L’offensive allemande, lancée par l’ancienne chancelière Angela Merkel ces dernières années, se poursuit par son successeur, le chancelier Olaf Scholz. Celui-ci s’est rendu le 29 octobre 2023 au Nigeria avant de s’envoler vers le Ghana dans ce qui constitue son 3e déplacement en Afrique en moins de deux ans en tant que chancelier. Parallèlement, le président allemand, Frank-Walter Steinmeier, se rend à partir du 30 octobre en Zambie et en Tanzanie.
A travers ces visites, l’Allemagne confirme que l’Afrique est désormais une de ses priorités. Echaudée par la crise Russie-Ukraine et la réduction des livraisons de gaz russe, l’Allemagne cherche à diversifier ses sources d’approvisionnement énergétique. Le pays ne souhaite plus dépendre d’un seul grand fournisseur. A ce titre, les pays africains sont ciblés comme potentiels fournisseurs énergétiques à l’Allemagne. Avec le début du remodelage des relations internationales, l’Allemagne se positionne sur l’Afrique qu’elle avait délaissée.
C’est dans cette optique qu’on comprend les nombreuses visites du chancelier allemand en Afrique.
Cette visite revêt un cachet particulier. Le Nigeria et le Ghana sont les deux premières puissances économiques de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO). Plus important encore, le Nigeria, première puissance économique africaine et également le pays le plus peuplé du continent, est aussi le premier producteur de pétrole d’Afrique. Le Nigeria dispose également des plus importantes réserves de gaz d’Afrique. Pour l’Allemagne, ce pays présente des atouts indéniables en tant que source d’approvisionnement en hydrocarbures, notamment en gaz.
Lire aussi : Energie: sevrée de gaz russe, l’Allemagne se tourne vers l’Afrique pour sécuriser ses approvisionnements
D’ailleurs, lors de sa visite, il a expliqué dans un entretien accordé à un journal nigérian The Punch que «les entreprises allemandes s’intéressent à des livraisons de gaz provenant du Nigeria et attendent avec impatience une coopération avec des entreprises gazières nigérianes».
Au-delà de l’énergie, l’Allemagne cherche aussi des débouchés pour ses produits et des opportunités d’investissement au niveau de la région.
En effet, en s’implantant au Nigeria et/ou au Ghana, les entreprises allemandes pourront accéder au vaste marché ouest-africain de la CEDEAO, le regroupement régional le mieux avancé du continent. Au niveau des investissements, outre le gaz, les Allemands sont également intéressés par les minerais, notamment les stratégiques, pour la transition énergétique. Et cela tombe bien.
Le Nigeria, qui dispose d’importantes ressources minérales, a jusqu’à présent privilégié les investissements dans les hydrocarbures. Toutefois, les nouvelles autorités comptent changer la donne en accordant un intérêt particulier au secteur des mines qui pèse actuellement à peine 1% du PIB du pays.
Lire aussi : Les entreprises allemandes envisagent d’augmenter leurs investissements en Afrique en 2023
Par ailleurs, les Allemands sont très intéressés par les investissements dans les infrastructures, notamment le ferroviaire. Mais sur ce segment, si les Allemands disposent de la technologie et de la qualité nécessaires, il leur sera difficile de rivaliser avec la Chine. Cette dernière apportant, en plus les financements pour la réalisation de ces infrastructures. Un plus qui fait que les investissements chinois en Afrique connaissent une forte hausse, notamment dans le domaine des infrastructures.
En plus de l’énergie, des échanges commerciaux et des investissements qui sont au cœur des visites des dirigeants allemands, d’autres volets seront au menu de ces déplacements parmi lesquels, la migration. Un volet qui inquiète de plus en plus les pays européens qui voient mal l’arrivée massive de migrants clandestins africains sur le vieux continent.
Seulement, sur ce volet sensible, les Allemands ont une vision différente des Français. En effet, si Berlin souhaite que les pays africains acceptent le rapatriement des demandeurs d’asile déboutés, Berlin ouverte à l’accueil d’une main-d’œuvre qualifiée dont l’Allemagne, confrontée au vieillissement de sa population, a grandement besoin.
En mai 2022, juste après le déclenchement de la guerre Russie-Ukraine, le chancelier allemand avait entrepris son premier périple africain qui l’a mené dans trois pays du continent: Sénégal, Niger et Afrique du Sud. Au cœur de ce déplacement, l’énergie. Le Sénégal devant être un nouveau producteur de gaz à partir de 2024, l’Allemagne lorgne le potentiel gazier de ce pays ouest-africain et la possibilité de s’y approvisionner.
Lire aussi : Face aux craintes de pénuries de gaz, l’Europe cherche son salut en Afrique
Une année après cette première visite, le chancelier allemand s’est rendu en Ethiopie et au Kenya. Lors de cette visite en Ethiopie, le chancelier allemand a clairement expliqué la politique qu’il compte désormais mener. «C’est le moment où nous devons prendre un nouveau départ concernant les relations Nord-Sud. [Cela] doit nous permettre de développer des perspectives communes avec de nombreux pays du Sud sur un pied d’égalité».
Plus explicite, il ajoutera, «Nous devons nous préparer à un monde qui sera multipolaire, et dans lequel beaucoup de pays du Sud global auront une grande importance». Depuis lors, l’Ethiopie, 4e puissance économique et 2e puissance démographique africaine, l’une des économies les plus dynamiques du continent au cours de ces quinze dernières années, a été acceptée par les BRICS, un club qu’il va rejoindre en janvier prochain.
On le voit bien, en moins de deux ans à la tête de l’Allemagne, le chancelier a visité sept pays africains: Sénégal, Niger, Afrique du Sud, Ethiopie, Kenya, Nigeria et Ghana. Mais la tâche est ardue. Alors, le président allemand Frank-Walter Steinmeier est appelé à la rescousse pour confirmer ce regain d’intérêt de l’Allemagne pour l’Afrique. Ainsi, parallèlement à la visite du chancelier en Afrique de l’Ouest, le président allemand se rend en Zambie et en Tanzanie pour des visites qualifiées de stratégiques.