Gabon. Une mesure «ni sociale, ni démocratique»: l’interdiction des bourses aux États-Unis et au Canada passe mal

Les nouveaux bacheliers du Gabon.

Le 21/07/2025 à 12h44

VidéoAlors que le baccalauréat a enregistré cette année un taux de réussite inédit de 78,48%, l’annonce par le président Brice Oligui Nguema de la suppression des bourses vers les États-Unis et le Canada crée la controverse.

«À quoi bon financer des formations pour des étudiants qui ne rentrent pas servir leur pays?» Par cette interrogation choc à Washington, le président Brice Oligui Nguema a justifié la fin des bourses d’études vers les États-Unis et le Canada dès 2026. Une décision qui intervient dans un contexte paradoxal: au second tour du BAC, le taux de réussite a battu tous les records avec un 100% historique, portant le taux global à 78,48% (contre 33,13% au premier tour).

Un succès qui ouvre la porte des études supérieures à des milliers de jeunes, mais dont l’éclat est terni par la remise en cause des opportunités offertes aux États-Unis et en Europe.

Dès 2026, le Gabon privilégiera désormais des pays africains comme le Sénégal, le Ghana ou le Maroc, arguant que les étudiants y sont «plus enclins à revenir». Pourtant, l’économie budgétaire escomptée entre 22 et 30 milliards de FCFA (moins de 1% du budget national) semble symbolique au regard des dépenses de l’État. Pour Alain-Claude Bilie-By-Nze, leader d’Ensemble pour le Gabon, cette mesure «tape toujours sur les plus faibles»

«Chercher à réduire le train de vie de l’État en supprimant la bourse pour des étudiants gabonais n’est ni social, ni démocratique».

La jeunesse est divisée sur la réforme des bourses à l’étranger. Pour David Mouketa, 19 ans, admis au second tour «cette décision nous prive d’un rêve: celui d’étudier dans des universités de rang mondial. Le président parle de servir le pays, mais comment le faire sans expertise pointue? C’est une porte qui se ferme.»

Merveille Mapea, admise dès le premier tour ne partage pas cet avis «le chef de l’État a raison: privilégier l’Afrique incitera les diplômés à s’investir ici. Nos compétences doivent d’abord bénéficier au Gabon. C’est un choix patriotique.»

Si la suppression des bourses répond à la crainte d’une fuite des cerveaux alimentée par le manque d’opportunités locales, elle ignore une réalité. Selon de nombreux observateurs dans un monde globalisé, l’influence d’un pays passe aussi par sa diaspora. Plutôt que de sacrifier «une élite silencieuse», des voix suggèrent de réduire le train de vie de l’État via l’abolition des primes exceptionnelles et missions superflues et la baisse des salaires des ministres et hauts responsables.

Au moment où le Gabon célèbre une génération brillante, l’équation reste entière: comment retenir les talents sans les priver d’excellence? La réponse exigera plus qu’un symbole.

Par Ismael Obiang Nze (Libreville, correspondance)
Le 21/07/2025 à 12h44