Les Guinéens votent en vue d’un retour à l’ordre constitutionnel, l’opposition boycotte

Le chef de la junte, le général Mamadi Doumbouya.

Le 21/09/2025 à 07h44

Quatre ans après la prise du pouvoir par des militaires, les Guinéens se prononcent dimanche sur un projet de nouvelle Constitution visant à la fin de la transition, mais qui permettrait au chef de la junte de se présenter à une future présidentielle, ce que fustige l’opposition appelant au boycott.

Quelque 6,7 millions de Guinéens, sur environ 14,5 millions d’habitants, sont appelés aux urnes de 08H00 à 18H00 (locales et GMT). Les résultats sont attendus à partir de mardi soir, selon la Direction générale des élections (DGE).

Espéré depuis des années par la population et la communauté internationale, ce scrutin ouvre une séquence clef dans ce pays parmi les plus pauvres du monde, dirigé d’une main de fer par le général Mamadi Doumbouya depuis qu’il a renversé le président civil élu Alpha Condé en 2021.

La Guinée, qui possède d’immenses réserves de ressources naturelles, est marquée par les coups d’Etat et la violence des régimes autoritaires.

Dispositif de sécurité

Pas moins de 45.000 agents des forces de défense et de sécurité sont mobilisés dimanche pour sécuriser le vote, ainsi qu’un millier de véhicules légers et blindés et des hélicoptères de combat, a précisé la gendarmerie nationale.

Les militaires s’étaient initialement engagés à rendre le pouvoir aux civils avant fin 2024.

Les autorités ont annoncé des élections présidentielle et législatives en vue d’un retour à l’ordre constitutionnel avant la fin de cette année, sans toutefois donner de date.

La campagne pour le «oui» au référendum a été ostentatoire à travers le pays et largement incarnée par Mamadi Doumbouya, 40 ans, à grand renfort d’affiches à son effigie, rassemblements et fanfares.

Celle du «non» a, elle, été quasi inaudible, et s’est faite via des messages sur les réseaux sociaux essentiellement de personnalités en exil. Une chape de plomb s’est abattue en Guinée sur les voix dissidentes depuis l’arrivée des militaires au pouvoir.

Plusieurs partis politiques et médias ont été suspendus, les manifestations - interdites depuis 2022 - sont réprimées, et de nombreux dirigeants de l’opposition ont été arrêtés, condamnés ou poussés à l’exil. Les disparitions forcées et enlèvements se sont multipliés, rapportent les défenseurs des libertés.

Le 23 août, la junte a suspendu pour trois mois deux des principaux partis d’opposition.

«Mascarade»

Dans ce contexte, l’opposition a appelé les Guinéens à rester chez eux, dénonçant «une mascarade électorale», aux résultats «connus d’avance». Elle accuse la junte de vouloir se maintenir au pouvoir à la faveur de ce référendum.

Si elle est adoptée, cette Constitution remplacera la «Charte de la transition», établie par la junte après le coup d’Etat et qui interdisait notamment à ses membres de se présenter aux élections.

Or, cette interdiction ne figure plus dans le projet de Constitution, ouvrant la voie à une candidature du général Doumbouya.

«La Guinée aspire à une dynamique de changement, de rassemblement», a dit à l’AFP le Premier ministre Amadou Oury Bah. Ce projet constitutionnel prend en compte «toutes les revendications» des Guinéens depuis 30 ans, a-t-il assuré, comme la possibilité de candidatures indépendantes à la présidentielle.

Il instaure aussi une Haute Cour de justice pour juger les présidents et membres du gouvernement et lutter contre l’impunité, et un Sénat pour équilibrer les pouvoirs. Il prévoit un quota obligatoire d’au moins 30% de femmes aux postes décisionnels et électifs.

Mais en affirmant la nécessité pour être candidat à une présidentielle d’«être âgé de 40 au moins et de 80 ans au plus» et d’avoir «sa résidence principale» en Guinée, le texte exclut de fait deux des principaux opposants: l’ex-président Alpha Condé, 87 ans, exilé à Istanbul, et l’ex-Premier ministre Cellou Dalein Diallo, 73 ans, en exil entre Dakar et Abidjan.

Depuis le coup d’Etat, la Guinée est suspendue par l’Union africaine (UA) et elle n’est pas invitée à participer aux réunions de chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), qui a dépêché une mission dans le pays arrivée ces derniers jours.

Dans un message sur X, le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme a «exhorté les autorités militaires à s’assurer que le référendum se passe dans le calme et la transparence», estimant que la «récente suspension de partis politiques et de médias soulèvent de graves questions concernant l’inclusivité et la participation libre de tous» à ce scrutin.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 21/09/2025 à 07h44