Mangosuthu Buthelezi, faucon zoulou de l’Afrique du Sud

Le prince Mangosuthu Buthelezi, prince principal de la nation zouloue et ancien chef du Parti de la liberté Inkatha (IFP), lors de la célébration de la Journée du roi Shaka près de la tombe du grand roi zoulou Shaka à Kwadukuza, le 24 septembre 2019.. AFP or licensors

Le 09/09/2023 à 07h41

A la fois respecté et craint, le Zoulou Mangosuthu Buthelezi a marqué l’histoire de l’Afrique du Sud avec le redouté parti Inkhata, à l’origine de violences sanglantes dans le pays avant les premières élections mutiraciales en 1994.

Né en août 1928 au sein de la famille royale zouloue, Mangosuthu Gatsha Buthelezi, mort samedi à 95 ans, a longtemps incarné l’esprit fier et guerrier de plus puissante tribu du pays. Pour certains, il ressemblait dangereusement à un chef guerrier.

Il a longtemps été défini par sa rivalité amère avec le parti au pouvoir, le Congrès national africain. D’abord membre de l’ANC, il a créé le parti nationaliste Inkatha Freedom (IFP) en 1975, initialement envisagé comme une organisation culturelle zouloue.

Ce mouvement, qu’il a dirigé plus de quarante ans, a mené des guerres territoriales sanglantes avec les militants de l’ANC dans les townships à majorité noire des années 1980 et 1990.

En 2019, à 90 ans, il annonce ne pas se représenter à sa propre succession.

Ayant occupé les fonctions de Premier ministre du bantoustan du Kwazulu - ces entités territoriales pseudo «indépendantes» assignées aux Noirs sous l’apartheid-, Mangosuthu Buthelezi a souvent été accusé d’avoir collaboré ou d’avoir été un allié de ce régime raciste, ce qu’il a toujours farouchement nié.

Il a été accusé d’avoir joué le jeu du pouvoir blanc en incitant les violences contre l’ANC juste avant les élections historiques de 1994, qui auraient pu faire dérailler le mouvement de libération contre l’apartheid.

Rivalités territoriales

Cet homme élancé, lunettes rectangulaires et sourire gourmand, se recouvrait régulièrement de peaux de léopard, une tradition zouloue, pour mener des défilés de militants Inkhata, portant boucliers et lances, dans ses bastions de Johannesburg ou Durban.

Dans les années 1980, les dissensions entre son parti et l’ANC s’approfondissent. Buthelezi questionne les stratégies anti-apartheid de l’ANC, critique Nelson Mandela, alors en prison, l’accusant d’affaiblir les positions noires.

Il agace aussi les mouvements de libération en appelant à des investissements étrangers accrus en Afrique du Sud, contrant leurs appels à des sanctions économiques pour peser contre le régime raciste.

Les violences entre militants de l’Inkhata et leurs opposants s’intensifient au milieu des années 1980, faisant plus de 5.000 morts.

En janvier 1991, Mandela et Buthelezi se rencontrent, une première en douze ans, et appellent à la fin des affrontements et à la tolérance politique.

Mais dès l’année suivante, des militants Inkhata, soutenus par les forces de sécurité de l’apartheid, commettent de nouvelles violences à Johannesburg et au Kwazulu Natal, province historique du peuple zoulou.

Orateur charismatique en dépit d’un fort bégaiement, Buthelezi accuse l’ANC de ces violences dont l’intensité croissante a fait craindre une guerre civile. Le gouvernement de l’apartheid ne s’affole pas de ces violences «noirs contre noirs» comme il les appelle.

«Foutaises, ce sont des foutaises. Toute ma vie j’ai adhéré aux préceptes de la chrétienté», se défendait Buthelezi face aux accusations d’incitation à la violence.

Guerrier zoulou

Un nouveau déferlement opposant ANC et IFP dans les mois qui précèdent les élections de 1994 fait douze mille morts.

Buthelezi menace alors de boycotter le scrutin, affirmant qu’il serait «impossible» pour ses partisans de participer, mais change d’avis une semaine avant, à l’issue d’interventions frénétiques de part et d’autre.

Son parti remporte la province du KwaZulu-Natal et obtient de bons scores à Johannesburg. Il devient ministre de l’Intérieur et entame l’une des plus longues carrières parlementaires du pays.

Sa formation politique a perdu beaucoup d’influence au fil du temps, entre querelles autour de sa direction et appels à son retrait pour laisser place à du sang neuf.

En septembre 1998, le président Mandela se trouve à l’étranger et Buthelezi, qui assure son interim, autorise une funeste invasion militaire du Lesotho, royaume enclavé à l’intérieur de l’Afrique du Sud.

Buthelezi figure aussi dans le livre des records Guinness pour le plus long discours en mars 1993 devant une assemblée législative, réparti sur onze jours avec en moyenne deux heures et demi de prise de parole par jour.

Au début des années 2020, le nonagénaire a été le porte-parole du roi coutumier zoulou.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 09/09/2023 à 07h41