Le pays le plus peuplé d’Afrique (environ 215 millions d’habitants) s’apprête à voter le 25 février pour désigner un nouveau président, après les deux mandats de l’actuel chef de l’Etat Muhammadu Buhari marqués par une insécurité rampante, devenue quasi-généralisée, et une grave crise économique.
A 76 ans, «Atiku» - comme l’appellent les Nigérians - est le candidat du principal parti d’opposition, le PDP, dans une course serrée face au candidat du parti au pouvoir (APC) Bola Tinubu, et l’outsider de cette présidentielle Peter Obi, du parti travailliste.
A Kano, la semaine dernière, le candidat a paradé dans un bus à ciel ouvert à l’occasion d’un meeting organisé dans la plus grande ville du Nord.
Selon un habitant interrogé sur place, Oladipo Abodunmin, Atiku est l’homme capable de remettre le Nigeria sur les rails: «J’ai vu ce qu’il a fait, quand il était vice-président», a assuré ce vendeur.
Des chants «Goodbye APC, Goodbye APC» ont retenti dans le stade où certains brandissaient des drapeaux ou des bannières du PDP. D’autres, encore, scandaient: «Encore quelques pas, père Atiku».
Mais cet ancien vice-président peut-il enfin arracher la présidence après de multiples tentatives infructueuses?
Selon les analystes, il a davantage de chance de l’emporter que lors de la présidentielle de 2019 face au président Buhari.
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Son expérience en politique, mais aussi le réseau national de son parti, implanté dans tous le pays, sont des atouts. «Il dispose de nombreux avantages pour ce scrutin», selon Kabiru Sufi, professeur d’Affaires publiques à l’université de Kano.
«Et au lieu de faire face à un seul candidat important, il concourt cette fois avec deux ou trois autres favoris».
Accusations de corruption
En tant que musulman, originaire de l’Etat d’Adamawa dans le nord-est, Atiku pourrait séduire certaines parties du nord à prédominance musulmane, où résident les plus grands blocs d’électeurs.
Et face à un parti au pouvoir depuis huit ans avec un bilan jugé catastrophique par l’opinion publique, le PDP pourrait apparaître comme une force renouvelée, selon les dirigeants du parti.
Le PDP a gouverné le Nigeria de la fin du régime militaire en 1999 à 2015, lorsque la nouvelle alliance APC a réussi à faire élire Buhari.
Toutefois, selon les experts, M. Abubakar pourrait avoir du mal à capter l’électorat jeune - 40% des électeurs inscrits ont moins de 35 ans.
Accusé de corruption, ce qu’il a nié à plusieurs reprises, et fort de plusieurs décennies d’expérience politique, Abubakar doit se défaire de son image de politicien de la vieille garde ayant peu de nouveautés à offrir.
Un parti divisé
Alors qu’il était vice-président (1999-2007), il a supervisé la privatisation d’entreprises publiques mal gérées, mais les critiques l’ont accusé d’en avoir profité.
Il a toujours nié toute accusation et n’a jamais été condamné. Sa campagne le dépeint comme un homme qui a réussi à s’enrichir grâce à des investissements dans le pétrole, le gaz et les services portuaires.
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Mais Peter Obi, du Parti travailliste, qui conteste la longue domination de l’APC et du PDP, risque de drainer les voix des bastions du PDP dans le sud-est du pays, selon les analystes.
La scission avec le puissant gouverneur PDP de l’État de Rivers, dans le sud-est du pays, l’un des quatre premiers États en nombre d’électeurs, pourrait également lui être dommageable.
En choisissant Atiku, un musulman du nord-est, le PDP a rompu un accord informel selon lequel la présidence devait tourner entre le nord et le sud.
Après le président Buhari, musulman originaire du nord-ouest, de nombreux électeurs et politiques du Sud s’attendaient à un candidat de leur région.
Certains estiment qu’Abubakar a perturbé l’équilibre du parti.
Mais les récentes pénuries d’argent liquide, après une brusque décision de la Banque centrale de remplacer les anciens billets par de nouveaux, a suscité la colère des électeurs, notamment envers le parti au pouvoir, ce qui pourrait lui profiter.