La crise du carburant plane sur les prochaines élections au Malawi

Automobilistes et motocyclistes attendent pour acheter du carburant à la station-service de Ntcheu, dans le centre du Malawi, le 9 août 2025.. AFP or licensors

Le 01/09/2025 à 07h22

Dans la pénombre avant le lever du soleil, une longue file de véhicules serpente autour de la seule station-service du district de Dedza, au centre du Malawi. Une procession nocturne devenue habituelle dans ce pays d’Afrique australe.

Illustration depuis des années d’une économie vacillante, les pénuries de carburant plombent le bilan du président Lazarus Chakwera, en quête d’un second mandat lors des élections du 16 septembre.

«Mon entreprise souffre à cause de la rareté du carburant», témoigne Nelson Mazola, qui officie comme «boda-boda», nom donné aux motos-taxis en Afrique de l’Est.

«C’est maintenant difficile de faire accepter aux gens de payer de plus, même quand ils doivent transporter quelqu’un en urgence à l’hôpital», observe-t-il.

C’est dans les zones rurales, comme ce district de Dedza au sud de la capitale Lilongwe, que les pénuries d’essence se font le plus ressentir, démultipliant les coûts de transport et donc aussi de nourriture pour des Malawites qui vivent à plus de 70% sous le seuil de pauvreté, d’après la Banque mondiale.

Aggravées par des pratiques de stockage et de reventes sur le marché noir, ces pénuries de carburant trouvent leur origine dans le manque de devises étrangères pour importer ce bien essentiel. Une conséquence du déficit commercial marqué et d’une dette aussi élevée que coûteuse.

Dans ce pays exportateur de tabac, la sécheresse de l’an dernier a aussi réduit la récolte de maïs et laissé 5,7 millions de personnes en insécurité alimentaire aiguë, selon le Programme alimentaire mondial.

Frustration

La gestion économique de Lazarus Chakwera, élu en 2020, pèsera dans l’esprit des électeurs, estime l’économiste Adam Chikapa.

«Imaginez passer la nuit dans une station-service, frustré et en colère, puis aller au bureau de vote le lendemain. Les gens ne seront pas contents. Beaucoup voteront contre le parti au pouvoir», prédit-il.

Le président âgé de 70 ans, issu du parti du Congrès du Malawi, a annoncé en novembre des mesures pour lutter contre la crise du carburant et des denrées alimentaires, mais pour l’expert en économie Alick Nyasulu, aucune amélioration n’est palpable.

Revente

«On aurait pu s’attendre à ce que les élections obligent les autorités à essayer de résoudre ce problème et à restaurer un semblant de normalité», observe-t-il auprès de l’AFP. «Malheureusement, ce n’est pas le cas et ça reflète l’état de nos finances.»

Dans une station de Blantyre, la capitale économique située dans le centre du pays, les automobilistes se pressent tout autant autour des pompes. Sur les routes du pays, de jeunes hommes vendent du carburant dans des bidons en plastique à un prix multiplié par quatre ou cinq.

«Dans notre récente enquête, une majorité de Malawites ont cité la mauvaise gestion économique comme leur principal reproche à l’égard du gouvernement», relate Boniface Dulani, politologue et sondeur à l’université du Malawi.

«Les files d’attente pour le carburant constituent la manifestation la plus évidente de cet échec. La crise alimente un ensemble plus large de problèmes économiques - hausse des prix, augmentation des coûts de transport - qui pèsent lourd sur les citoyens ordinaires. Le parti au pouvoir risque d’être sanctionné lors des élections», juge-t-il.

Sans réformes structurelles dans l’approvisionnement énergétique et la gestion des devises étrangères, le Malawi risque de rester prisonnier d’un cycle de pénurie de carburant, analyse Elizabeth Mwandale, experte en politique énergétique à l’université du Malawi.

«On applique des solutions à court terme. Le carburant arrive, on pousse un ouf de soulagement, jusqu’à ce que le problème réapparaisse», critique Willy Kambwandira, expert en gouvernance de l’ONG Centre pour la responsabilité sociale et la transparence (CSAT).

«Il y a aussi de la corruption dans le processus d’approvisionnement», estime-t-il.

Ce contexte de pénuries refroidit l’enthousiasme pour les élections. Seuls deux tiers des électeurs, largement jeunes, sont inscrits sur les listes dans un climat de méfiance envers les autorités électorales.

«Ça va influencer le vote des gens», prédit Nelson Mazola, le moto-taxi qui faisait la queue. «En regardant les problèmes actuels, les gens se demandent ce qui changera si le même gouvernement reste au pouvoir.»

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 01/09/2025 à 07h22