L’année 2023 qui s’achève a été marquée par de nombreux évènements politiques. Si les coups d’Etat ont été les évènements les plus médiatisées, il n’en demeure pas moins que l’ancrage démocratique se poursuit en Afrique. En attestent les nombreuses élections présidentielles, le départ de présidents du pouvoir après leurs deux mandats constitutionnels, les alternances démocratiques avec notamment l’exemple libérien. Le président George Weah, battu au second tour de l’élection présidentielle, a fait montre de fair-play…
Cependant, aux dernières tentatives de coups d’Etat en Guinée-Bissau et au Sierra Leone s’ajoutent les chefs d’Etat, de l’Atlantique (Guinée) à la mer Rouge (Soudan), en passant par le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Tchad et le Soudan, qui gouvernent en treillis. Ces pays dirigés par des hommes en kaki montrent que des progrès sont encore à faire en matière de démocratie.
Le Soudan en est la preuve sanglante. Deux généraux s’affrontent au prix de milliers de morts et de souffrances et font courir le risque d’une sécession d’un fraichement séparé d’avec le Sud Soudan.
Ailleurs, le ressentiment anti-français en Afrique, notamment dans les anciennes colonies, gagne du terrain dans des pays qui continuaient à entretenir des relations étroites avec la métropole. Il était donc naturel que ce rejet soit traduit par les demandes de départ des soldats français. Et à ce titre, les derniers soldats français des bases nigériennes de la France devraient plier bagages cette semaine, comme ce fut le cas au Mali et au Burkina Faso.
Ces pays du Sahel, parmi les plus touchés par le terrorisme-djihadiste, et dans l’objectif d’unifier leurs forces, ont mis en place l’Alliance des Etats du Sahel (AES). Une alliance régionale appelée à se développer en fédération entre les trois pays, mais qui reste ouverte à d’autres pays de la sous-région qui ont le même «référentiel idéologique» que les fondateurs, Mali, Burkina Faso et Niger.
Des coups d’Etat réussis au Niger et Gabon, avortés ailleurs
Durant l’année qui se termine a vu la fin de certains régimes au Niger et au Gabon. A Niamey, le président Mohamed Bazoum a été renversé le 26 juillet par une junte militaire dirigée par le général Abdourahmani Tiani, arguant la «dégradation de la situation sécuritaire». A Libreville, le président Ali Bongo Ondimba a été renversé par Brice Oligui Nguema, mettant fin au règne de la famille Bongo de plus de 55 ans de ce pays d’Afrique centrale.
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Des putschs exécutés dans des contextes différents mais partagent un point commun: de ces deux coup d’Etat réussis ont été menés par deux personnes en charge de la sécurité présidentielle. Des situations qui expliquent la facilité avec laquelle la prise de pouvoir a été effectuée. Les deux pays sont dirigés actuellement par des juntes militaires.
D’autres pays ont également connu des tentatives de putschs en 2023. C’est le cas du Burkina Faso, et plus récemment de la Guinée-Bissau et de la Sierra Leone. Des tentatives de prise du pouvoir par la force qui illustrent encore que l’ancrage démocratique est loin d’être une réalité dans de nombreux pays africains, particulièrement en Afrique de l’Ouest et centrale où de nombreux chefs d’Etat s’accrochent au pouvoir en usant et abusant des réformes constitutionnelles pour se perpétuer à la tête des Etats.
Forts heureusement, ces prises du pouvoir manu militari bien qu’ayant fait le tour de la planète, sont des exceptions dans un continent où l’alternance, même rare, se fait aussi via les urnes. Ainsi, en 2023, plusieurs pays ont connu des élections démocratique: Nigeria, Liberia, Madagascar, Egypte, RDC… pays où il n’y a pas eu de violences pré ou post-électorales.
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Et si au Madagascar l’élection a été boycotté par l’opposition, on notera qu’au Nigeria, après deux mandats à la tête du pays, le président Muhammadu Buhari a quitté le pouvoir et organisé des élections globalement transparentes marquées par l’arrivée au pouvoir de Ahmed Bola Tinubu comme président de la première puissance économique et démographique du continent.
Toutefois, en attendant la présidentielle de la RDC, la seule véritable alternance enregistrée lors des élections de 2023 a concerné le Liberia. Le président sortant George Weah a été battu suite à une très courte victoire par son principal opposant Joseph Boakai. Weah a reconnu sa défaite ouvrant la voie à une alternance pacifique. Un exemple qui devrait inspirer de nombreux pays africains qui connaitront des élections présidentielles en 2024.
