Libreville est en effervescence. Comme à chaque veille du 17 août, la ville est pavoisée aux couleurs vert-jaune-bleu, le drapeau national, un des symboles du Gabon libéré du joug colonial. Cette année, la fête de l’indépendance post coup d’État ne déroge pas à la tradition des hommages au père de la nation, du très rituel défilé militaire au bord de mer à Libreville, des concerts et autres réjouissances populaires. Mais quel souvenir les Gabonais gardent-ils en réalité de leur tout premier président de la République ?
Si cette question à l’origine bien souvent des colloques scientifiques puise des réponses dans le riche patrimoine politique et humaniste de celui qui fut également maire de Libreville, elle ne semble cependant pas si évidente auprès des nouvelles générations. «Nous sommes au carrefour Léon Mba. Et le simple fait que le carrefour porte son nom me rappelle feu Président Léon Mba. Je sais que c’est le père de la nation. Mais ce que me disait ma grand-mère, son vrai nom c’était Léon Mba Minko Mi Edang», déclare Lionel.
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Ce jeune homme, agent de sécurité d’une agence de micro finance au carrefour éponyme du père de l’indépendance du Gabon, n’en dira pas plus sur Léon Mba au motif, dit-il, de n’avoir pas suffisamment étudié son histoire à l’école.
À un jet de pierre, au carrefour Léon Mba, quartier dans lequel le premier président gabonais avait érigé sa résidence, certains de ses descendants y vivent encore. Bosco, la cinquantaine révolue, veut surtout garder en esprit le défenseur de la culture et l’homme vertueux qu’était son grand-père.
«Ce que je retiens de plus profond, c’est sur les valeurs traditionnelles, culturelles et morales. Il les défendait tel que cela m’a été rapporté par mes parents. C’était par exemple fondamental chez lui de savoir parler fang, notre langue. Et Dieu merci nous avons eu des parents qui ont su nous l’imposer. Parce qu’il arrivait que quand au détour d’une conversation tu plaçais un ou deux mots français, on te ramenait tout de suite à l’ordre. Parce qu’il fallait tout traduire en fang. Il était ancré dans nos rites initiatiques, le bwiti par exemple. Parmi nous, certains l’ont emboîté le pas comme moi, d’autres pas», dit ce fonctionnaire du ministère de la culture.
Pour l’histoire, le Président Léon Mba a quitté la terre des hommes le 27 novembre 1967 à Paris, à la suite d’une longue maladie. Prenait ainsi fin, à 65 ans, une vie riche d’expériences diverses et une longue carrière politique entamée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Autant de choses à découvrir sur ce personnage complexe, aussi complexe que l’est aujourd’hui son héritage. Les descendants du père de l’indépendance du Gabon appellent d’ailleurs le gouvernement à s’investir sur le vaste chantier de restauration de la mémoire de Léon Mba, estimant faire déjà leur part.
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«Léon Mba est entré dans la postérité de la nation gabonaise. Dans mille ans, on parlera toujours de lui. Mais on ne parlera plus des uns et des autres. Il appartient donc à l’État d’œuvrer davantage à la restauration de son image. Il y a déjà des fondements qui ont été posés avec la construction du mémorial Léon Mba. Nous sommes à l’ère de la restauration. Les nouvelles autorités nous ont donné le cap. Il faut prendre l’existant et le réformer. Puis plus tard, on peut mettre en place une fondation Léon Mba», explique Félix Mba, un autre des petits-fils du tout premier Président gabonais.
Inauguré le 28 novembre 2007 par le successeur du père de l’indépendance, feu Omar Bongo Ondimba, le mémorial Léon Mba reste pour beaucoup d’observateurs comme un acte politique et historique fort qui permet de réconcilier le Gabon avec son histoire récente. Par devoir de mémoire, rues, avenues et écoles portent son nom un peu partout dans le pays. Le projet de création de la fondation Léon Mba reste quant à lui entier.
Sur le plan politique, la vision du «vieux» Léon Mba sur un Gabon moderne a toujours divisé l’élite intellectuelle du pays. En outre, la gestion de son héritage familial, confiée aux descendants, n’est pasnon plus un long fleuve tranquille.