Mauritanie-Sénégal: pour une stratégie économique qui paie... enfin

Le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko (g) à côté Premier ministre mauritanien Moctar Ould Diay.

Le 17/01/2025 à 16h06

VidéoCe n’est certainement pas le hasard de l’agenda qui a incité Bassirou Diomaye Faye à consacrer son premier déplacement à l’étranger à la Mauritanie, pays où vient de séjourner son Premier ministre, Ousmane Sonko. Les ingrédients de la réussite de la coopération entre les deux voisins ne manquent pas. Les autorités mettent enfin les bouchées doubles pour trouver la recette que chacun puisse trouver à son goût. Et qui fait saliver les deux parties depuis 1972.

Lors de son séjour à Nouakchott, qui s’est achevé le 14 janvier, Ousmane Sonko a évoqué avec son homologue mauritanien, Moctar Ould Diay, un projet à la charge symbolique très forte: le pont de Rosso dont la construction n’a que trop tardé. D’un coût total évalué à 87,62 millions d’euros, l’ouvrage permettra de relier les 1.461 mètres qui séparent la rive mauritanienne de la rive sénégalaise du fleuve Sénégal. Alors que le chantier a été lancé il y a deux ans, seulement 30% du pont ont été réalisés. Un comité mixte a donc été mis en place pour en accélérer la construction en 2026. La traversée de nombreux voyageurs, véhicules particuliers et transports de marchandises est actuellement assurée par des bacs plusieurs fois par jour.

Pont de Rosso, une passerelle stratégique et économique

L’inscription d’une telle infrastructure dans l’ordre du jour du séjour Ousmane Sonko à Nouakchott n’est pas fortuite et devra renforcer les échanges commerciaux que les deux voisins jugent «insuffisants» en dépit de la hausse de 184% des exportations sénégalaises vers la Mauritanie ces cinq dernières années: «ces échanges restent en deçà de leur potentiel, notamment en raison d’une sous-exploitation par les opérateurs économiques, en particulier dans le secteur industriel» avait déclaré le ministre sénégalais de l’Industrie et du Commerce, Serigne Guèye Diop, lors de la première édition du Forum économique Sénégal-Mauritanie en septembre 2024 à Dakar.

Pour Yassine Fall, ministre sénégalaise de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères, le nouvel élan des échanges commerciaux passe nécessaire par la levée des «défis liés à la mise en œuvre des mécanismes de coopération dans l’esprit de l’accord portant création de la Grande commission mixte de coopération sénégalo-mauritanienne, signé le 14 janvier 1972 à Dakar. Il a été convenu d’organiser chaque année une session de cette commission mixte sous la présidence des deux Premiers ministres». Il n’est donc pas anodin qu’Ousmane Sonko ait rencontré le patronat mauritanien pour dégager les pistes du renforcement de ces échanges.

Et les secteurs prometteurs ne sont pas rares. Mohamed Salem ould Merzough, ministre des Affaires étrangères de Mauritanie, insiste sur «le renforcement de la coopération dans les domaines de la sécurité, des conditions de séjour et d’établissement des ressortissants dans chacun des deux pays, de l’énergie, des transports, de la pêche, de la migration et de l’élevage, entre autres.»

En plus des secteurs économiques traditionnels, une nouvelle opportunité vient de prendre forme. Le 31 décembre 2024 est une journée à marquer d’une pierre blanche. C’est en effet lors du dernier jour de l’an que les premiers mètres cubes de gaz sont sortis des profondeurs de l’un des puits de l’important gisement de gaz Grand Tortue Ahmeyim situé à 115 km au large des côtes mauritano-sénégalaises. Selon certaines estimations, sur 20 ans, le projet devrait rapporter entre 80 et 90 milliards de dollars de recette pour la Mauritanie et le Sénégal. Mais auparavant, les des États devraient régler le litige qui les oppose au Britannique BP, chargé de l’exécution du projet, soupçonné de surfacturation. Les deux pays ont décidé de faire front commun.

À l’issue de la visite, Nouakchott et Dakar «ont réaffirmé leur détermination à œuvrer conjointement, pour la stabilité, la sécurité et le développement dans la région du Sahel et souligné l’importance de renforcer la collaboration au sein des cadres régionaux, afin de relever les défis liés à la paix, la lutte contre le terrorisme et la résilience climatique.»

Par Amadou Seck (Nouakchott, correspondance)
Le 17/01/2025 à 16h06