Entre la Mauritanie et le Sénégal, les relations multidimensionnelles sont historiques. Et la durée de la visite de 3 jours du Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko renseigne sur l’importance des sujets au menu des entretiens, avec son homologue mauritanien, Moctar ould Diaye: pêche artisanale, lutte contre l’immigration irrégulière, sécurité transfrontalière, achèvement des travaux du pont de Rosso reliant les deux pays séparés par le fleuve Sénégal et surtout, la mise en œuvre de la deuxième phase du projet du champ gazier transfrontalier offshore, Grand Tortue Ahmeyim dont la production de gaz naturel liquéfié a été annoncée le 31 décembre 2024 par un communiqué conjoint des deux gouvernements.
Selon certaines estimations, sur 20 ans, Grand Tortue Ahmeyim devrait rapporter entre 80 et 90 milliards de dollars de recettes pour la Mauritanie et le Sénégal. Seulement, ces recettes dépendent aussi des coûts pétroliers engagés par BP qui détient 61% du projet. Or, la première phase du projet a connu une explosion des coûts d’environ 60% des investissements prévus initialement. Sénégal et Mauritanie ont engagé des audits pour remettre en cause ce surcoût.
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Ahmed Cheikh, directeur de la publication de «Calame» rappelle que «les relations entre la Mauritanie et le Sénégal sont extrêmement importantes pour les deux pays. «Ce sont des rapports séculaires, tissés par la géographie, l’histoire, l’économie, la sociologie… Ces deux pays peuvent être qualifiés de frères siamois car inséparables».
Il rappelle par la suite «les envolées populistes du Premier ministre sénégalais au sujet des rapports avec la Mauritanie pendant la campagne électorale pour les législatives du 17 novembre 2024 notamment la revitalisation des vallées fossiles et une éventuelle révision de l’accord sur le partage du gaz. Confronté aux réalités de l’exercice du pouvoir, il se rend compte que son option n’est pas réaliste, car les Etats ont signé des conventions, qui servent de cadre aux relations sur lesquelles ils ne peuvent pas revenir du jour au lendemain.»
Dans le même ordre d’idée, il rappelle que la première visite à l’étranger du nouveau président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, a été consacrée à la Mauritanie, consolidant ainsi un partenariat historique, aujourd’hui cimenté par l’exploitation commune du champ gazier transfrontalier offshore, Grand Tortue Ahmeyim dont le développement de la deuxième phase constitue le fil rouge de la visite du Premier ministre sénégalais.
Un enjeu qui porte sur une harmonisation des positions de Nouakchott et Dakar face à BP dont le développement de la première phase a été marqué par des surcoûts liés au retard de l’achèvement de la première phase de GTA, en plus de nombreuses autres questions dont l’octroie de licences de pêche aux pêcheurs sénégalais, l’immigration clandestine, la transhumance du bétail mauritanien durant les périodes de soudure…
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Pour Moussa Hamed, ex-DG de l’Agence de presse gouvernementale «la visite d’un haut responsable sénégalais en Mauritanie, surtout un Premier ministre, est toujours d’une très grande importance. Le fait que le président sénégalais ait consacré son premier voyage à l’étranger, à la Mauritanie, est un élément encourageant pour les deux pays. Personnellement, quand je traverse la frontière du Sénégal, je ne me sens pas à l’étranger. C’est le cas pour de nombreux Mauritaniens mais aussi des Sénégalais. »
Il se réjoui de constater que la géographie et le réalisme ont pris le dessus sur «le discours du Premier ministre sénégalais qui n’a pas toujours été positif en parlant des relations avec la Mauritanie.» Sur l’enjeu capital du voyage, cet analyste évoque le problème crucial de la sécurité au Sahel qui concerne ces deux pays stables, dans une région en proie à la déstabilisation la violence des groupuscules terroristes.