Rwanda: le prix de la rupture diplomatique avec la Belgique

Plusieurs pays africains dépendent fortement de l'imposition des entreprises multinationales. Par exemple, les autorités du Rwanda ont déclaré que 70% de son assiette fiscale provenait d'entités multinationales.

Le 28/04/2025 à 17h12

Fermeture d’une école belge réputée et restitution de fonds: les premiers effets de la rupture diplomatique entre le Rwanda et la Belgique se font déjà sentir dans le petit pays d’Afrique des Grands Lacs, critiqué pour son soutien au groupe armé M23 dans l’est de la RDC.

Après avoir expulsé les diplomates belges en mars, Kigali a publié une directive interdisant à toutes les organisations présentes sur son territoire de collaborer avec les institutions de l’ancienne puissance coloniale.

«Le gouvernement a peut-être des raisons concrètes pour agir ainsi», déclare à l’AFP Aflodis Kagaba, directeur exécutif de l’Initiative pour le développement de la santé (HDI-Rwanda), soulignant qu’il est désormais important de «trouver une solution durable au financement» de son ONG.

HDI-Rwanda, qui intervient dans des domaines parfois délicats liés à la sexualité, notamment la distribution de préservatifs dans les écoles et le soutien aux travailleuses du sexe, a dû restituer à son bailleur de fonds belge l’équivalent d’environ 105.000 euros destinés à un programme de sensibilisation.

La rupture diplomatique entre les deux pays a eu lieu juste après l’annonce par les Etats-Unis de coupes massives dans leur aide internationale qui avaient déjà affecté les programmes de santé.

Kigali reçoit chaque année plus d’un milliard de dollars d’aide internationale, un revenu substantiel quand ses derniers budgets annuels avoisinaient les 4 milliards.

Ancienne puissance coloniale à la fois en République démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre) et au Rwanda, la Belgique a été l’un des pays les plus critiques de Kigali depuis l’offensive éclair du M23 dans l’est de la RDC lancée en décembre.

« Plier bagage»

Le groupe armé M23, soutenu par des soldats rwandais, a pris depuis janvier le contrôle de Goma, capitale du Nord-Kivu, et en février de Bukavu, capitale du Sud-Kivu. En mars, le Rwanda a été visé par des sanctions internationales, et a rompu ses relations avec Bruxelles.

Le Rwanda et la Belgique avaient promis que les citoyens et les entreprises ne seraient pas affectés. Mais de nombreux secteurs ont été impactés.

Le gouvernement rwandais a ordonné à l’Ecole belge de Kigali, une institution internationale réputée, de suspendre son programme belge, financé par l’ambassade.

Le gouvernement «dit en fait à l’école de plier bagage et de fermer», déclare à l’AFP un responsable du ministère de l’Education sous couvert d’anonymat.

«Il est inconcevable qu’une école internationale aussi réputée et historique adopte un programme rwandais», ajoute-t-il.

Certains analystes estiment toutefois que les dégâts pourraient être limités, la Belgique fournissant moins de 20 millions d’euros par an à l’aide au développement.

Les coupes budgétaires dans les projets de santé et d’éducation auront un impact, mais le gouvernement trouvera probablement des financements alternatifs, estime Phil Clark.

«Ne pas se laisser intimider»

«Paradoxalement, cela pourrait inciter l’Etat rwandais à rechercher davantage de richesses minières dans l’est du Congo pour combler tout déficit d’aide des donateurs étrangers», ajoute le professeur de politique internationale à l’Ecole d’études orientales et africaines de Londres.

Le Rwanda est accusé d’utiliser le M23 pour détourner à son profit les vastes ressources naturelles de l’est de la RDC, en proie à des conflits depuis 30 ans.

Mais pour M. Clark, l’impact le plus conséquent est la perte d’influence du Rwanda sur l’Union européenne, dont le siège est à Bruxelles.

«Le Rwanda est un petit pays, mais (oil) ne devrait pas se laisser intimider», déclare à l’AFP Louis Gitinywa, un avocat et analyste politique rwandais. «Depuis des décennies, la Belgique alimente ses intérêts stratégiques dans la région.»

De nombreux pays, selon lui, profitent du chaos en RDC. «Pourquoi le Rwanda devrait-il être puni pour cela alors qu’il a des justifications sécuritaires légitimes?»

Le président rwandais Paul Kagame affirme que sa priorité est de détruire les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), groupe armé créé par d’anciens responsables hutus du génocide des Tutsis au Rwanda en 1994, installé dans l’est de la RDC.

Néanmoins, M. Gitinywa estime que Kigali «ne doit pas se contenter d’insulter les Belges». «Nous avons besoin d’un plan à long terme pour atténuer les effets des sanctions», insiste-t-il.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 28/04/2025 à 17h12