La Grèce et les Pays-Bas durcissent leurs politiques envers les ressortissants de ces 13 pays africains

صورة تعبيرية . فيزا شنغن

Visa Schengen

Le 27/02/2025 à 17h27

Dans un contexte de pression migratoire accrue et de révisions stratégiques des politiques européennes, deux pays de l’UE, la Grèce et les Pays-Bas, ont récemment instauré des mesures restrictives visant spécifiquement les ressortissants de plusieurs États africains.

Le récent rapport publié par le Réseau européen des migrations (REM), couvrant la période d’octobre à décembre 2024, révèle de nouvelles mesures prises par la Grèce et les Pays-Bas afin de mieux contrôler le flux migratoire.

Zoom sur ces décisions ancrées dans des logiques sécuritaires et de gestion «rationalisée» des mouvements.

Visa de transit aéroportuaire aux Pays-Bas: les quatre pays ciblés

Depuis le 25 novembre 2024, les Pays-Bas imposent un visa de transit aéroportuaire aux ressortissants de quatre pays africains– Tchad, Sénégal, Mauritanie et Centrafrique–, une décision justifiée par la volonté de réduire le nombre de demandes d’asile déposées directement dans les aéroports néerlandais. «Depuis le mois d’octobre, le nombre de passagers originaires de ces pays demandant l’asile dans les aéroports néerlandais a considérablement augmenté. Par conséquent, les passagers de ces pays doivent désormais être en possession d’un visa de transit aéroportuaire s’ils voyagent vers une destination en dehors de l’espace Schengen», selon les termes employés dans le rapport du REM.

Cette mesure, présentée comme un outil contre le «contournement des voies légales», reporte une partie des contrôles migratoires sur les compagnies aériennes, désormais tenues de vérifier systématiquement la documentation des passagers avant l’embarquement. Un transfert de responsabilité vers les acteurs privés qui soulève des défis logistiques majeurs, notamment pour les transporteurs opérant depuis des aéroports africains.

Afin de lutter contre la migration irrégulière et le trafic de migrants, les Pays-Bas ont temporairement réintroduit les contrôles aux frontières intérieures de l’UE, qui ont débuté le 9 décembre 2024, pour une période de six mois.

Sur le plan sécuritaire, l’initiative néerlandaise s’inscrit dans une tendance européenne de réinternalisation des contrôles, illustrée par les récents rétablissements de frontières temporaires en Autriche et en France, des pays de l’espace Schengen. Rappelons qu’en Autriche, les contrôles aux frontières ont été rétablis avec la Hongrie, la Slovénie et la Slovaquie. Ces contrôles sont prévus jusqu’au 15 avril 2025 pour certaines frontières et jusqu’au 11 mai 2025 pour d’autres.

En France, les contrôles aux frontières ont été rétablis avec plusieurs pays, notamment l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, l’Italie, le Luxembourg et la Suisse. Ces contrôles sont en vigueur jusqu’au 30 avril 2025.

Grèce: les conséquences de la mise à jour de la liste des «pays sûrs»

Le rapport du REM relève que le 27 décembre 2024, la Grèce a révisé sa liste de «pays sûrs», intégrant dix États africains: Égypte, Algérie, Maroc, Tunisie, Sénégal, Gambie, Ghana, Togo, Bénin et Angola. Cette qualification, fondée sur une présomption d’absence généralisée de persécutions, permet aux autorités grecques de rejeter plus rapidement les demandes d’asile déposées par leurs ressortissants. Une réforme qui entraîne deux conséquences immédiates.

Premièrement, les ressortissants de ces pays risquent des expulsions accélérées, limitant leur accès à une protection internationale approfondie. Deuxièmement, cette politique s’inscrit dans une stratégie dissuasive plus large, visant à réduire l’attractivité de la Grèce comme porte d’entrée vers l’Europe, au prix d’une externalisation des contrôles migratoires vers des pays africains.

Cela dit, la légitimité juridique de cette liste reste contestable. Le rapport du REM met en surbrillance deux arrêtés de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Le premier porte sur les pays d’origine sûrs et stipule que la désignation d’un pays comme «sûr» doit couvrir l’intégralité de son territoire, conformément à l’arrêt CJUE du 4 octobre 2024. Or, des zones instables persistent dans plusieurs de ces États, ce qui pourrait invalider certaines décisions en justice.

En effet, certains des États listés par la Grèce, entre autres certaines zones frontalières au Sahel, présentent des poches d’instabilité, remettant en cause l’homogénéité présumée de leur «sûreté». La CJUE insiste par ailleurs sur l’obligation de réévaluer régulièrement ces désignations, notamment face à des mesures dérogatoires aux engagements internationaux.

Le deuxième arrêt souligné par le REM porte sur les prestations familiales dans le cadre de la directive sur le permis unique. Celui-ci stipule que «le 19 décembre 2024, la CJUE a statué que les États membres de l’UE ne peuvent pas rejeter les demandes de prestations familiales dans les cas où le permis unique ne peut pas prouver que les membres de la famille pour lesquels les prestations familiales sont demandées sont entrés légalement sur le territoire de l’État membre

À l’aube de l’entrée en vigueur du Pacte européen sur la migration (2026) – adopté par le Parlement européen le 10 avril 2024 et prévu pour application au printemps 2026 –, ces mesures nationales interpellent. Reste à savoir si l’UE parviendra à harmoniser ses approches sans sacrifier ses valeurs– un défi aussi crucial que périlleux dans un contexte géopolitique volatil.

Tableau synthétique des mesures migratoires en Grèce et aux Pays-Bas visant les pays africains

Pays africain concernéMesure mise en place par le Pays-BasMesure mise en place par la Grèce
TchadVisa de transit aéroportuaire obligatoire (depuis 25/11/24)-
SénégalVisa de transit aéroportuaire obligatoire (depuis 25/11/24)Inscription sur la liste des « pays sûrs » (depuis 27/12/24)
MauritanieVisa de transit aéroportuaire obligatoire (depuis 25/11/24)-
CentrafriqueVisa de transit aéroportuaire obligatoire (depuis 25/11/24)-
Égypte-Inscription sur la liste des « pays sûrs » (depuis 27/12/24)
Algérie-Inscription sur la liste des « pays sûrs » (depuis 27/12/24)
Maroc-Inscription sur la liste des « pays sûrs » (depuis 27/12/24)
Tunisie-Inscription sur la liste des « pays sûrs » (depuis 27/12/24)
Gambie-Inscription sur la liste des « pays sûrs » (depuis 27/12/24)
Ghana-Inscription sur la liste des « pays sûrs » (depuis 27/12/24)
Togo-Inscription sur la liste des « pays sûrs » (depuis 27/12/24)
Bénin-Inscription sur la liste des « pays sûrs » (depuis 27/12/24)
Angola-Inscription sur la liste des « pays sûrs » (depuis 27/12/24)

Source : Réseau européen des migrations (REM).

Par Modeste Kouamé
Le 27/02/2025 à 17h27