M. Blinken, personnellement très impliqué sur ce dossier depuis que les violences ont éclaté dans ce pays stratégique d’Afrique il y a une dizaine de jours, avait annoncé lundi avoir conclu avec les deux généraux qui se disputent le pouvoir un cessez-le-feu de 72 heures sur tout le territoire, entré en vigueur mardi.
De précédentes annonces d’une cessation temporaire des hostilités entre l’armée soudanaise et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) n’avaient pas tenu.
Le cessez-le-feu a été partiellement respecté mardi à Khartoum au moins, mais les paramilitaires du général Mohamed Hamdane Daglo et l’armée du général rival Abdel Fattah al-Burhane se sont mutuellement accusés de le violer.
Dès la semaine dernière, alors qu’il se trouvait en déplacement au Japon, M. Blinken a multiplié les échanges avec les deux généraux rivaux, ainsi qu’avec des pays de la région et l’Union africaine.
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Il s’est entretenu à au moins deux reprises avec le général al-Burhane et son rival dit «Hemedti», et a participé jeudi à une réunion ministérielle avec le président de la Commission de l’Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat, ainsi que d’autres partenaires.
Il a également supervisé l’évacuation de l’ambassade américaine à Khartoum, lors d’une opération héliportée menée par les forces spéciales américaines dans la nuit de samedi à dimanche.
«Certains s’inquiétaient qu’une fois le personnel américain évacué, les Etats-Unis se seraient juste repliés», souligne Susan Stigant, qui dirige le programme Afrique à l’Institut pour la paix à Washington, se félicitant de l’engagement personnel du secrétaire d’Etat américain.
A Washington, des responsables américains ne se faisaient guère d’illusions mais exprimaient l’espoir que chaque «petit pas» puisse rapprocher d’une cessation permanente des hostilités dans l’objectif à terme d’aider à négocier un retour à un pouvoir civil.
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«On espère que ce cessez-le-feu ne soit pas juste durable mais qu’il soit respecté et amplifié», a déclaré mardi à la presse le porte-parole du département d’Etat, Vedant Patel.
L’ambassadeur des Etats-Unis à Khartoum, John Godfrey, qui a été évacué samedi, ainsi que la sous-secrétaire d’Etat pour l’Afrique, Molly Phee, ont été particulièrement à la manoeuvre dans les négociations du cessez-le-feu, avec l’entremise aussi de l’Arabie saoudite et des Emirats, deux puissances arabes ayant d’importants investissements au Soudan.
«Assez pessimiste»
Les Etats-Unis ont été un acteur clé au Soudan depuis des décennies, Washington ayant aidé à conclure l’accord en 2005 mettant fin à la guerre civile et résultant dans l’indépendance du Soudan du Sud.
Mais l’influence de Washington s’est «réduite de façon substantielle» ces dernières années, relève Cameron Hudson, du Center for Strategic and International Studies.
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«Que nous ayons ou pas un pouvoir d’influence, on nous regarde comme disposant de ce pouvoir d’influence et donc avec un rôle à jouer», dit-il en arguant que les Etats-Unis ont encore la capacité de mettre en place des coalitions diplomatiques.
L’expert se dit par contre «assez pessimiste» sur les chances que le cessez-le-feu puisse durer doutant «de l’intérêt des deux belligérants à négocier».
«Ca fait 10 jours qu’ils se battent, 24 heures sur 24. Ils sont fatigués et ont besoin d’une pause, de se regrouper et de se ravitailler», ajoute-t-il, en craignant que le cessez-le-feu ne serve que «les intérêts des protagonistes».
Susan Stigant relève elle la difficulté de faire respecter ce cessez-le-feu, qu’il faudrait presque vérifier «quartier par quartier».
Quant à la proposition de M. Blinken de mettre en place une «commission» de négociation dont les contours restent indéterminés, elle insiste sur la nécessité d’être «très attentif à ne pas créer un choix faussement binaire entre les deux généraux - il doit y avoir une troisième voie».