedi à un «cessez-le-feu immédiat et inconditionnel», dont la mise en œuvre dans un délai de cinq jours a été confiée aux chefs d’état-major de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est (EAC) et de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC).
Le sommet conjoint de ces deux organisations, qui s’est tenu en Tanzanie avec la participation des présidents congolais Félix Tshishekedi et rwandais Paul Kagame, a en outre «réaffirmé sa solidarité avec la RDC et son engagement indéfectible à la soutenir dans sa quête de préservation de son indépendance, de sa souveraineté et de son intégrité territoriale».
Si les dirigeants ont aussi appelé à l’ouverture de couloirs humanitaires et à la fusion des deux processus de paix initiés séparément par le Kenya et l’Angola, aucune référence explicite au Rwanda n’a été évoquée dans la résolution du conflit.
La présidence congolaise a estimé sur X que le sommet a pris «une série d’importantes décisions avec effet immédiat qui répondent à l’urgence humanitaire, au besoin pressant d’une désescalade et aux attentes de Kinshasa pour venir en aide aux populations meurtries de Goma».
Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu, a été prise par le M23 («Mouvement du 23 mars») et les troupes rwandaises début février après des combats qui ont fait au moins 2.900 morts selon l’ONU. Depuis, le conflit s’est installé dans la province voisine du Sud-Kivu, menaçant désormais sa capitale, Bukavu.
«Importance capitale»
Selon des sources sécuritaires et locales, le front était calme dimanche à la mi-journée, après d’intenses combats la veille à une soixantaine de kilomètres de Bukavu.
Le ministre rwandais des Affaires étrangères Olivier Nduhungirehe a évoqué sur X un «sommet historique et réussi, qui a proposé des mesures immédiates, de moyen et long terme pour la restauration de la paix et la sécurité dans l’Est de la RDC et la région».
Félix Tshisekedi et Paul Kagame ne se sont pas croisés samedi au sommet, le président congolais ayant participé aux discussions par vidéoconférence.
Si les deux pays affichent chacun leur satisfaction, Kinshasa réclame depuis des mois auprès de la communauté internationale des sanctions contre Kigali, et lui reproche son inaction.
L’Union européenne a salué dimanche la tenue du sommet EAC-SADC.
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«La cessation des hostilités, la fourniture d’assistance humanitaire, le respect pour le droit international humanitaire, la sécurisation de Goma, la résolution pacifique du conflit via le processus de Luanda-Nairobi et le respect de l’intégrité territoriale sont d’une importance capitale», a énuméré sur X une porte-parole, Anitta Hipper.
Des habitants interrogés dimanche à Bukavu par l’AFP espéraient que l’appel au cessez-le-feu serait entendu. Vendredi, des écoles et banques sont restées fermées, et certains habitants fuyaient la ville, de crainte d’une attaque du M23 et ses alliés rwandais.
«Si réellement les accords sont respectés, je peux espérer une solution à la crise sécuritaire, mais aussi à condition que Kagame et son homologue Tshisekedi se rencontrent et se parlent sans hypocrisie», a commenté un habitant, Héritier Zahinda.
Le responsable d’une association de jeunes à Bukavu, Robert Njangala, déplorait le fait que les dirigeants régionaux n’aient «pas exigé le retrait immédiat des troupes rwandaises sur le sol congolais».
A Kinshasa, où la prise de Goma a sidéré, une «messe de solidarité» a été dite à la cathédrale Notre-Dame du Congo. Parmi les fidèles, Jules Kasereka, chercheur en relations internationales, disait craindre que le cessez-le-feu, «sans caractère contraignant» ne soit pas respecté.