Une année après la création de l’Alliance des Etats du Sahel AES) dont le premier anniversaire a été célébré le 16 septembre, force est de constater qu’on se dirige de plus en plus vers le retrait définitif des pays sahéliens de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao). Et c’est le 30 janvier 2025, soit une année après la réception des lettres de «notification formelle et directe» du Mali, du Burkina Faso et du Niger, confirmant leur volonté de quitter l’organisation régionale que la Cedeao actera la séparation. Même si les pays de l’AES ont clairement signifié, dès le départ, que leur retrait est «sans délai», la procédure doit être respectée.
Ce délai d’un an est mis à profit pour discuter avec le candidat au départ et éventuellement de régler les différends et de discuter des modalités de la séparation. A ce titre, il faut souligner que depuis la création de la Cedeao, un seul membre fondateur, la Mauritanie, a quitté l’organisation régionale considérée comme étant la mieux organisée et la mieux aboutie au niveau du continent.
En tout cas, presque 8 mois après l’envoi des notifications formelles de retrait par les trois pays de l’AES, aucune avancée devant mener au retour des trois pays dans le giron de la Cedeao n’a été constatée. Au contraire, tout semble indiquer qu’on se dirige vers la séparation entre les deux entités.
D’abord, en matière de négociations, si le président sénégalais et son homologue togolais ont été désignés par leurs pairs de la Cedeao en tant que médiateurs entre les deux parties, rien de concret n’a été jusqu’ici signalé.
Si la Cedeao dit vouloir trouver «une solution négociée à l’impasse politique» et lever les sanctions à l’encontre des trois pays, les mesures prises par les pays de l’AES indiquent clairement que le retrait est irréversible.
Le lendemain de la réunion des dirigeants de la Cedeao à Abuja, au Nigeria, le 8 juillet dernier, Abdoulaye Diop, ministre malien des Affaires étrangères, a fait une déclaration sur la télévision d’Etat du Mali pour réaffirmer que le retrait des trois pays de l’AES était irréversible, expliquant que le Mali reste ouvert à la coopération avec la Cedeao. La visite du Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko en août dernier à Bamako n’a pas permis d’aplanir la position de Bamako.
D’ailleurs, les pays de l’AES n’ont cessé de de continuer à poser des jalons qui montrent clairement que la séparation est actée. Après la création en septembre 2023 de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), en juillet 2024, et pour consolider leurs relations, les trois pays ont créé la Confédération des Etats du Sahel. Afin de renforcer cette coopération entre les trois Etats, les dirigeants travaillent sur la mise en place d’infrastructures nécessaires afin de renforcer la connexion entre les trois pays.
Et plus récemment, le président Assimi Goïta du Mali a annoncé le lancement très prochain de nouveaux passeports biométriques. «Dans les jours qui viennent, un nouveau passeport biométrique de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) sera mis en circulation, avec pour objectif d’harmoniser les titres de voyages dans notre espace commun», a-t-il annoncé lors d’une allocution télévisée le 15 août dernier. Cet acte signifie que les trois pays ne vont plus utiliser les documents (passeport et carte d’identité) estampillés Cedeao.
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En attendant la mise en circulation d’une monnaie unique entre les trois pays, remplaçant le franc CFA, en cours au niveau des pays de l’Union économique et monétaire ouest-africain (Uemoa) dont les trois pays sont membres, il semble essentiel que les deux parties se penchent déjà sur la coopération post-séparation. Et les dossiers à solutionner sont nombreux.
Il y a surtout le problème de la libre circulation des biens et des personnes qui se pose dès lors que les trois pays ne sont plus membres de l’organisation ouest-africaine. Une rupture sans négociation se traduira par un arrêt de la libre circulation des biens et des personnes entre les deux blocs. Cela voudrait dire la mise en place de taxes douanières aux frontières et de visas pour se déplacer entre ces deux entités. A ce titre, tout en confirmant que le retrait de son pays de la Cedeao est définitif, le ministre des Affaires étrangères du Mali, Abdoulaye Diop, s’est dit ouvert à la coopération avec l’organisation et s’est élevé contre l’instauration éventuelle de visas pour les ressortissants des rois pays voyageant dans l’espace Cedeao. La question est d’autant plus complexe que les trois pays de l’AES sont encore membres de l’Uemoa qui regroupe 8 pays de la région partageant le franc CFA comme monnaie commune et qui appliquent entre eux la libre-circulation des biens et des personnes. Des accords sont nécessaires sachant que les trois pays sahéliens dépendent des pays côtiers de la Cedeao pour leurs approvisionnements, avec une forte interdépendance économique entre les deux parties. De même, il faudra régler le problème de libre-circulation et d’établissement des citoyens des pays de l’AES au niveau des pays de la Cedeao.
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Et de toutes les manières, tant que les pays de l’AES resteront membres de l’Uemoa, il sera impossible de leur imposer des droits de douane et de visas au sein de cet espace dans lequel ils partagent une monnaie commune. D’ailleurs, le ministre malien des Affaires étrangères a clairement signifié que le Mali resterait membre de l’Uemoa. Or, ce sont surtout avec les pays de l’Uemoa que les sahéliens, notamment le Mali et le Burkina Faso ont le plus de relations aussi bien économiques que sociales.
Ainsi, accord ou pas accord, il est clair que certains pays de la Cedeao n’accepteront pas l’établissement de visas et/ou de droits de douane avec les pays de l’AES. A titre d’exemple, il sera difficile, pour ne pas dire impossible, de convaincre les nouveaux dirigeants sénégalais d’imposer le visa et des droits de douane au Mali.
Du coup, beaucoup d’observateurs pensent que la séparation officielle se fera en fin janvier 2025, mais que tout ou presque restera comme avant entre les pays de la région.
Une chose est sûre, avec la séparation, la Cedeao verra son périmètre se réduire considérablement. Les pays de l’AES représentent en effet 52,84% (soit 2,7 millions de km2) de sa superficie, 17% de la population de la région (soit 70 millions d’habitants), et 7% du PIB de la région.