Dans ce pays enclavé anciennement appelé Swaziland, coincé entre l’Afrique du Sud et le Mozambique, le roi Mswati III, 55 ans et au pouvoir depuis 1986, nomme le Premier ministre, le cabinet, les juges et les actes du Parlement, assemblée au rôle essentiellement consultatif, n’ont force de loi qu’adoubés de son blanc-seing.
«On a besoin de routes, nos rues sont sales, personne ne vient ramasser les ordures», lance à l’AFP Busisiwe Matsebula, 75 ans. Les cheveux rassemblés dans un foulard et un tissu traditionnel noué sous les bras, elle attend de mettre son bulletin dans l’urne devant un bureau de la capitale Mbabane.
Derrière les paysages verdoyants du pays d’une population d’1,2 million, dont deux tiers vit sous le seuil de pauvreté, les infrastructures sont minimales et la misère omniprésente dans les zones reculées.
Ces dernières années, le royaume a été secoué par des protestations pro-démocratie. La violente répression par la police et l’armée du roi a fait une quarantaine de morts en 2021. Mais en ce jour de vote, les vendeuses de rue se sont tranquillement installées sur les trottoirs devant les écoles et les églises transformées en bureaux de vote.
Le scrutin n’a qu’un enjeu limité: les partis politiques sont interdits dans le pays depuis 50 ans et ils ne peuvent pas participer aux élections. Les 59 députés qui doivent être élus vendredi se présentent sans étiquette partisane et ils ont été sélectionnés par des chefs traditionnels, qui veillent aux intérêts du roi dans les circonscriptions.
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Le vote doit se poursuivre jusqu’à 17H00 GMT et les résultats seront annoncés dans les prochains jours.
«Trahison ou autre»
Une grande partie de l’opposition a appelé au boycott. «Ils disent que les élections sont libres et justes, mais il n’en est rien», tempête Sakhile Nxumalo, 28 ans, président du Congrès des jeunes du Swaziland, la branche jeunesse du Mouvement démocratique uni du peuple (Pudemo - opposition).
L’opposition s’organise souvent depuis l’étranger et sur la base fragile d’une Constitution qui garantit, en théorie, les libertés d’expression et d’opinion, ainsi que le droit de réunion et d’association.
«Nous vivons dans une dictature. Si quelqu’un ose parler, la police vient frapper à sa porte au milieu de la nuit et l’arrête pour trahison ou autre», dénonce Thantaza Silolo, porte-parole de la première formation d’opposition, le Mouvement de libération du Swaziland (Swalimo).
Un député pro-démocratie élu en 2018 est aujourd’hui en exil. Deux autres sont en prison.
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«La monarchie n’est pas un système politique mais un système traditionnel», a expliqué à l’AFP l’intransigeant conseiller du roi, Moses Dlamini, 75 ans. Et «le système est voué à rester tel qu’il est».
Phinah Nxumalo, 58 ans, vend des épinards et des grains de maïs séchés qui servent à confectionner le porridge, plat de base des plus modestes, sur le marché de Manzini, capitale économique du royaume.
«La vie en Eswatini est terrible, terrible», dit la vendeuse. Nos enfants restent à la maison parce qu’il n’y a pas de travail. Tout ça n’a pas de sens».
Mais sur le roi, pas un mot: en Eswatini, une parole déplacée peut coûter cher. Critiqué pour mener une vie de faste et de largesses, Mswati III détient une fortune personnelle estimée à au moins 50 millions de dollars par le magazine Forbes.