La Guerre au Soudan: les risques d’une nouvelle partition du pays
Depuis le 15 avril, une guerre civile opposant le président Abdel Fattah al-Burhane, à la tête des Forces armées soudanaises (FAS) et Mohamed Hamdan Daglo, le chef des forces paramilitaires, appelés Forces de soutien rapide (FSR), ensanglante le pays faisant plus de 10.000 morts et plusieurs centaines de milliers de réfugiés dans les pays voisins (Tchad, Ethiopie, Egypte, Soudan du Sud…)
Surnommé la guerre des généraux, ce conflit armé a provoqué des affrontements dans presque toutes les régions du pays, principalement dans la capitale Khartoum et dans le Darfour. Depuis quelques semaines, les FSR semblent prendre le dessus et contrôlent la capitale (palais présidentiel, aéroport, télévision nationale, sites gouvernementaux…).
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Cette guerre a des conséquences humanitaires catastrophiques. Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), près de 18 millions de Soudanais sont confrontés à une faim aiguë. En plus, plusieurs millions ont quitté le pays pour se réfugier dans les pays voisins.
L’armée régulière du président Abdel Fattah al-Burhane ne tient plus qu’une fraction du territoire entre le Nil et la mer Rouge. Conséquence, le scénario libyen menace de se reproduire au Soudan, un pays qui a déjà connu une partition avec l’indépendance du Sud Soudan et qui fait face à des velléités sécessionnistes au Darfour.
Les soldats français plient bagages
Les tensions entre la France et ses anciennes puissances coloniales se poursuivent et le ressentiment anti-français croit au niveau du continent, notamment dans les pays francophones. Parmi les nombreuses incriminations figure en bonne place la présence des bases et militaires françaises sur le continent. Le sujet revient avec force au cœur des débats à chaque coup d’Etat dans un pays de la sous-région.
Dernière en date au Niger où la France disposait l’un de ses plus gros contingents en Afrique. Via deux bases, l’Hexagone y comptait 1.500 soldats, soit l’équivalent de la force française à Djibouti. Toutefois, vu la position de Paris au lendemain du putsch militaire du 26 juillet au Niger, la junte qui a renversé le président Mohamed Bazoum a décidé de mettre fin aux accords militaires entre les deux pays. Une dénonciation de ces accords qui se traduit par la demande de départ des troupes françaises du pays.
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Ainsi, après des hésitations, Paris a fini par accepter cette exigence qui s’est traduite par la fermeture de ses deux bases militaires. D’ici le 22 décembre, tous les soldats français auront définitivement quitté le Niger. C’est l’aboutissement du divorce entre la France et le Niger.
Pour rappel, 1500 soldats français sont déployés dans le pays pour lutter contre le terrorisme, mais aussi certainement veiller sur les intérêts de la France dans ce pays et au Sahel. Ce départ intervient après les départs des soldats français de la Centrafrique, du Mali et du Burkina Faso. Des départs qui se traduisent par une baisse de la présence française en Afrique. Une présence très décriée au niveau du continent et considérée comme l’un des socles de la françafrique.
Création de l’Alliances des Etats du Sahel
Le champ politique africain a été aussi marqué par la création de l’Alliances des Etats du Sahel (AES) en Afrique de l’Ouest. Cette alliance regroupe trois pays Mali, Burkina Faso et Niger, des pays membres de la Cedeao et qui ont tous été marqués par des coups d’Etat et actuellement dirigés par des juntes militaires.
Les dirigeants des trois pays ambitionnent de transformer cette alliance en une confédération. En attendant, l’alliance est en train de se muer rapidement en une organisation sous régionale politique et économique, alors que l’objectif de départ était tout simplement sécuritaire, et devrait se traduire par une meilleure coordination de la lutte contre le terrorisme au niveau de la zone dite des «Trois frontières».
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Se fixant comme objectif «l’indépendance, la dignité et l’émancipation économique», l’Alliance ne cache pas sa volonté de créer une monnaie commune aux trois pays et ainsi sortir du Franc CFA. Il est aussi question de la création d’une compagnie aérienne unique et de la mise en place de projets communs dont un chemin de fer reliant les trois pays.
Souhaitant couper les relations avec la France, les trois pays comptent s’appuyer sur des partenariats avec la Russie et la Chine.
Beaucoup craignent que cette alliance ne porte préjudice à la Cedeao, un regroupement régional de 15 pays dont ceux de l’AES sont membres. Toutefois, on voit mal ces trois pays, enclavés et donc très dépendants des autres pays de la Cedeao pour leurs importations et exportations. Vouloir s’émanciper de cette organisation, qui, malgré ses insuffisances, constitue un modèle d’intégration sous-régional au niveau du continent africain, peut paraître un challenge de taille.